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Au suivant

Publié le 12 avril 2010 par Wewowy

Je glisse en automatique, les pieds bien calés dans les rails. Si mes jambes me portent, je ne les sens pas. Qu’importe, je sais où mènent mes pas. Ma vie est chronométrée, millimétrée, rien ne vient perturber mon trajet, jamais.

« J’avais juste vingt ans et nous étions cent vingt à être le suivant de celui qu’on suivait»

Au suivant. M me murmure du Brel à l’oreille. Absent, je n’y prête pas attention. Alors que le train s’ébranle, je monte le son machinalement, pour couvrir le bruit de la journée qui commence. Arracher un sursis à tout prix, grappiller quelques minutes d’intimité phonique. Une barrière hermétique entre moi et le monde.

- Aiguillage -

Signal lumineux, les portes du RER se referment derrière moi. Mes pieds ne quittent pas les rails pour autant. L’escalier mécanique m’extirpe du ventre de la terre – rester bien à droite, les pieds sur le sol, tenir la main courante, suivre les autres – Puis il y a le ciel, gris souvent, bleu parfois, loin toujours. Je me dis que quelqu’un quelque part doit programmer sa couleur chaque matin.

- Aiguillage -

Les rails toujours, parallèles invariablement. Je traverse indifférent cette cité idéale, minimale et symétrique. Ce quartier minéral, à l’esthétique géométrique.

“Moi j’aurais bien aimé un peu plus de tendresse ou alors un sourire ou bien avoir le temps. Au suivant ”

- Aiguillage -

Je trouve ma place dans le flux qui grossit. A cette heure-ci pas de reflux, les rails ne vont que dans un sens. La marée envahie l’esplanade, alimentant les recoins les plus isolés en cols blancs trop bien rasés, jusqu’à l’étal. Puis tout basculera. La marée se retirera, découvrant la dalle dans son dénuement abstrait. Pour l’heure, je me laisse porter par le courant. Je sais ce que j’ai à faire, comme les autres je suis programmé.

- Aiguillage -

Le trafic se fait plus dense, les embranchements se multiplient, des colonnes continues d’ouvriers bifurquent et disparaissent, happées par des carrés, des rectangles, des cylindres, des triangles qui se perdent dans les nuages. A l’approche du butoir, la musique monte d’un cran, les paroles prophétiques, résonnent comme un sermon.

“Tous les suivants du monde devraient s’donner la main, voilà ce que la nuit je crie dans mon délire”

Mais comme chaque matin, la chanson s’arrête avant la fin, quand le sas de sécurité de mon quadrilatère passe au vert.

Au suivant

Vidéo : Mosaïque urbaine #2

M, Au suivant

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