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Le blog : 100 jours en Haïti

Publié le 05 avril 2010 par Unpeudetao

Le blog : 100 jours en Haïti

La terre a tremblé mais la vie continue. Saran Koly journaliste indépendante en immersion dans la perle noire des Antilles

Jour J : le jour le plus long

Arrivée à Port-au-Prince, je laisse des femmes endimanchées et bien chargées passer devant moi. Elles sont passées chez le coiffeur avant de prendre l'avion.
Les cheveux sont lissés, plaqués avec du gel, quelques paillettes brillent sur la raie, mise de côté. La queue de cheval est allongée grâce aux mèches Pony comme l'on en trouve dans le quartier de Château d'eau à Paris.

Chemisiers en nylon bien blanc avec des boutons dorés, abus d'eau de Cologne, qui a parfois (un peu) tourné avec la chaleur ambiante. Quand les tanties arrivent, il faut laisser passer. Surtout si on ne veut pas se prendre des coups de sac imitation Vuitton dans les côtes ou se faire ôter le gros orteil par des mules à talons.Pour récupérer les bagages, c'est le cafouillage. Nous sommes dans une annexe de l'aéroport. Le hall des arrivées est fermé, trop de fissures, il n'a pas pu résister au séisme. Les agents balancent nos sacs, évidemment nous nous précipitons pour récupérer nos affaires. Un vrai bordel.

L'avion a du retard, la nuit est tombée sur Port-au-Prince quand je sors. Personne n'est venu me chercher. Pas de téléphone. Je suis là, avec mon sac à dos, ma petite valise dans une main et ma tente dans l'autre. Un éclair, c'est l'orage. Mais où vais-je dormir ce soir? Un homme s'approche: «Vous voulez un taxi?» «Non merci, quelqu'un doit venir me chercher, sauriez-vous où je pourrai trouver un téléphone ou internet?»
Il me prête son téléphone, Sarah ne répond toujours pas.Je vais faire un ulcère.

«Je ne vais pas vous laisser ici toute seule sous la pluie, vous allez venir chez moi.» Mais chez lui, c'est où? Et lui, c'est qui?Je me dis: écoute ma cocotte t'as une autre solution? Non? Alors! C'est comme ça que j'ai passé ma première nuit à Crissoi dans le très modeste deux pièces de Philippe que j'appelle désormais mon ange gardien.

 Entre les murs, une table, un peu de vaisselle, une vieille télé et un magnétophone des années 90. «Ici c'est la maison de ma mère qui est décédée. Ma maison en béton s'est écroulée, alors je suis ici dans cette petite baraque en tôle.»Des photos de sa fille sont affichées sur les murs bleus. Sa femme et leurs 4 enfants sont partis quelques semaines se reposer à la campagne, traumatisés par «l'évènement» et ses répliques. L'électricité? ça va, ça vient, pour le moment, c'est parti. Il me propose de m'installer dans le lit conjugal qu'il a joliment arrangé pour moi, il dormira sur celui de ses enfants en face.

Je refuse, je peux dormir par terre avec mon sac de couchage. Philippe se fâche, il est vexé. Je monte alors dans le grand lit, trop fatiguée pour me laisser priée mais coupable…Comment pourrais-je le remercier? De l'argent? Il refuse d'en entendre parler. Il allume un anti-moustique en forme spirale, l'odeur me rappelle mes vacances en famille en Guinée forestière. Ce sont vraiment mes cousins des Amériques.

 
Les notes récentes :
• Dimanche, c'est le jour du seigneur
• L'un reste, l'autre part
• Ré-apprendre à parler
• Jour J : le jour le plus long
• Jour J : début du compte à rebours
• J-2 : Coughsurfing
• J-5: Mes cousins des Amériques

 
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