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Une réforme constitutionnelle pour mettre fin à l’hyperprésidence

Publié le 08 avril 2010 par Hmoreigne

 Le veaudeville qui secoue l’Elysée témoigne d’une décomposition, d’un délitement accéléré du pouvoir. La rançon de l’hyperactivité de l’exécutif semble être un vieillissement accéléré du commandant en chef. Une progéria de l’hyperprésidence qui doit amener à s’interroger sur le fonctionnement de nos institutions. Martine Aubry a entrouvert cette porte en confiant à haute voix ses doutes sur la durée du mandat présidentiel. Sans apporter de réponse, la première secrétaire du PS pose le problème de la relation de l’action politique au temps.

Pas besoin d’être grand clerc pour se rendre compte qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume de France. La personnalité de Nicolas Sarkozy y est certes pour beaucoup mais, elle n’explique pas tout. Elle souligne les bouleversements générés par le passage au quinquennat (initié par Lionel Jospin) et l’inversement du calendrier électoral.

Le passage au quinquennat a en partie enterré les rêves d’instauration d’une VIe République. Moins symbolique l’inversion du calendrier électoral a transformé l’élection législative en troisième tour de la présidentielle avec pour effet pervers de faire des élus de la majorité des obligés d’un président mué en super premier ministre mais dénué de responsabilité devant l’Assemblée.

Difficile de ne pas reconnaître que le quinquennat adopté par référendum en septembre 2000 a amplifié le déséquilibre des pouvoirs dans le sens de l’Elysée. La Ve République bis est une Ve dévoyée.

Dans un entretien au quotidien en ligne Médiapart le 2 avril dernier, Martine Aubry a posé la question de la relation du politique au temps en prenant la précaution d’indiquer qu’il ne s’agissait que d’un point de vue personnel :

“En tout premier lieu, je pense qu’il est bien difficile de changer une société en étant élu pour cinq ans. Il faut donner le temps que la réforme soit comprise et que les gens se l’approprient. Pour moi, être à la tête d’un pays, c’est faire en sorte de le projeter dans l’avenir. Et je pense que le temps actuel est un temps qui ne permet pas de prendre en considération la complexité de la société, le temps de la démocratie et le temps de l’action. Du coup, on est obligé de faire les choses rapidement et brutalement, car la visée électorale est plus importante que la visée politique”.

Le temps donc mais pas seulement. La première secrétaire du PS souligne que, “le second élément majeur est celui des contre-pouvoirs institutionnels” sans omettre “les questions de la justice et des médias. A partir du moment où l’on doute de leur indépendance, il n’y a plus de démocratie. Il faudra revenir à une justice indépendante, cela implique de redonner son indépendance au parquet, de maintenir les juges d’instruction. Cela sera nécessaire et sans doute moins difficile que dans le domaine des médias, tant il pourrait y avoir une part d’irréversible dans les dérives en cours. On doit empêcher que le contrôle des médias par de grands groupes industriels se poursuive, mais il est difficile de revenir sur les prises de contrôle qui ont déjà eu lieu. Et il faudra évidemment mieux consacrer la liberté de l’information dans notre droit et notre Constitution“.

Même brute de décoffrage et non finalisée, la vision de Martine Aubry a le mérite d’ouvrir un débat essentiel. Les institutions doivent avoir pour rôle de prévenir et de corriger les travers de ceux qui nous gouvernent, pas de les amplifier.

Dominique de Villepin partage cette préoccupation de laisser du temps au temps. Le 4 avril, il déclarait au micro du Grand-Jury RTL-Le Figaro, à propos du quinquennat : “Je n’(y) ai jamais été favorable, je pense que le septennat donne la possibilité au président d’une plus grande respiration…” L’ancien premier ministre estime qu’un mandat de 5 ans inscrit plutôt le président de la République “dans la précipitation, dans l’émotion et dans le spectacle de la vie politique: cela le place en situation de prendre tous les coups…”.

Interrogés par Mediapart des constitutionnalistes dans réfutent vivement cette hypothèse. Olivier Duhameljuge que, “Non, l’hyper-présidentialisation, c’est le résultat d’un choix personnel, d’un tempérament“. Guy Carcassonne voit dans la critique du quinquennat “une extrême myopie” : “C’est confondre la logique des institutions avec le style Sarkozy. La “rapidité” et la “brutalité” n’ont rien à voir avec le quinquennat. Il suffit de constater que nombre de pays où les dirigeants disposent de moins de 5 ans ont entrepris des réformes importantes sans aucune précipitation. Regardez l’Allemagne: avec un mandat de 4 ans le problème des retraites a été réglé depuis longtemps… Martine Aubry se décrédibilise en ayant l’air de penser que 5 ans ne suffisent pas pour travailler tranquillement”.

Le professeur Dominique Rousseau insiste lui sur l’inversion du calendrier véritable source à ses yeux de l’hyperprésidence : “Celle-ci ne tient pas à la réduction en soi du mandat de 7 à 5 ans, mais au nouvel ordre chronologique des élections: les députés se font désormais élire sur le nom du nouveau président de la République. En 2007, ça a créé un véritable lien d’allégeance“.

Le débat ne se réglera pas en quelques lignes. Commencer à en parler c’est déjà bien même si la réponse est complexe. Il est surprenant à cet égard que les constitutionnalistes ne se félicitent pas de celui-ci. Sauf à considérer que la situation actuelle est acceptable. Pour tous les autres, une plongée dans l’Esprit des lois de Montesquieu peut constituer une primo-vaccination contre l’essoufflement démocratique actuel.


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