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Nigeria : retour sur les récents affrontements entre chrétiens et musulmans à Jos

Publié le 11 avril 2010 par Roman Bernard
1. Les affrontements de janvier
Des affrontements interconfessionnels ont éclaté, le dimanche 17 janvier, entre chrétiens et musulmans, dans la ville de Jos et ses environs (centre du Nigeria), et se sont poursuivis quatre jours durant. Le bilan de ces affrontements se situerait entre 320 et 550 morts, selon les sources. Selon la Croix-Rouge, on compterait au moins 18 000 personnes déplacées. Afin d’éviter l’extension des troubles à d’autres régions du pays, un couvre-feu a été décrété et des renforts militaires ont été envoyés sur place. La sécurité a également été renforcée dans plusieurs villes du Nord (Kano, Kaduna, Maiduguri), une région majoritairement musulmane, dominée par l’ethnie haoussa (musulmane). Environ 300 personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête sur les émeutes et 139 d’entre elles ont d’ores et déjà été transférées dans la capitale, Abuja, pour y être interrogées. Comme dans le cas de la Guinée, que nous évoquerons au point suivant, le vide du pouvoir semble avoir favorisé le déclenchement du conflit. De fait, le président Umaru Yar’Adua est hospitalisé en Arabie saoudite depuis plus de deux mois pour de graves problèmes cardiaques et probablement rénaux. Il n’empêche que les affrontements interconfessionnels de ce mois de janvier 2010 n’en révèlent pas moins un état de tension permanent qui, au Nigeria, comme dans d’autres régions du monde, prévaut entre chrétiens et musulmans. Le centre du Nigeria est d’ailleurs particulièrement coutumier de violences meurtrières entre chrétiens et musulmans. À la fin de l’année 2008, à Jos, une flambée de violence avait fait entre 300 et 700 morts. Et selon les dirigeants musulmans, les violences de cette année auraient justement pour origine un différend sur la reconstruction, dans un quartier majoritairement chrétien, d’une maison musulmane détruite en novembre 2008. Un représentant de la police locale a toutefois déclaré que les affrontements auraient éclaté après l’incendie d’une église par de jeunes musulmans.
2. Le génocide chrétien de mars

On préfère généralement, dans nos médias officiels, se montrer le moins précis possible sur la nature exacte des affrontements au Nigeria. Difficile, effectivement, de distinguer précisément, par ce biais, quelles sont les principales victimes de ce conflit que l’on nous dépeint volontiers comme un conflit interethnique, voire comme un conflit foncier, plutôt que comme un conflit interconfessionnel. Le magazine américain The Atlantic a toutefois déclaré que les affrontements interconfessionnels dans le centre du Nigeria constituent, selon toute vraisemblance, l’épicentre d’une nouvelle guerre de religions entre chrétiens et musulmans. Et dans la nuit du 7 au 8 mars 2010, les masques sont effectivement tombés : ce sont plus de 500 villageois chrétiens qui ont été massacrés par des musulmans. Ceux-ci ont tiré des coups de feu en l’air avant de massacrer à la machette les femmes et les enfants qui, terrorisés, fuyaient leurs habitations. Certains habitants du village de Doga Nahawa, non loin de Jos, ont même été brûlés vifs. On pense qu’en définitive, le bilan de ce massacre sera beaucoup plus lourd que les chiffres annoncés. Quant à l’armée, elle n’est intervenue que plus de trois heures après le début des massacres. À Jos, que d’aucuns présentaient jadis naïvement comme un modèle de « vivre-ensemble », les chrétiens et les musulmans ne se mélangent plus et n’habitent plus dans les mêmes quartiers. À l’origine de cette séparation ? La décision des gouverneurs musulmans, prise au début des années 2000, d’instaurer la charia dans les États du Nord du Nigeria. Par la suite, les minorités chrétiennes ont été souvent chassées, voire massacrées, dans ces régions, et elles sont venues se réfugier à Jos où elles ont, bien évidemment, cherché à se venger des exactions commises contre eux par les musulmans : ainsi, en janvier 2010, ce sont des chrétiens qui avaient massacré des musulmans. Au cours des dernières années, les affrontements entre chrétiens et musulmans ont fait des milliers de morts dans la ville de Jos, les heurts les plus violents s’étant d’ailleurs déroulés un certain 11 septembre 2001. Une association de chrétiens de Jos vient de déclarer : au Nigeria comme ailleurs l’illusion du « vivre-ensemble » s’effondre.
Éric Timmermans
Sources :

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