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Quand les actionnaires d'UBS se rebiffent et refusent de donner décharge

Publié le 14 avril 2010 par Francisrichard @francisrichard

ospelL'affaire UBS est à bien des égards exemplaire.

L'UBS est une banque qui a grossi démesurément, au point de devenir ce que les anglo-saxons appellent "too big to fail", c'est-à-dire pour dire les choses sans langue de bois "trop importante pourqu'on la laisse tomber". L'Etat est intervenu à l'automne 2008 sous deux formes. Il a prêté de l'argent à UBS qu'elle lui a rendu 9 mois plus tard avec un bénéfice. Il a fait acheter à l'UBS par la BNS - Banque nationale suisse - des actifs "toxiques", à un prix dont on ne sait toujours pas s'il est trop élevé ou non, et si donc les contribuables helvétiques devront mettre un jour la main au porte-monnaie.

Sans l'intervention de l'Etat l'UBS serait tombée. Les politiques n'ont pas voulu prendre le risque des conséquences. On ne saura donc jamais si le choix de sauver la banque n'aura pas en définitive était plus coûteux que de la laisser aller à la faillite, ce qui aurait pourtant définitivement résolu le problème de sa taille. Il est paradoxal en effet que d'un côté l'on se plaigne de sa trop grande taille et que d'un autre côté l'on se plaigne qu'elle perde des clients, ce qui se traduit par une cure d'amaigrissement bénéfique, puisque le risque diminue d'autant.

L'UBS, qui est dirigée par des salariés et dont le capital est dilué, n'est pas une banque capitaliste au sens propre du terme. Elle n'en est que la caricature. Quand tout va bien les dirigeants font ce qu'ils veulent et récompensent les actionnaires, pour la confiance qu'ils ont placée en eux, en leur versant des dividendes. Quand tout va mal l'Etat intervient et sauve la mise aux actionnaires, alors que ce sont eux, en principe, qui doivent assumer les conséquences du mauvais choix des dirigeants qu'ils ont mis à la tête de l'entreprise. En somme ils ont limité leurs pertes avec l'argent des contribuables. Ce qui est douteux du point de vue moral.

Cet après-midi les choses ne se sont pas passées tout à fait comme prévu à l'assemblée générale des actionnaires de l'UBS ici, encore que beaucoup d'observateurs se doutaient bien que deux des points de l'ordre du jour soumis au vote des actionnaires se traduiraient par des votes serrés, plus serrés que d'habitude.

Si le Conseil d'Administration actuel a été largement reconduit dans ses fonctions et s'il a été donné largement décharge des comptes pour les exercices 2008 et 2009 aux hauts dirigeants de la banque - Conseil d'Administration et Directoire -, le rapport de rémunération n'a été approuvé que par 54,72% des votants et la décharge des comptes pour l'exercice 2007 a été refusée par 52,75% des votants.

Le rapport de rémunération présenté se traduit par le versement de rémunérations variables à hauteur de 3 milliards de francs au titre de 2009, à comparer aux 10 milliards versées au titre de 2007. L'effort est conséquent. Est-ce le prix à payer pour conserver des salariés hautement compétents ? Certainement, même si cela peut choquer. Les actionnaires, qui savent où se trouvent leurs intérêts, l'ont compris, même si nombre d'entre eux se sont laissé séduire par les sirènes populistes, qui savent où et comment exciter l'envie.

Que signifie le refus de la décharge des comptes pour l'exercice 2007 ? Cela risque d'être purement symbolique. Certes, à compter d'aujourd'hui, les actionnaires disposent d'un délai de cinq ans pour intenter une action judiciaire civile contre les hauts dirigeants qui se trouvaient à la tête de la banque à l'époque, mais cela demande beaucoup d'argent. Il y a donc peu de chance qu'une telle action soit lancée par eux.

Le Conseil d'Administration actuel pourrait le faire, mais d'une part cela restera tout autant coûteux pour lui, d'autre part c'est lui qui a souhaité que la page soit tournée. C'est pourtant la banque qui dispose de toutes les données pour engager une telle action. Le président du Conseil d'Administration d'UBS, Kaspar Villiger, ne semble pas disposé à agir dans ce sens. Il serait regrettable que la banque ne poursuive pas parce que cela aurait au moins le mérite de faire la lumière sur les décisions néfastes prises par les dirigeants d'alors de la banque, tels que Marcel Ospel [photo ci-dessus, qui provient d'ici].

Un libéral ne peut s'offusquer que les reponsabilités, sans lesquelles il n'y a pas de libertés, soient recherchées. Il est vraisemblable qu'une commission d'enquête parlementaire saura pallier à l'éventuelle défection de la banque, mais elle ira au-delà des responsabilités au sein de la banque et se penchera certainement sur l'intervention que l'Etat a faite pour la sauver. Ce qui promet quelques déballages...  

En tout cas cette crise aura eu du bon :

"Avant la crise, l’UBS représentait cinq fois le PIB du pays, après la crise, elle représente encore trois fois ce PIB, a expliqué à la radio romande le directeur de la fondation Ethos Dominique Biedermann" ici

Dominique Biedermann est pessimiste. Tentons d'être optimiste. On peut en effet tout aussi bien dire :

"L'UBS ne représente maintenant plus que trois fois le PIB du pays..."

Francis Richard

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