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Aubry : la transparence, oui, mais pour les autres…

Publié le 04 avril 2010 par H16

Chuuuuut. Tout va bien, ne faites pas de bruit : la République Bananière du Bisounoursland est sagement endormie et le pays continue son chemin sur les rails ouatés d’une douceur calculée qui l’amènera, tranquillement, jusqu’en 2012, seul horizon visible de la politique française. Et pendant que l’INSEE n’arrive plus à payer ses factures (pas d’inquiétude, tout va bien, chuuuut), on s’active pour nous préparer une spécialité fromagère de Lille sauce acide.

Suite à la gifle intersidérale des Régionales, certains leaders de la gauche ont le pédoncule présidentiable qui pousse, à tel point que même la première secrétaire du PS est jugée crédible dans cette fonction exécutive.

Elle revient pourtant de loin : rappelez-vous, c’était en Juillet 2009, et les petites salves fusaient entre les différentes ténors du principal parti de l’opposition, à tel point qu’on croyait assister à une véritable guerre de tranchée préparatoire à une scission douloureuse ; les dissensions étaient telles au sein de Peintures Sanitaires S.A. qu’on sentait la société proche du dépôt de bilan.

Mais après le « succès » des régionales, la chance semble sourire à la Martine.

(Ici, je mets succès entre guillemets, puisque, pour rappel, compte-tenu de l’abstention, les joyeux filous de l’opposition représentent à peine un quart des Français et se croient cependant adoubés par la majorité d’entre eux, majorité qui a, essentiellement, préférer aller pêcher qu’écouter leurs salades.)

A tel point que, grisée par la victoire et, tout aussi probablement, fatiguée d’une longue séance municipale, la voilà qui s’emporte contre un conseiller municipal de droite qui a l’impudence de filmer la réunion :

« On est dans un lieu public, il y a des règles, et vous n’avez pas à filmer, à me filmer, depuis le début du conseil, sans autorisation, Je suis désolée, ce sont des pratiques d’un autre temps, et je dirais même d’autres pratiques, si vous voyez ce que je veux dire. »

Comme on peut le lire, très manifestement, Martine n’aime pas du tout qu’on puisse la tenir pour responsable de ce qu’elle dit en séance, quitte à assimiler – bizarrement – la publicité qu’on pourrait faire de ces enregistrements à des pratiques d’un autre temps, qu’elle se garde d’ailleurs de citer (pour éviter le point Godwin, sans doute).

C’est pour le moins étrange dans la mesure où les informations sont le plus contrôlées lorsque le régime en place est le plus totalitaire… En fait, il s’agit d’une vieille habitude ancrée dans les moeurs socialistes : traiter ouvertement ou à mots couverts son adversaire de fasciste ou de nazi dès lors qu’il ne pense pas comme vous. Les récents remugles zemmouriens et autres illustrent fort bien la tendance : la liberté d’expression doit être totale lorsqu’ils dénoncent les actes ou les discours de leurs opposants, et minimale pour ceux qui ont le mauvais goût de penser autrement que la ligne officielle qu’ils prônent.

Et en application, cela donne une Martine ronchonne qui tente par tous les moyens de récupérer l’enregistrement et faire cesser les fuites d’informations.

Oui mais voilà, la Martine a tort : un conseiller municipal a bel et bien le droit de filmer une séance :

Le principe de publicité des séances posé par l’article L. 2121-18 du même code, qui a conduit le législateur à prévoir la retransmission des séances par les moyens de communication audiovisuelle, fonde le droit des conseillers municipaux comme des membres de l’assistance à enregistrer les débats. Ce droit reconnu par la jurisprudence administrative a conduit les juges à considérer comme illégale l’interdiction par le maire de procéder à un tel enregistrement dès lors que les modalités de l’enregistrement ne sont pas de nature à troubler le bon ordre des travaux de l’assemblée communale.

A la suite de ce petit buzz un peu ridicule – auquel je participe indirectement avec ce billet, du reste – on peut tout de même retirer quelques réflexions intéressantes.

Ainsi, toute cette micro-affaire ne nous fait pas découvrir grand-chose quant au caractère stalinien tant des pratiques du vieux parti socialiste que d’Aubry elle-même. Toutes ces personnalités, depuis très longtemps habituées au pouvoir, en ont oublié le pendant, à savoir la responsabilité qui va avec. Progressivement déconnectées des réalités de tous les jours, elles s’imaginent toutes (Aubry comme beaucoup d’autres) que la transparence ou la publicité des débats, la responsabilité des actes ou des paroles ne s’adressent pas ou moins à eux qu’aux autres : si le pouvoir corrompt, il le fait surtout en amoindrissant grandement le sentiment d’implication dans les conséquences de leurs actes.

Autrement dit, il y a fort à parier que ce qu’on a observé ici avec la spécialité fromagère lilloise aurait très bien pu avoir lieu partout ailleurs dans une grande ville de France, ou dans les palais gouvernementaux ou présidentiels : ceux qui nous gouvernent n’ont plus, depuis longtemps, le sentiment que s’ils dérapent, s’ils mentent ou s’ils fautent, ils seront chopés, poursuivis et condamnés.

Ce n’est que dernièrement, avec l’apparition d’internet et la surmédiatisation des fuites des uns et des autres, que les politiciens ont commencé, assez timidement, à comprendre que la mémoire des moutontribuables allait s’en trouver diablement améliorée.

Et il faudra donc probablement des années avant que les élus comprennent bien que leurs revirements constants d’opinions, leur girouettie aigüe, leurs mensonges et leurs omissions finiront par leur coûter cher.

Ce qui m’amène à un deuxième point de réflexion : il faut absolument encourager ce genre de pratiques, et ce pour deux raisons.

D’une part, les élus nous sont redevables de leur vie publique, ils sont payés pour ça. Il faut absolument que la politique devienne une profession où l’élu se sente constamment épié, surveillé, à chaque minute contrôlé par la masse de ses électeurs et de ses contribuables, au point qu’il soit absolument persuadé qu’au moindre dérapage, il encourt une sanction immédiate. On doit encourager la transparence des débats, de tous les débats politiques et politiciens, comme par exemple ceux qui animent les syndicats et le gouvernement, les ministres et le président, etc…

Ce qui m’amène au second point : cette absolue transparence des débats politiques, la publicité maximale de chaque parole et de chaque transpiration d’homme ou de femme de pouvoir entraînera immanquablement ce que nous observons déjà en partie, à savoir l’amollissement complet des politiciens, qui se contenteront de débiter des lieux-communs, de ne prendre aucune décision et de faire de la fanfreluche consensuelle. Cela amènera aussi la plupart des gens de bon sens à renoncer à la carrière politique, ce qui devient une nécessité devant le marigot putride qu’elle est devenue.

En imposant, via internet, une mémoire solide de ce qui a été dit et fait, et en permettant à chaque citoyen de prendre vraiment conscience de ce qu’est, réellement, un politicien, en les mettant systématiquement face à leurs contradictions et leurs vices, on aboutira enfin à ce constat : l’exercice du pouvoir n’est qu’une forme subtile de manipulation honteuse d’une majorité par une toute petite minorité, coterie de puissants, menteurs, voleurs et assassins.

Aubry, dans cette histoire, ne fait ni plus ni moins que ce qu’on fait et feront encore tous les autres : exercer le pouvoir avec mépris, pour elle-même, et sans considération de sa charge.

Et pour cela, elle comme tous les autres doivent payer.


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