Magazine Journal intime

Escale technique et escapades terrestres

Par Crapulax

11 avril 2010

Escale technique et escapades terrestres

Durer trois semaines à Dakar en attendant l'arrivée de ma mère et des kids pour 15 jours à compter du 17 Avril n'est guère enthousiasmant. Il n'y a cependant pas d'autre alternative pour remettre les compteurs à zéro: bateau, adminstratif, logistique et autre. Difficile donc d'éviter une escale au Cercle de Voile de Dakar. J'y retrouve des collègues, déjà enlisés ici lors de mon passage express avec Nikko en décembre, et d'autres, copains en provenance du Cap Vert ou de Casamance.

Deux mois de mouillages somptueux en Casamance et aux Bijagos nous ont mal préparé à retrouver la Baie de Hann, ce dépotoire à ciel ouvert qui fut jadis une des plus belles plages d'Afrique. Hann accueille désormais l'essentiel  des déchets industriels et hospitaliers du Sénégal via le visqueux « rio merdo » qui s'y jette, les cargos y dégazent, les abattoirs et les pêcheurs se débarassent de ce qui n'est pas comestible. Au final, Hann est un gigantesque bouillon de culture nauséabond qui regorge de bactéries, mercure, arsenic et  dont la nocivité se mesure facilement aux maladies des habitants du littoral et à la vitesse à laquelle les anodes d'un bateau ou la galvanisation du mouillage se rongent. Beaucoup des voiliers au mouillage sont des épaves semi-abandonnées incapables de reprendre la mer. Entre les algues mutantes qui envahissent la coque 10 fois plus vite que n'importe ou ailleurs et les oiseaux qui élisent domicile sur les barres de flèche pour transformer le pont en dépôt de g

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uano, deux semaines suffisent à transformer un voilier entretenu en poubelle. Quant au CVD, il est moribond et périclite depuis l'assassinat de son président en 2009. Le club n'est quasiment plus géré et se délite à grande vitesse. Des soucis financiers ont conduit la direction par interim à réduire son activité, les horaires du bar et surtout ceux du passeur: A 21h, couvre feu. La baie est tellement nocive et la sécurité des annexes au ponton aléatoire, que peu de voiliers risquent la leur après la fin du service. Que de judicieuses mesures susceptibles d'achever le club... Autant dire qu'avec ce rythme de maison de retraite, le CVD, historique lieu d'échange et de convivialité entre navigateurs, voit son ambiance se dégrader à grande vitesse. Normalement cablé, on y attend ses papiers, le chariot pour caréner ou la réparation d'une avarie, avant de se tirer aussi vite que possible. Quant à ceux qui y sont échoués depuis, leur mode de vie reste pour moi un grand mystère.

Mon annexe étant à terre pour réparation, je crois ruser avec le couvre feu en louant une petite pirogue à un pêcheur. Mobilité, pas de risque de me la faire tirer au ponton et pas cher. Sauf qu'être piroguier ne s'invente pas. Même avec un bon équilibre, la probabilité d'arriver à bon port sans couler est moyenne. Olga ne daigne même pas s'y risquer et elle n'a pas tort car au bout de quelques jours d'utilisation circonspecte, lors d'un retour nocturne et flou en compagnie de Captaingils, un passager manque de coordination entre nous et le léger roulis induit nous font embarquer un paquet d'eau et couler. Malgré cette ablution matinale dans un bain empoisonné, je ne suis pas malade. Olga par contre, a le palu, contracté vraisemblablement aux Bijagos et se retrouve HS pendant 5 jours. Je ne vais pas jusqu'à me plaindre pas de cette période creuse surtout quand je constate, presque incrédule, les galères sans fin de certains, celles de Captaingils en particulier, devenues tellement légendaires sur le net qu'elles dé

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clenchent des débats enflammés dans les forums de discussions de voileux geek. Ses interminables galères sont un poeme. Gillou y tient une bonne part de responsabilité mais la malchance ne l'a pas épargné non plus. Depuis que je l'ai quitté en novembre au Cap Vert, il a successivement perdu Roxanne, sa chienne adorée, serré son moteur déjà changé X fois, expérimenté que son nième calfatage ne l'empêche pas d'embarquer 150l/h en navigation  et fait 15 jours de taule à Dakar pour s'être fait prendre en flag avec un pauvre joint sur la plage. Vous pouvez faire des dons par Paypal sur son site. Il le mérite, ne serait-ce que pour l'effroi ou l'hilarité que suscite la lecture de ses récits.

