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Au frais amour ébloui (Victor Hugo)

Par Arbrealettres


La campagne est caressante
Au frais amour ébloui;
L’arbre est gai pourvu qu’il sente
Que Jeanne va dire oui.

Aimons-nous! et que les sphères
Fassent ce qu’elles voudront!
Il est nuit; dans les clairières
Les chansons dansent en rond;

L’ode court dans les rosées;
Tout chante; et dans les torrents
Les idylles déchaussées
Baignent leurs pieds transparents;

La bacchanale de l’ombre
Se célèbre vaguement
Sous les feuillages sans nombre
Pénétrés de firmament;

Les lutins, les hirondelles,
Entrevus, évanouis,
Font un ravissant bruit d’ailes
Dans la bleue horreur des nuits;

La fauvette et la sirène
Chantent des chants alternés
Dans l’immense ombre sereine
Qui dit aux âmes: Venez!

Car les solitudes aiment
Ces caresses, ces frissons,
Et, le soir, les rameaux sèment
Les sylphes sur les gazons;

L’elfe tombe des lianes
Avec des fleurs plein les mains;
On voit des pâles dianes
Dans la lueur des chemins;

L’ondin baise les nymphées;
Le hallier rit quand il sent
Les courbures que les fées
Font aux brins d’herbe en passant.

Vient; les rossignols t’écoutent;
Et l’éden n’est pas détruit
Par deux amants qui s’ajoutent
A ces noces de la nuit.

Viens, qu’en son nid qui verdoie,
Le moineau bohémien
Soit jaloux de voir ma joie,
Et ton coeur si près du mien!

Charmons l’arbre et sa ramure
Du tendre accompagnement
Que nous faisons au murmure
Des feuilles, en nous aimant.

A la face des mystères,
Crions que nous nous aimons!
Les grands chênes solitaires
Y consentent sur les monts.

(Victor Hugo)

 

 



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