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Les blogueurs marocains se retrouvent dans le collimateur des autorité

Publié le 07 avril 2010 par Tanjaawi

Après deux mois et neuf jours passés en prison, Boubaker Al-Yadib a été remis en liberté, lundi 5 avril. Le blogueur marocain avait été arrêté, puis condamné à six mois d'emprisonnement par le tribunal de Guelmim, dans le sud du pays, pour avoir notamment diffusé sur Internet les photos d'une manifestation réprimée, en décembre, dans un village. Un mois plus tôt, un autre blogueur, arrêté pour les mêmes raisons, El-Bachir Hazzam, avait lui aussi recouvré la liberté. Mais pas le patron du cybercafé qui a écopé d'un an de prison ferme, ramené à huit mois en appel.
Créée voilà moins d'un an, l'Association des blogueurs marche sur les traces de la presse et, comme elle, subit les foudres des autorités. En juin 2009, cette association s'était mise en tête de contrôler, avec force reportages, les élections municipales, et avait créé pour cela un site. En août 2009, elle a diffusé le sondage sur le bilan du roi Mohammed VI, du magazine Tel Quel - qui sera saisi -, auquel s'était associé Le Monde.
Quelque 2 000 internautes avaient adhéré au groupe lancé pour l'occasion sur Facebook. En janvier, elle a lancé "la semaine de deuil de la presse", en signe de protestation contre les procès qui pleuvent sur les rédactions.
Non reconnue par l'administration - et donc illégale -, l'Association des blogueurs rassemble des adultes de toutes tendances qu'elle forme à l'écriture et aux reportages, bien décidée à faire bouger les lignes. "Nous avons peu de moyens mais beaucoup de projets", affirme son président, Saïd Benjebli, 30 ans, un ancien islamiste, selon lequel jusqu'à sept blogueurs sont passés par la prison. "Un blogueur, c'est un journaliste-citoyen, et notre rôle est de ne pas le laisser sans encadrement", appuie Najib Chaouki, bloggeur et représentant du bureau de l'association qui se définit comme "laïc et athée" et qui est également membre du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI).
L'émergence de cet espace militant, cette "zone de non-droit", selon l'expression du ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Khalil Naciri, inquiète. "Nous ne voulons pas sévir, mais notre marge de manoeuvre est étroite, déclare le ministre. Je dois protéger une démocratie naissante."
"Ces blogueurs sont des intégristes !" s'indigne Jamal Eddine Naji, un universitaire spécialisé en communication et coordinateur de la commission du dialogue national Médias et société. Créée à l'automne 2009 dans le but de réformer le Code de la presse, cette instance a inclus dans ses travaux parlementaires la "blogosphère". "Nous y sommes allés le premier jour, mais 40 % des membres de la commission appartiennent au PAM [parti de l'authenticité et de la modernité], le parti du roi, souligne Najib Chaouki. Le problème, ce n'est pas la société et la presse, mais le palais royal et la presse."
De fait, depuis des mois, les désaccords n'ont cessé de grandir entre le pouvoir et les journalistes. Procès, amendes records, journaux saisis ou poussés à la fermeture, ont nourri la chronique de la crise. Le quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum reparaît sous un autre titre depuis trois mois, mais n'a jamais pu récupérer ses locaux toujours placés sous scellés ; le Journal hebdomadaire francophone, étranglé par ses dettes et confronté à la réduction drastique de ses recettes publicitaires, a dû mettre la clé sous la porte en février. Et le directeur d'Al-Michââl, Driss Chahtane, purge toujours, depuis cinq mois, une peine de prison pour avoir fait paraître des articles désobligeants sur le chef d'Etat algérien Abdelazziz Bouteflika, et la santé de Mohammed VI, malgré les appels répétés de son épouse, enceinte, au pardon royal.
"Est-ce que la presse insulte, diffame ? Oui, mais c'est à la justice de régler ça, or aucun procès ne respecte les conditions d'un procès équitable", souligne Khalid Jamaï, ancien journaliste, père d'Aboubakr Jamaï, l'un des fondateurs du Journal hebdomadaire. "Ces procès sont bidons", lâche Abderrahim Jamaï, avocat homonyme qui a souvent défendu la presse - sans jamais gagner un procès. "C'est difficile à croire, mais ça marche sans règles, soupire Ahmed Benchemsi, directeur de la publication de Tel Quel. Il faut savoir humer l'atmosphère." Le magazine francophone, et sa version arabe Nichane, qui a déjà connu cinq procès, deux saisies, une interdiction, doit souvent composer avec les "lignes rouges".
"Il n'y a pas de sujets tabous, mais il faut savoir choisir ses termes, affirme Younes Moujahid, secrétaire général du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM). Le roi ne veut pas de caricature, pas de Guignols chez nous. Pas d'informations non plus sur la vie privée et il ne faut pas blesser ni être vulgaire." Un code que les blogs au Maroc, qualifiés de "poubelles de la presse" par M. Moujahid, transgressent. Or, faute de travail, de plus en plus de journalistes s'y retrouvent.
L'association des blogueurs est "une sorte d'activisme journalistique", décrypte Driss Ksikes, ancien rédacteur en chef de Tel Quel qui, après une condamnation à trois ans de prison avec sursis, a préféré se tourner vers le théâtre pour garder sa liberté. "Nous sommes dans une sorte de néo-patriotisme où l'on cherche à vendre de l'image, ajoute-t-il, et où toute critique ou velléité de critique est perçue comme une brèche." Khalid Jamaï a cette formule sur la presse qui sonne juste : "Nous sommes devenus l'opposition et le pouvoir nous traite comme tel."
Isabelle Mandraud / " Le Monde "
300 000 exemplaires de quotidiens ont été vendus au Maroc en 2008, selon les chiffres de l'OJD Maroc (Organisme de justification de la diffusion).
191 000 exemplaires pour les hebdomadaires s'ajoutent à ce chiffre. Avec 13 lecteurs pour 1 000 habitants en moyenne, d'après Jamal Eddine Naji, universitaire spécialiste des médias, la presse est un marché modeste.
80 000 blogueurs existent, mais tous ne sont pas actifs, selon Saïd Benjebli, le président de l'Association des blogueurs. Cette dernière, créée en 2009, revendique 300 blogueurs membres.
6 millions d'internautes, selon plusieurs estimations, sur la trentaine de millions d'habitants.
Reportage | http://www.facebook.com/l/ae106;07.04.10

http://www.facebook.com/l/ae106;www.lemonde.fr/afrique/article/2010/04/07/les-blogueurs-marocains-se-retrouvent-dans-le-collimateur-des-autorites_1329994_3212.html

Association des blogueurs Marocains - جمعية المدونين المغاربة.


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