Travaux et adminstratif en voie d'apurement, Olga remise sur pied, nous décidons de nous échapper du CDV avec Captaingils pour une semaine,

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avant que Galapiat ne soit mis au sec. Nous envisageons d'abord Bamako mais au délà des 48h+ aller-retour, c'est surtout la perspective de devoir subir plus de 45° à l'ombre qui nous détourne de cette destination. Nous irons plutôt à Saint-Louis. Très bonne pioche. Nous nous y sentons bien immédiatement. C'est même une ville où je poserais volontiers mes valises. L'architecture coloniale de l'île désormais préservée par l'Unesco, son climat et son équilibre idéal entre tranquilité et vie culturelle et nocturne intense, le métissage des sénégalais, européens et mauritaniens y font beaucoup. Le cocktail devient vite addictif, comme une Afrique harmonieusement hybridée avec des influences européennes surannées. Le jour, on y flane sans objectif trop ambitieux, au hasard des rues et des terrasses de café. La nuit, difficile d'échapper à un concert latino, jazz ou sénégalais qui préludera à la soirée du jour. La pendule de Saint-Louis semble s'être arrêtée quelque part vers les
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années 60. Ses habitants et les gens de passage s'y prélassent dans un hédonisme élégant et nonchalant.

Une balade vers l'hydrobase où l'on s'attendrait à voir amerir dans l'axe du fleuve quelque hydravion de l'aéropostale confirme ce voyage dans le temps. Sur le fleuve comme sur l'Atlantique, se succèdent des milliers de pirogues à l'activité frénétique. Pas besoin de savoir que Saint-Louis est le plus grand centre de pêche du pays, on n'en doute plus quand on atteint les séchoirs à poisson qui s'étendent sur des kilomètres, entre la plage et le vaste cimetière de pêcheur ensablé dont l'entrée est malheureusement interdite aux non musulmans. Chaque pirogue qui sort en mer ou tente d'en revenir au prix d'une lutte contre la barre de grosses déferlantes est un un spectacle épique. Décidement, j'admire chaque jour un peu plus la bravoure et la détermination des pêcheurs.

Il ne faut pas longtemps pour prendre le rythme de Saint-Louis. On s'y installe

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confortablement, avec évidence, à savourer une nouvelle journée en ville. Aziz que nous rencontrons le premier jour, s'est naturellement joint à Captaingils, Olga et moi. Nous passons l'essentiel de ces quelques jours à quatre entre journées douces et belles soirées de ce long week-end chômé pour les fêtes des 50 ans de l'indépendance et le lundi de Pâques. Mes vieux démons me reviennent et, poussé bien sûr par Olga, je me renseigne un peu côté immobilier. A ma grande surprise, il est encore possible d'acquérir de belles demeures coloniales de l'île sans se ruiner. Ça ne durera pas, ça se sent, on me le dit, les signes avant coureurs sont perceptibles. De retour au CVD, quelques bons vieux voileux abonnés à l'Afrique me donneront des avis convergeant en comparant Saint-Louis au Marrakech d'avant la mode des Riads.

Je m'attarderais volontiers encore à Saint-Louis mais nous flambons un peu trop. Captaingils est raide et puis je dois lever le bateau le 9. A notre arrivée au CVD, plus léthargique que jamais, les chariots sont toujours occupés. Je suis décalé au 12, sans &grande surprise. Tant pis. Escapade à Gorée pour ne pas sombrer dans la routine molle du CVD et demain, ne restera plus qu'à gratter, peindre et remettre à l'eau pour être prêts en fin de semaine.


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