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Aberrante «culture du chiffre» et du résultat… ou la sarkonnerie sans limite

Publié le 31 mars 2010 par Kamizole

francois-cornu-gentille.1270019608.jpgNicolas Sarkozy, avec sa mentalité de petit boutiquier a très certainement une calculatrice greffée en lieu et place du cerveau. Le sarkozysme étant une maladie intellectuellement transmissible, certains membres de l’UMP sont à l’évidence atteints par le culte du chiffre et de résultat. Loin de moi l’idée que l’activité et l’efficacité de l’administration ne doive faire l’objet d’une évaluation. Mais l’actuelle manie de tout noter – consubstantielle à l’ultralibéralisme, concurrence exacerbée oblige – relève de la pure connerie. C’est ce que m’inspire, entre autres lectures depuis plusieurs années, un article paru sur 20 minutes il y a déjà presque un mois Un rapport propose de noter la fonction publique qui émane d’un député UMP, François Cornu Gentille.

Il insiste sur l’indispensable «culture du résultat» - grande idée de Nicolas Sarkozy dont on ne connaît que trop “l’inculture” générale ! – mais constatant que les «indicateurs aujourd’hui utilisés sont trop nombreux (1178 !) pour focaliser l’action publique» il propose de leur substituer une douzaine d’indicateurs…

Je commencerais par donner une fort mauvaise note à ses profs de français !

:)

“Focaliser l’action publique”… On focalise un rayon sur une chose mais dans cette acception, le verbe focaliser ne peut être utilisé qu’à la forme pronominale : “se focaliser sur” sinon “focaliser l’attention sur”. Dommage pour lui que mémé Kamizole soit puriste en diable ! Mais ce n’est pas pour rien qu’une de mes rubriques s’intitule “Défense et illustration de la langue française”…

Il constate que “Le faible niveau de qualité de service, comme l’absence de respect des indicateurs de délai, peut conduire à des ruptures de droit pour les usagers”. Jusque là, rien à redire. Les usagers des services publics – qui payent des impôts, des redevances, etc. – peuvent prétendre à bon droit à un service de qualité de même qu’il est tout à fait légitime que le personnel respectât ses devoirs. Ce qui est évidemment du ressort du contrôle de l’encadrement. Sait-il au moins que les fonctionnaires sont notés chaque année et que cette notation a une incidence notable sur les primes au mérite et en matière d’avancement au choix ?

Les paramètres qu’il propose me semblent ridicules. Ainsi, mesurer le «nombre de services capables de délivrer un passeport en moins de deux semaines» (…) le «délai de traitement des dossiers complets d’indemnisation chômage» ou la «part de demandeurs d’emploi recevant au moins une proposition d’emploi ou de formation tous les deux mois» ou encore le «délai d’intervention des forces de sécurité»

D’abord, encore faudrait-il qu’il y ait suffisamment de personnel pour instruire lesdits dossiers ou intervenir. Ce qui me semble une gageure quand on sait que précisément l’Etat ne fait que rogner chaque année sur les effectifs de la fonction publique, y compris dans les forces de police.

Ensuite, chacun sait qu’aucun dossier n’est comparable à un autre. Certains peuvent être traités très rapidement et d’autres présenter des difficultés qui ralentissent forcément le traitement, sans oublier qu’il peut manquer des pièces. L’essentiel étant qu’ils ne soient pas placés sous le coude gauche d’un fonctionnaire paresseux.

Enfin, l’on sait que la culture du résultat peut avoir des effets pervers. En matière de police où certains quotas ou objectifs chiffrés multiplient les gardes à vue souvent injustifiées et les contraventions pour des infractions souvent mineures à tour de bras : dans le seul but de faire rentrer des pépètes dans les caisses du Trésor public pour que Nicolas Sarkozy les puisse dépenser aussi rapidement que possible.

Quant au Pôle Emploi où les effectifs sont notoirement insuffisants mais inversement proportionnels à la pression qu’y subissent les agents, une seule proposition d’emploi ou de stage en deux mois à des personnes qui sont au chômage peut paraître un objectif très a minima si l’on se met à la place du demandeur d’emploi.

Mais d’une part, cette proposition ne tient pas compte de la situation de l’emploi, catastrophique actuellement. D’autre part, elle ne prend pas en compte la situation des demandeurs d’emploi. Certains, nonobstant la conjoncture, seront toujours plus facilement recasés, soit qu’ils travaillent dans un secteur plus porteur soit qu’ils aient une qualification recherchée.

Enfin, cela peut inciter certains conseillers du Pôle Emploi qui ne seraient pas trop regardants sur l’éthique professionnelle mais désireux d’augmenter leurs chiffres de dossiers traités à proposer des emplois ou des stages tout en sachant que les personnes ne pourront les accepter pour diverses raisons ou n’auront aucune chance d’être sélectionnées.

En matière d’éducation nationale comme de santé, il ne fait guère plus preuve d’intelligence des situations. Ainsi, concernant l’orientation scolaire à l’issue de la classe de troisième, la proposition de mesurer «le taux de satisfaction du premier vœu d’orientation des élèves». C’est bien joli mais certaines familles ont parfois des prétentions bien au-dessus des capacités de leurs rejetons !

Par ailleurs, la disparition de la “carte scolaire” n’arrange rien. Les “pistonnés” - même moins doués - dont les familles connaissent aussi les meilleures filières et les établissements les plus réputés passeront le plus souvent avant de meilleurs élèves qui n’auront que la malchance de n’être point “bien nés” et résider dans des quartiers que l’on qualifier pudiquement de “sensibles”.

Dans la santé, il propose de retenir «délai entre la visite d’un médecin généraliste et la visite d’un spécialiste». A moins qu’il ne s’agisse de consultations hospitalières, je ne vois pas en quoi cela concerne le service public. Et sauf urgence, il est évident que les patients seront confrontés au cahier de rendez-vous des spécialistes. Sachant au demeurant qu’aujourd’hui l’on demande à tous les praticiens de réduire leur activité.

Quant aux retraites, il suggère de se focaliser sur le «taux de fiabilité des relevés de retraite». Sans doute y a-t-il parfois des erreurs, je ne saurais le dire. En ce qui me concerne, bien qu’ayant dépendu de la CRAM du Centre et de l’Ile de France, avec des allers-retours sur plusieurs périodes, le relevé d’activité et de salaires depuis 1965 était tout à fait exact et mon dossier de retraite a été réglé en à peine deux mois par l’antenne de Sarcelles. Il suggère que le nom de la personne référente soit inscrit sur les courriers envoyés aux administrés mais les services publics n’ont pas attendu cette recommandation…

Ou l’art d’enfoncer les portes ouvertes sans tenir compte des possibles aléas. Vision purement comptable qui à trop vouloir quantifier les résultats finit par méconnaître la qualité du service rendu tout en foutant une insoutenable pression sur les agents publics. A qui l’on demande toujours plus avec des moyens en personnel en constante dégradation. L’Etat-Sarkozy introduisant le management de “l’entreprise barbare” dans la fonction publique.


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