Paso Doble n°173 : L’Europe de Jabba le Hutt

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Par Toréador | avril 18, 2010

A las cincos de la tarde…

Le timbre-poste eurosceptique se cherche une Marianne

Pour une fois que la kiwisphère frémit, je m’empresse de me greffer au débat. C’est donc entre eurosceptiques qu’est né le débat, à propos du nano-gaulliste, Nicolas Dupont Aignant. A ma droite, Laurent Pinsolle, porte-parole du président de Debout la République. A ma gauche, Malakine et Edgar. En cause : le discours du meilleur second rôle de l’anti-sarkozysme, le 10 avril dernier.

Pour résumer, Malakine est admiratif devant les idées de NDA, mais le trouve un peu fade, avec sa tête de premier de la classe. Tout ça manquerait de souffle. Gaulliste mais pas assez gaullien, NDA aurait un discours tourné vers les élites : il parle avec raison et mesure, ce qui en fait un candidat de niche (ce qui vaut mieux qu’un candidat caniche).

Malakine le rosse également parce qu’il n’est pas assez précis sur son projet européen, et il a raison. NDA s’accroche à des concepts – du type « l’Europe des Nations’ ou « la participation » – qui fleurent bon les sixties. Ses leçons d’économie, il les pioche chez Rueff ou Allais – pourquoi pas, me direz vous, quand certains relisent Keynes, mais on s’interroge parfois sur sa modernité.

Penser l’autre Europe, conclut Malakine, est toujours aussi difficile car la stratégie n’est pas claire : désire-t-on vraiment s’affranchir du carcan européen ?

Quant à Edgar, il n’est pas loin de penser comme Malakine, mais avec vraisemblablement des options plus radicales sur l’UE : pour lui, NDA est un rêveur en chambre, comme tant d’autres, qui n’aurait pas le courage d’énoncer un constat : l’Union n’est pas réformable et toute solution « modérée » est donc vouée à l’échec. NDA serait donc « dans l’impasse » (et même plutôt deux fois qu’une) et s’illusionnerait sur certaines options. Il n’a pas tout à fait raison : lorsque NDA demande que l’Allemagne sorte de l’UEM, il énonce à mots couverts la mort de l’euro, ou presque.

J’ai rêvé d’une autre Europe

Sur l’Europe, j’ai un constat proche de celui d’Edgar, sans pour autant coller à sa radicalité : non, l’Union n’est pas réformable ; oui NDA s’illusionne lorsqu’il pense que la France peut décider seule (ou du moins sans l’Allemagne) de l’avenir de l’Europe. La crise de l’Etat grec ou le bras de fer sur l’Union pour la Méditerranée ont démontré une chose : est en train d’émerger une génération d’hommes politiques en Allemagne qui n’a ni connu la guerre, ni la guerre froide, et qui est bien décidée à faire valoir les intérêts teutons.

Ceci ne signifie pas pour autant qu’il faille souhaiter la mort de l’Europe. L‘UE est Jabba le Hutt, ce gros monstre larvaire, impotent et obèse du film de Georges Lucas, qui finit par mourir, étranglé par l’une des chaînes qu’il utilisait pour tyranniser son entourage.

C’est surtout un bouclier lourd, ridiculement encombrant, mais hélas, c’est le seul que la France possède face aux énormes super-puissances que seront la Chine, l’Inde et le Brésil.

Il y aurait bien d’autres alternatives – comme par exemple une alliance avec l’Afrique ou avec la Francophonie, mais nous n’avons déjà plus assez d’argent pour payer nos propres dettes. Alors investir chez les autres …En réalité, si nous voulions être réaliste, il faudrait regarder le Portugal : c’est ce que pèsera la France dans 50 ans.

L’autre solution sera de jouer la montre en conservant le bouclier et en espérant qu’il s’affine avec le temps. Nous disposons d’atouts : la démographie dynamique de l’Hexagone équilibrera celle, défaillante, de l’Allemagne sous 30 ans ; entre-temps certaines puissances comme la Chine auront peut-être amorcé leur déclin, à l’image du Japon actuel ; sur le long-terme, on peut espérer une synchronisation lente des cycles et des pratiques en Europe, une forme de digestion de la frénésie de réformes des 30 dernières années. Reste que cette méthode est également risquée : rien ne dit que l’Union ne meure pas d’ici là, surtout l’Union monétaire. Je crois cette hypothèse cependant marginale : les organisations ne meurent jamais vraiment. Regardez la CNUCED.

Si l’on voulait être totalement réaliste, la France devrait peut-être abandonner tout rêve de grandeur et devenir la puissance d’équilibre de l’Europe ; arrêter de prendre des initiatives et monnayer son soutien à celle des autres ; devenir égoïste et calculatrice. Une politique du pourboire à petit-pied, celle que pratiquent avec délice certains pays Africains.

Alors, Dupont Aignant est-il l’avenir ? Je ne pense pas. Pour avoir croisé le bonhomme il y a longtemps dans un dîner en ville, je pense qu’il a atteint son plafond de compétence comme Maire de Yerres. C’est un type honnête, qui réfléchit, mais qui est relativement têtu et solitaire, un Jedi raté. Une espèce de Bayrou, tout aussi velléitaire d’ailleurs.  Un clone d’Henri Guaino, dont il vante sans les nommer le grand emprunt ou l’idée d’un Glass-Steagall act, tout en étant moins visionnaire mais plus responsable*. Un disciple de Seguin, en moins charismatique et en moins malin. Un cousin de Fillon, en plus daffy duck et donc moins crédible.

Dupont Aignant est un minoritaire dans un pays marginalisé, sur un continent en déclin. Pour changer le monde, on repassera. Reste qu’au moins, il tente de jouer le jeu de la démocratie et de réfléchir, mais … il lui manque les moyens de sa réflexion.

* Je note avec humour que NDA dit que l’Europe sort de l’Histoire alors qu’à Dakar, Guaino avait écrit que l’Afrique n’y était jamais rentré. Qui va-t-il rester dans l’Histoire ?

Tags: Debout la République, Edgar, Europe, Malakine, NDA, Pinsolle

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