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Droit à l’encellulement individuel : reconnaissance de l’effectivité de ce droit (CE 29 mars 2010, Section française de l’OIP et M. François A.)

Publié le 13 avril 2010 par Combatsdh

Le Conseil d’Etat rend une nouvelle décision sur une requête de la section française de l’Observatoire international des prisons, avec conclusions de Mattias Guyomar, estimant que les dispositions réglementaires relatives à l’encellulement individuel en maison d’arrêt ne sont pas illégales tout en reconnaissant la nécessité de rendre effectif le « droit à l’encellulement individuel ».

En l’espèce l’OIP avait contesté la légalité de l’article 1er du décret n° 2008-546 du 10 juin 2008 relatif au régime de détention et modifiant le code de procédure pénale. L’article D.53-1 CPP prévoit que lorsqu’un prévenu entend bénéficier d’un régime d’emprisonnement individuel alors que la distribution intérieure de la maison d’arrêt ou le nombre de détenus présents ne le permet pas, de déposer une demande en ce sens auprès du chef d’établissement, qui dispose d’un délai de deux mois pour lui adresser des propositions de transfert vers une autre maison d’arrêt. Ce transfert doit intervenir dans les meilleurs délais, si le prévenu retient l’une des propositions et sous réserve de l’accord du magistrat saisi du dossier de l’information.

Le Conseil estime qu’en prévoyant par cette disposition un nouveau cas de dérogation à la règle de principe édictée par l’article D. 53 (principe de l’incarcération des prévenus en maison d’arrêt de la ville où siège la juridiction d’instruction ou de jugement devant laquelle ils ont à comparaître) le pouvoir réglementaire n’a pas porté atteinte à l’article 714 du code de procédure pénale (« les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire la subissent dans une maison d’arrêt »).

Il n’a pas davantage porté atteinte à l’article 716 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à la date d’entrée en vigueur du décret attaqué, en prévoyant de soumettre l’accès au bénéfice de ce droit des personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire à une demande expresse des intéressés ainsi que, lorsque la distribution intérieure de la maison d’arrêt et le nombre de détenus présents ne permettent pas de bénéficier sur place de ce régime, à une procédure de transfèrement dans une autre maison d’arrêt, sous réserve de l’accord des intéressés

En effet, selon le Conseil d’Etat, « dans un contexte caractérisé par une situation de surpopulation carcérale », l’application du régime de l’emprisonnement individuel de ces personnes avait été différée pendant un délai de cinq ans par la loi du 12 juin 2003. Les dispositions attaquées de l’article D. 53-1 se sont bornées à définir des modalités propres à permettre aux détenus concernés de bénéficier d’un encellulement individuel à compter du 13 juin 2008, tout en tenant compte des contraintes résultant de la situation des établissements pénitentiaires.

Or, aux yeux du Conseil d’Etat, « seule l’adoption de mesures d’adaptation particulières était de nature à rendre le droit au bénéfice de l’encellulement individuel effectif, malgré la diversité des situations dans lesquelles se trouvent les personnes incarcérées et les établissements pénitentiaires eux-mêmes ».

Il considère pour admettre cette solution que ce droit « n’a pas un caractère absolu » car, l’article 716 du CPP, qui prévoit des cas de dérogation, « n’impliqu[e] pas nécessairement qu’il soit satisfait à ce droit dans la maison d’arrêt où se trouve le détenu qui demande à en bénéficier ». Néanmoins, ces dispositions réglementaires ne peuvent avoir par elles-mêmes pour effet de fonder une décision de refus au regard des demandes des détenus souhaitant bénéficier d’un encellulement individuel.

On relèvera que l’article 87 de loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009 a modifié la rédaction de l’article 716 du CPP en posant le principe que « Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle » et qu’ « il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants : 1° Si les intéressés en font la demande ; 2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu’ils ne soient pas laissés seuls; 3° S’ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent ».

Par ailleurs, le Conseil d’Etat rejette, en raison de la forclusion des délais une requête individuelle, jointe à l’affaire OIP, d’un détenu demandant d’annulation du même texte ainsi que les dispositions issues du décret n° 75-402 du 23 mai 1975 codifiées aux articles D. 145 et D. 146 du code de procédure pénale « en tant qu’elles instaurent une discrimination entre les détenus au regard du régime des permissions de sortie » ainsi que l’indemnisation du préjudice moral subi du fait de l’édiction de ces dispositions réglementaires.

Même si le décret n’est pas annulé, la reconnaissance par cette décision du « droit au bénéfice de l’encellulement individuel effectif », même si ce n’est pas nécessairement dans la maison d’arrêt où se trouve le détenu, complète l’impressionnant « tableau de châsse » de l’OIP, et de Me Spinosi, devant le Conseil d’Etat ces dernières années (voir le dossier du Conseil d’Etat) - véritable « Gisti » de la condition pénitentiaire.

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CE 29 mars 2010, Section française de l’OIP et M. François A., N° 319043, au Recueil Lebon

 

Actualités droits-libertés du 13 avril 2010 par Serge SLAMA

 

 


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