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La fiscalité environnementale : projet ambitieux mais incompris ?

Publié le 02 avril 2010 par Edelit @TransacEDHEC

Le Mardi 23 mars 2010, François Fillon annonce que le gouvernement abandonne le projet de loi sur la taxe carbone en arguant du fait que ce projet de loi devait se faire au niveau européen et que le France ne pouvait décider seule. Toutefois, le Premier Ministre a assuré qu’il était absolument nécessaire de la mettre en œuvre d’autant plus qu’il s’agit là d’une des mesures phare du Grenelle de l’environnement voulu par Nicolas Sarkozy. Est-ce donc mission impossible pour la France de poser les jalons d’une fiscalité environnementale ?

A en croire les hommes politiques, le principal problème est celui de la compétitivité. En effet, en période de crise et de récession il est nécessaire de ne pas charger la barque des entreprises en les taxant encore plus, ce qui rendrait les entreprises françaises moins compétitives par rapport à leurs concurrents européens, chinois ou américains. Le Medef s’était notamment fait l’avocat des grandes entreprises et se réjouit de l’abandon de la taxe carbone. Or, les partisans de la taxe carbone soulignent que la reprise économique ne pourra se faire que sous le signe du développement durable, en anticipant à long-terme les changements nécessaires des comportements face à l’amenuisement des ressources énergétiques et au réchauffement climatique. En effet, les économistes soulignent qu’avec le Grenelle de l’Environnement, la taxe carbone et le grand emprunt, le gouvernement était réellement en train de dessiner une politique industrielle cohérente de soutien à de nouvelles filières vertes qui permettront de nouvelles sources de revenus et qui permettraient de rééquilibrer la balance commerciale française largement déficitaire de nos jours.

Il faut néanmoins souligner que le projet de loi initial de taxe carbone avait été fortement dénaturé par l’action des différents lobbies industriels. Ainsi, comme pour le projet de Taxe Générale sur les Activités Polluants(TGAP) porté par Dominique Voynet, alors Ministre de l’Ecologie sous le gouvernement Jospin, les même lobbies comme les transports routiers, l’agriculture et la pêche avaient obtenu des exemptions de taxation. Le résultat est que le citoyen et le député se perdent dans les méandres d’un projet qui peine à émerger des tractations et des négociations à Bercy. Une loi environnementale vise à changer les comportements de certains acteurs de l’économie et à ce titre elle ne peut être égalitaire pour tous. Il y aura donc les « respectueux » de l’environnement et les « pollueurs » qui seraient taxés selon la quantité de CO2 émis dans l’atmosphère. C’est donc bien un modèle d’impôt de Pigou visant à faire payer des dommages et intérêts pour des nuisances causées et à induire des changements de comportement. Cependant, lorsqu’il y a multiplication des exemptions la cohérence de la loi et du projet se perdent et c’est ce qui amène le Conseil Constitutionnel à bloquer le projet.

Pourquoi y a-t-il autant de barrages dans les institutions françaises concernant une fiscalité environnementale ? Un tel système de taxe carbone a été adopté en Irlande sur la base de 15 euros par tonne de CO2 applicable sur l’essence, le diesel, le charbon et la tourbe, et dont les recettes sont destinées à des plans d’amélioration de l’efficacité énergétique du pays. Les Français auraient sans doute mieux compris un simple système de bonus-malus sur les émissions de CO2 mais au fur et à mesure de l’avancement du projet les entreprises avaient le sentiment que face à la suppression de la taxe professionnelle, l’Etat cherchait à récupérer cet argent par d’autres moyens. D’ailleurs, de plus en plus de députés de la majorité déclarent ne pas comprendre cette loi et son utilité économique, ce qui montre que l’Assemblée Nationale a également du mal à accepter l’idée d’une fiscalité environnementale. En attendant, Nicolas Hulot a décidé de claquer la porte du Grenelle de l’Environnement dénonçant l’abandon du projet de loi de taxe carbone.

J.-H. C.


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