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Crise D'Adolescence.

Par Mélina Loupia
Dimanche, 23h36.
Cher journal.

Demain, Copilote reprend le boulot.
Comme je te l'ai dit avant hier, ça faisait une semaine qu'il était en congés.

On s'est régalés, tous les 2, pour une fois qu'il est en vacances pendant que les enfants sont à l'école, on a décidé de profiter du temps où on pensait que manger à heures fixes était fait pour les vieux.
Tu te rappelles, quand je te disais que c'était vraiment ça, la vie que je voulais, quand j'avais 17 ans.
Je me souviens que j'étais fière d'aller au lycée, tourner plutôt bien en cours, et rentrer à midi et le soir, retrouver mon amoureux dont les 5 ans de plus que moi suscitaient tantôt l'admiration, tantôt la jalousie des copines.
Puis aller se coucher accompagnée, contribuer à l'étreinte passionnée, qui se renouvellera au réveil, avant de retourner en cours...
Tu te rappelles quand je te disais que se coucher avant minuit était une perte de temps. 
Se coucher tout habillé parce que le réveil allait sonner pour aller travailler dans ce petit restaurant ou donner des cours de soutien à ses 2 petites filles, tu sais, celles de la station service.
J'y allais en scooter.
Alors que Copilote faisait connaissance avec son premier ordinateur, dernier cri à l'époque, les disquettes prenaient le pas sur les cassettes pour faire du traitement de texte.
C'était tellement bien aussi, de prendre le petit déjeuner au lit à 15h, au réveil.
Il était vraiment doux ce temps-là où on avait la vie devant nous, l'amour exclusif garant d'un demain extraordinaire, du moment qu'on était ensemble, et responsables de nos actes, maîtres de nos vies et de celle qu'on était en train de construire.
Comme j'aimais ce sentiment de maîtrise totale de ma vie, la conciliation entre ma vie studieuse et d'adulte.
Rentrer, faire à manger, aller en cours, apprendre, rentrer, faire mes devoirs, le repas, puis répéter le schéma parental le soir, sur le canapé, devant la télé.

Ce qui était moins plaisant en revanche, c'était le dimanche soir.

Tu vois, cher journal, si je me rappelle ce soir de te dire tout ça, c'est que cette semaine, ce bon vieux temps, on l'a revécu, de 8h à 17h, tous les jours.
On s'est remis en condition immédiatement lundi soir, d'entrée de jeu, couchés à 4h de mardi matin.
J'ai été réveillée par Arnaud qui venait nous embrasser avant de partir à l'école. Ses grands frères étaient déjà en cours à cette heure là.
Je me suis alors régalée de replonger dans le sommeil insouciant, collée au corps chaud de copilote.
Et quand j'ai rouvert les yeux, à 13h, j'ai ressenti la plénitude et la même maîtrise sur le temps.
Pas faim, trop tard, pas grave, café, clope, ordi.
Il s'est levé vers 15h, a déjeuné, je l'ai regardé manger, il avait 22 ans dans mes yeux à nouveau. 
Je l'ai désiré, il a cédé, quand les enfants sont rentrés, j'étais sereine, comblée.
Les devoirs, c'est eux qui les ont faits, un peu avec moi.
Ils sont allés se coucher vers 21h30, horaire exceptionnel qu'on leur a laissé le choix d'avancer ou reculer durant toute cette semaine, histoire de leur faire goûter à ce contrôle sur leur propre emploi du temps.
Nous, on a enchainé les nuits aussi longues que nos journée ont été courtes, mais dans les 2 cas, riches en découvertes, redécouvertes, évènements, surprises, rires, soupirs, murmures, cris ou même larmes indéterminées.
Je me suis laissée à nouveau porter vers hier, où le temps n'avait plus aucune prise sur moi.
Où 8h, midi, 16h, 19h, 23h n'étaient que de chiffres témoins de moments-clés dans la vie des grands.

Ce qui n'a pas changé, en revanche, c'est le dimanche soir.
Lui, il était là hier, il sera là demain, et pour le moment, il est là.
Dimanche, ça veut dire que lundi, y a école.
C'est le seul coup de frein brutal que le temps s'est toujours permis de donner à ma place.
Et ce soir, je dois lui laisser à nouveau prendre le volant, le contrôle de ma vie.
Les vacances sont finies.
Demain, Copilote retourne au boulot.

Demain, je vais devoir à nouveau me refondre dans mon monde d'adulte.
J'ai peur de me laisser guider par le temps des grands.
Parce que je vais devoir redevenir grande.
Et que même grande, j'aime pas l'école.

Je me rappelle, cher journal, que je t'avais dit, en ce temps-là, celui que je viens de vivre pendant une semaine, que mon adolescence ne connaîtrait pas la crise, que j'avais sauté cette étape inutile.

Ce soir, cher journal, je crois que le temps est rancunier, et j'ai bien l'impression qu'il va se régaler de me faire repasser le rattrapage.

Ce soir, cher journal, je fais ma crise d'adolescence.

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