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Terminal beauty

Par Richard Gonzalez

Durant ces sinistres années 1980 plombées par les synthés Bontempi et les boîtes à rythmes, peu de musiciens réussissaient à me faire vibrer. Mes émotions musicales, que je revendiquais haut et fort comme tout collégien qui se respecte, étaient principalement frappées du sceau de la décennie précédente. Sur la scène française, un Johnny Hallyday déguisé en Mad Max s’accrochait à sa ringardise, Bashung était encore trop difficile à suivre et Indochine me faisait surtout rire. Trust et Téléphone mettaient un peu le feu aux poudres dans les boums mais leur attitude manquait de panache et d’originalité. Alors quand Marcia Baila a déboulé fin 1984, avec sa mélodie imparable et son clip-vidéo décalé, j’ai cru au miracle. Des synthés et des boîtes à rythmes, il y en avait dans la musique des Rita Mitsouko. Mais ces instruments étaient savamment détournés, vrillés dans les guitares, concassés dans une énergie post-punk, à la fois désespérée (ah, ces paroles, souvent !) et roborative. Marcia Baila a bouclé dans une formidable gaieté une année personnellement difficile, le morceau deviendrait l’hymne imparable de toutes mes virées en boîte les années suivantes. J’ai aimé l’album The No Comprendo en 1986, ébouriffant d’efficacité, et plus encore le suivant, le très arty Marc & Robert, avec ce formidable Petit Train, un Mandolino City à contre-pied, et le duo avec les Sparks. Je les ai vus en concert en plein air à Grenoble, pendant la tournée de l’album Système D, été 1993 je crois. Le show était chouette mais les nouvelles chansons moins marquantes à mes oreilles. On les a un peu perdus de vus après, parce qu’on rate un jour le coche, parce qu’il y a eu Noir Désir et Louise Attaque, parce qu’on ne peut pas suivre tout le monde, parce qu’il faut faire des choix - presque malgré nous. Mais j’ai continué à aimer la dégaine de Fred Chichin et la folie de Catherine Ringer, leur attitude toujours digne, leur état d’ébullition permanent, leur refus de tout compromis, leur liberté assumée. Le Géo Trouvetou lunaire du couple génial y est parti pour de bon, sur la lune, et c’est bien triste pour le rock français. Surtout que sur la scène, un Johnny Hallyday déguisé en bluesman est toujours au top de la ringardise, Bashung s’absente et Indochine ne me fait même plus rire.
(Terminal Beauty est le - très beau - titre qui clôt le dernier album des Rita Mitsouko, Variety, sorti au printemps)

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