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La leçon de journalisme de CBS à Sarkozy

Publié le 14 avril 2010 par Juan
La leçon de journalisme de CBS à SarkozyLundi à Washington, le président français a donné 34 minutes d'interview à la journaliste Cathie Kouric pour la chaîne américaine CBS. On critique souvent la presse anglo-saxonne, si prompte à agiter les rumeurs, ou salir la vie privée des personnages publiques. Cette interview mérite le détour, non pas pour les propos du Monarque, mais pour la ténacité de la journaliste: elle répète ses questions si la réponse ne lui convient pas, et utilise les mots qu'il faut pour parler des sujets embarrassants: sur-réaction présidentielle face à la rumeur, propos désobligeants de Sarkozy contre Obama, incohérence française en Afghanistan... Tout y passe
L'obstination atomique française
Les premières questions portaient sur le terrorisme nucléaire et le désarmement général prôné par Barack Obama. Sarkozy déclare son soutien à Obama sur la démarche - organiser un sommet pour en discuter. Le président américain a aussi durci les conditions justifiant le recours au nucléaire, et demande un engagement général de désarmement. Sarkozy reste ferme : pas question d'abandonner l'arme atomique sur laquelle repose la dissuasion française. La journaliste persiste à lui demander ses solutions contre la propagation de l'arme nucléaire dans le monde; il répond que «le risque zéro n'existe pas». Comprend-t-il alors l'objectif de désarmement défendu par Obama ? «Je ne pourrais un jour, renoncer à cette arme que dans la mesure où je serais certain que le monde soit stabilisé et en sécurité». La journaliste insiste encore, et repose une troisième fois sa question: «pouvez vous imaginer un monde sans atome ?» Sarkozy botte encore en touche. Il ne répond pas directement. «Pensez vous que c'est un objectif réaliste ?» s'entête Cathie Kouric. Sarkozy reste calme : «c'est un rêve, et souvent les rêves peuvent devenir réalité, mais je n'abandonnerais pas l'arme nucléaire
Sujet suivant, l'Iran. La journaliste demande à Sarkozy s'il faut passer aux sanctions. Elle donne l'occasion à Sarkozy de rappeler que l'armement nucléaire de l'Iran est inacceptable. «La patience a des limites». La journaliste repose sa question: «donc, quelles sanctions ?» Sarkozy explique que le choix ne manque pas, qu'il s'agisse de sanctions financières à l'encontre des dirigeants iraniens, ou économiques tel un blocus du pétrole iranien. Sur l'Afghanistan, Mme Kouric s'interroge sur le semi-engagement français. Le président justifie son récent refus d'engager davantage de troupes comme le demandait Obama: «j'ai doublé le nombre de soldats à un moment où les alliés des Etats-Unis réduisaient les leurs». Il considère qu'il y a assez de troupes françaises sur place. Pas un mot sur la rupture d'une promesse électorale - celle de se retirer du pays. Sarkozy rappelle ensuite combien il est important de lutter contre les talibans. Cathie Kouric reste coi.
Obama, le modèle qui dérange
Elle demande ensuite si Obama et lui comparent leurs cotes de popularité respectives. Sarkozy sourit jaune, et s'épanche sur sa proximité avec le couple présidentiel, et son récent dîner dans son appartement privé à la Maison Blanche. Kouric en profite pour lâcher un scud : «L'année dernière, vous auriez déclaré que le président Obama était inexpérimenté et mal briefé sur les questions environnementales. Avez vous dit cela, et le pensez vous toujours ?» La journaliste s'est bien renseignée. Ces propos rapportés datent d'avril dernier. Depuis l'élection d'Obama, Sarkozy a été coutumier des déclarations officielles ou officieuses désagréables sur son homologue américain. Sarkozy a les sourcils qui s'élèvent, mais le regard qui tombe:
«J'n'ai pas dit ça, d'abord... Je ne m'en souviens pas,... puisque je ne l'ai pas dit. J'ai dit quelque chose de différent : j'ai dit que j'admirais le fait que le président Obama avait un temps d'avance sur l'opinion publique américaine
Et la rumeur ?
Quelques minutes avant de conclure son interview, Cathie Kouric demande au président quand il se portera candidat à sa réélection en 2012. Sarkozy fait l'innocent, il lâche «quelque part à la fin de l'été, début de l'automne 2011», mais s'exclame que les Français, et donc lui, ont autre chose à penser.
Kouric enchaîne ensuite sur l'affaire de la rumeur. Elle commence par s'excuser : «Je ne veux pas poser de questions personnelles. Mais je voudrai discuter de votre une réaction». Et la journaliste de lui demander si ses propres actions (intervention, enquêtes, etc) n'ont pas prolongé la polémique. Sarkozy prend un ton calme et grave.
«Non, vous savez Carla et moi, on est très calmes, très proches l'un de l'autre et tout ceci est très exagéré. Je dois dire que j'ai été très fier de la façon dont elle s'est exprimée à la radio, avec beaucoup de dignité, beaucoup de calme. Je suis toujours désolé quand, autour de nous, à côté de nous, en face de nous, ou à cause de nous, les gens s'excitent trop. En tout cas, nous, on traverse cela en se serrant bien les coudes et en essayant de nous protéger de tout ceci.»
Et de conclure : «Tout ce petit clapotis n'a pas d'importance pour nous.» La presse française ne retiendra que cette dernière phrase. Pourtant, cette interview fut exemplaire. Voici enfin une journaliste qui use à bon escient du fameux droit de suite : reposer une question quand on n'a pas eu de réponse satisfaisante la première fois est un B-A-BA souvent négligé dans les exercices convenus d'interventions télévisées présidentielles.
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Mardi soir, Nicolas Sarkozy se livrait à une conférence de presse, retransmise en direct par les chaînes d'information française. Il était visiblement fatigué, incapable de terminer de nombreuses phrases, bégayant ses réponses, s'interrompant lui-même comme il en a souvent l'habitude. Parmi les questions posées, Sarkozy fut interpellé par une journaliste du Figaro sur une «contradiction apparente» (selon ses termes) entre le besoin de sécurisation d'un monde trop nucléarisé et la volonté française de déployer le nucléaire civil partout dans le monde. Le Monarque expédie sa réponse, à cette question pourtant cruciale : «on va essayer qu'il n'y ait pas de contradictions. (...) On veut que ce soit régulé, (...) on veut plus de pouvoir pour l'AIEA. mais en même temps, on ne va pas se priver d'énergie nucléaire. (...). Le problème c'est pas l'énergie nucléaire, c'est le terrorisme. Le problème c'est pas la quantité d'énergie produite.» Nicolas Sarkozy clôt sa réponse, un sourire coincé aux lèvres.  Pompier pyromane ?

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