Magazine Société

Nicolas Dupont-Aignan dans l'impasse, suite...

Publié le 17 avril 2010 par Edgar @edgarpoe

Je n'avais pas prévu de donner une suite à cette description des limites relevées dans le discours de Nicolas Dupont-Aignan. Mais Laurent Pinsolle, dans ses commentaires, m'incite à poursuivre.

Tout d'abord je reconnais qu'il y a une certaine injustice à critiquer NDA, qui a au moins le mérite de poser certaines questions, à l'heure où Martine Aubry redécouvre le care, une philosophie qui m'a tout l'air filandreuse, genre supplément d'âme pour vieilles dames charitables.

  Pour ce qui est de NDA, son programme souffre cependant d'une incohérence majeure à mon sens, renforcée par un positionnement parfois râs-des-paquerettes (j'ai le souvenir de slogans étonnants aux dernières régionales : "votez pour vous" (sic) et "la défense des automobilistes").

Allons donc pour l'incohérence majeure : on ne peut, à mon sens, sans mentir aux électeurs, prétendre modifier radicalement l'Union européenne sans appeler en même temps à en sortir.

  Il faut prendre la mesure des choses et éviter de prendre les gens pour des idiots : il a fallu SEPT années pour modifier le taux de la TVA sur la restauration - plus longtemps que pour aboutir au Traité de Lisbonne après l'échec du premier traité constitutionnel.

L'Union européenne est une construction historique qui repose sur quelques grands équilibres contre lesquels on ne peut rien.  

Si l'on parle d'Europe, l'Allemagne ne peut l'accepter sans un euro fort - ruineux pour les autres. Le Royaume-Uni n'y tient que pour les aspects de libre-échange.

  Toucher à ces grands points c'est s'exposer à un refus immédiat. Or NDA propose de toucher aux deux, en revenant sur l'euro fort et sur le libre-échange intégral. Fort bien. Cela signifie que s'il veut appliquer les mesures d'assouplissement du pacte de stabilité et de protection commerciale, il part pour un minimum de cinq années de négociations. Un mandat entier à pleurer pour obtenir le droit d'appliquer des politiques jugées nécessaires pour la population ? Est-ce bien raisonnable ?  Et digne ?

  La modération, si l'on considère que les politiques européennes sont néfastes, consiste à en tirer acte et, dès maintenant, à expliquer aux français qu'on ne peut avoir le cadre européen et des politiques sensées (de même qu'on ne peut avoir le cadre européen et un président qui préside.) Ne pas le faire relève, au choix, du cynisme ou de l'inconscience.  

  Laurent Pinsolle m'explique d'abord que je suis opposé par principe à toute forme de construction européenne. Je ne comprends pas l'argument. Je ne suis opposé ni à de la coopération internationale, ni à une autre Europe qui fonctionnerait démocratiquement (en 1992 j'ai voté oui, bien à tort) et aurait un sens. J'estime simplement que l'Union européenne n'a aucun rapport avec quelque chose d'utile. Je ne me sens pas l'âme d'un bricoleur qui trouve une poignée de portière dans un fossé et reconstitue avec cela une automobile de collection, de Dion Bouton ou autre - c'est fastidieux, surtout s'il doit passer par l'avis de ses 26 voisins...

Pour ce qui est des coopérations industrielles, invoquées par Laurent, des traités bi ou multilatéraux peuvent suffire.

Pour ce qui est de la régulation financière internationale, je te renvoie, Laurent, au très bon papier de Dani Rodrik qui explique exactement l'inverse. Ce professeur à Harvard juge qu'il vaut mieux une diversité de réglementations, tant les réglementations internationales sont vidées de contenu, pour plaire à tout le monde et parce que les grandes entreprises y concentrent leurs efforts de lobbying.

 Laurent me renvoie ensuite au petit livre mauve de NDA, sur l'Europe. J'y trouve ce projet de nouvelle constitution européenne, dans lequel :

"5.1 -Les domaines de compétence obligatoire sont les suivants :a) Le fonctionnement de l’union douanière et la politique commerciale commune ;b) La politique commune de l’agriculture ;c) La conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche ;d) La conclusion d’accords internationaux à caractère commercial ;e) L’adhésion à un système monétaire européen."

Donc si je comprends bien, NDA dénonce le pacte de stabilité et le libre échange intégral mais il souhaite réformer la constitution européenne (sans préciser comment) pour réinstaurer immédiatement l'euro et la participation à l'OMC gérée par l'Europe.

Parvenu à ce point, je ne peux que conclure que le programme de NDA est encore incroyablement confus et ambigu, pour ne pas dire inapplicable et vain.

La clause 5.4 est d'ailleurs assez fascinante : 5.4 -Les Etats membres sont incités à coordonner leurs politiques économiques et fiscales et à veiller au maintien de parités appropriées entre les monnaies nationales et l’Euro d’une part, entre l’Euro et les autres monnaies d’autre part.

On retrouve le même pari de la coordination des politiques économiques, qui ne fonctionne pas, et l'invocation faite au maintien de parités "appropriées" sans plus de précisions.

Voilà pourquoi je ne peux prendre au sérieux qu'un candidat qui commence à vouloir réformer en mettant les choses dans le bon sens : d'abord on met fin à l'Union européenne qui ne fonctionne pas, ensuite on voit ce qu'il convient éventuellement d'en conserver (certainement pas la politique commerciale commune et l'euro). Pas la peine de neuf années de négociations pour conserver Erasmus...

Mais si on ne prévient pas les français que les choses doivent se passer dans cet ordre, alors autant renoncer à prétendre qu'on souhaite changer quoi que ce soit. S'il s'agit de faire la charité aux pauvres, l'Union européenne convient parfaitement.

Le succès incontestable de la propagande européenne c'est d'avoir fait croire à tout le monde que sans l'Europe c'est le chaos - l'actualité montre chaque jour, en sens inverse, qu'à cause de l'Europe c'est le chaos.

Si bien que quiconque n'est pas satisfait de ce régime inique se croit obligé de protester de son profond engagement pour une Europe, mais autre. A partir de là cet insatisfait doit avoir conscience qu'il a déjà perdu la bataille intellectuelle : il est réduit à l'insignifiance et à la politique en chambre - ou à prendre rang dans la longue file des politiciens gestionnaires, occupés à réformer comme on taille ses rosiers.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Edgar 4429 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine