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James Cameron, réalisateur d’ »Avatar », écrit au président brésilien Lula pour protéger l’Amazonie

Publié le 18 avril 2010 par Collectifgalbao

James Cameron, réalisateur d’ »Avatar », écrit au président brésilien Lula pour protéger l’Amazonie James Cameron, réalisateur d’ »Avatar », écrit au président brésilien Lula pour protéger l’Amazonie

©Amazonewatch

Lorsque le réalisateur d’ »Avatar » passe de la dénonciation à l’action, cela donne une lettre au Président (jusqu’en octobre 2010) brésilien Lula, une manifestation avec des organisations de préservation de l’environnement, et un futur documentaire.

Dans sa lettre, le cinéaste canadien emploi tous les leviers possibles pour appuyer son propos.

Impact économique, méconnaissance par l’électorat brésilien de l’emploi voir du détournement de ses impôts, surveillance du Brésil par les autres nations, compassion…

Ce qui se passe au Brésil affecte ou affectera le reste du monde et, en premier lieu, les pays frontaliers, dont la Guyane.

Vous pouvez lire la lettre originale sur le site d’Amazone Watch :

En voici sa traduction :

Lettre de James Cameron au président Luis Inácio Lula da Silva

8 avril 2010

Votre Excellence, le Président Luis Inacio Lula da Silva,

Je vous écris en tant que citoyen de la Terre, et au nom de mes enfants et des générations futures du monde entier.

Je ne suis pas un leader politique ou un homme d’affaires, je suis un cinéaste dont les deux derniers films ont été les deux plus grands succès au box-office de l’histoire. Le plus récent, « Avatar » a fait  jusqu’à présent 2,7 milliard de recette, près d’un milliard de plus que mon précédent « Titanic ».

Comme vous le savez peut-être, « Avatar » est un film sur la destruction de l’environnement naturel  causée par la volonté d’expansion des intérêts industriels, et ses répercussions sur les populations autochtones. Le film nous invite tous à examiner nos valeurs, et à renouer avec eux et avec le monde naturel. Son succès sans précédent indique que partout dans le monde les gens s’intéressent et réfléchissent à ces questions, comme jamais auparavant. « Avatar » est le film qui a fait le plus grand nombre d’entrées au Brésil, ainsi que dans de nombreux autres pays.
Je sais que les brésiliens sont profondément préoccupés par la préservation de leur merveilleuse forêt et la protection des populations autochtones qui y vivent. Historiquement vous avez conduit votre pays à des initiatives visant à limiter la déforestation et à protéger les droits des peuples autochtones.
Vous avez aujourd’hui une grande chance, en tant que leader mondial, de prendre des mesures décisives, dans l’immédiat et à court terme, afin de démontrer l’engagement du Brésil sur ces questions vitales. Je fais allusion au projet de barrage de Belo Monte, qui fera l’objet d’appel d’offres le 20 avril. Je crois fermement que ce projet ne devrait pas être concrétisé, et je fais appel à vous, en me référant à la logique et la compassion, pour intercéder afin d’empêcher sa progression.
Vous pouvez vous interroger sur mon implication sur cette question en tant que non-brésilien, mais je crois que ces questions nous touchent tous, partout dans le monde. En outre, en qualité d’auteur d’ « Avatar », qui est devenue un catalyseur pour de nombreuses ONG traitant de ces questions, je crois avoir le devoir et la responsabilité d’apporter mon soutien aux peuples autochtones dont mon film symbolise le sort.

Je me suis rendu récemment au Brésil, et visité la région de la Volta Grande sur la rivière Xingu, pour voir par moi-même l’impact potentiel du projet du barrage de Belo Monte. Après un briefing approfondi par des experts de plusieurs ONG brésiliennes qui ont étudié ce projet, je crois avoir acquis une bonne compréhension de l’impact de Belo Monte au niveau régional et mondial. En outre, j’ai rencontré 80 dirigeants représentant 13 différentes communautés autochtones qui sont directement ou indirectement menacées par le barrage dans le Bas-Xingu. Ces dirigeants avaient voyagé pendant cinq jours en bateau pour se rassembler au village d’Arara sur la Grande-Volta, et j’ai eu le privilège d’entendre leurs préoccupations de première main. Ils craignent profondément l’impact de ce barrage sur leur vie, et nous sommes certains qu’il mettra un terme à leur mode de vie. Ils sont prêts à faire tout leur possible pour lutter contre le barrage, y compris sacrifier leur vie si nécessaire. Ce fut une rencontre riche en émotions, et je me sentais obligé, à partir de ce moment, de faire tout mon possible pour éviter la construction de ce barrage.

Il existe de nombreux arguments logiques contre ce barrage.

Le barrage de Belo Monte va inonder plus de 500 km2 de terres, et détourner près de la totalité du débit du Xingu à travers deux canaux artificiels jusqu’à la centrale du barrage. Ce qui laissera les communautés autochtones sur un tronçon de 100 km de la Grande-Volta sans eau, ni poisson, ou moyen de transport fluvial.

L’abaissement de la nappe phréatique détruirait la production agricole de la région, touchant les agriculteurs, autochtones et non autochtones, ainsi que la qualité de l’eau. Selon toute probabilité, les forêts tropicales humides de cette région ne pourraient pas survivre.

La formation de petites mares d’eau stagnante dans les rochers de la Grande-Volta présentera un environnement de choix pour la prolifération du paludisme et autres maladies d’origine hydrique.

Les Communautés situées en amont, y compris les Indiens Kayapó, subiront la perte d’espèces de poissons migrateurs qui sont une partie essentielle de leur alimentation.
En plus de ces effets dévastateurs, quelque 20.000 personnes seront forcées de quitter leurs foyers, y compris les habitants de la ville d’Altamira, qui sera partiellement inondée.

J’ai également rencontré des dirigeants communautaires à Altamira, y compris des avocats, des environnementalistes, des universitaires et même l’évêque d’Altamira, Dom Erwin Kreutler. J’ai entendu leurs préoccupations déchirantes. Le peuple d’Altamira devra faire face à l’inondation de leurs maisons, une augmentation des maladies de l’eau stagnante, et un afflux de cent mille travailleurs, sans avoir l’infrastructure nécessaire pour les soutenir.

Le barrage de Belo Monte produira seulement 20% de sa capacité pendant les mois où le Xingu est faible. Il ne donnera son plein potentiel que si les barrages supplémentaires sont construits en amont pour réguler le débit de la rivière tout au long de l’année, et l’impact pour toute la région du Xingu de ces barrages sera dévastateur, tant pour les populations autochtones que pour la forêt tropicale. Belo Monte n’est que le premier d’une série de dominos qui condamnent l’ensemble du bassin du Xingu.
Le barrage de Belo Monte est financé et subventionné par le contribuable brésilien, et pourtant une faible partie de son énergie bénéficiera au grand public. La plus grand partie sera consommée par les fonderies d’aluminium à proximité, qui emploient très peu de gens par rapport aux mégawatts d’énergie consommée, et dont le produit sera exporté.

Je crois que le public brésilien n’est pas au courant de cela. En fait, les besoins en énergie du Brésil seraient mieux satisfaits en investissant une fraction du coût de ces projets dans des énergies alternatives comme le vent et le solaire. Une étude du WWF-Brésil publiée en 2007 a montré qu’en 2020 le Brésil pourrait réduire la demande prévue en l’électricité de 40% en investissant dans des énergies alternatives efficaces. L’énergie ainsi produite serait équivalente à celle prévue pour être produite par le projet Belo Monte, et permettrait au Brésil d’économiser autour de 33 milliards de dollars.

Le Brésil se situe à l’interface tectoniques entre le monde moderne technologique et le monde naturel, qui est assiégé. Je crois qu’ en tant que leader mondial, vous avez une occasion sans précédent de prendre position et d’être perçu comme un héros pour le 21e siècle, en guidant le Brésil vers une vision durable de l’avenir. Belo Monte est un projet archaïque, basé sur des solutions du 20e siècle. Voir les rivières du Brésil en tant qu’énergie liquide est une vision obsolète. Si les rivières sont les artères qui véhiculent la vie au Brésil,  alors les barrages en sont les caillots de sang, ce qui cause crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux. Un barrage comme celui de Belo Monte est très éloigné de  donner de l’énergie propre, à une époque de réchauffement de la planète. Ses zones inondées libéreront d’énormes quantités de méthane, qui est 20 fois plus puissant comme gaz à effet de serre que le CO2, contribuant davantage au réchauffement climatique que les centrales à charbon de puissance équivalente.
Le Brésil, situé géographiquement à cheval sur l’équateur, reçoit donc beaucoup plus de rayonnement solaire que des pays comme l’Allemagne, qui sont, paradoxalement, les leaders en énergie solaire. Votre nation pourrait être un exemple pour le monde entier concernant la façon dont une économie en croissance rapide peut trouver l’équilibre avec la responsabilité environnementale.

Je crois aussi que le reste du monde industriel doit  aider le Brésil, financièrement, à la conservation de ses forêts tropicales. L’Amérique du Nord représente 3,5% de la population mondiale, et utilise 25% de son énergie, avec la contribution correspondante aux changements climatiques mondiaux. L’Amérique du Nord doit prendre la responsabilité de sa part de réchauffement, et aider financièrement, en vertu d’un traité de crédit de carbone comme le REDD, ou un autre mécanisme. Il s’agit d’un problème mondial, et tous les leaders d’opinion doivent coopérer pour trouver une solution. Je vais user de mon influence dans les médias pour promouvoir cette idée, dans le cadre d’une solution globale au réchauffement climatique. Mais le Brésil doit être irréprochable moralement pour que cette idée soit acceptée.

J’ai donné quelques-unes des raisons logiques contre le barrage, mais les raisons les plus convaincantes sont émotionnelles. Nous voulons tous que nos enfants et les générations futures héritent d’un monde qui ait des chances de survie. Pour ce faire, nous devons changer les vieilles habitudes, et prendre des décisions reposant sur une vision durable du progrès. Les peuples autochtones vivent avec peu d’impact négatif pour leur environnement, et nous devons apprendre de leur sagesse. Nous devons nous demander: «Quel genre d’ancêtres voulons-nous être? »
Je soupçonne que vous me considérez comme un étranger ingérant  qui ne comprend pas les réalités politiques de votre pays. Mais je me soucie profondément de l’avenir pour nous tous, et me sent obligé de parler. Ce serait un grand honneur pour moi de pouvoir discuter de ces questions directement avec vous. Je suis de retour au Brésil pour promouvoir la sortie DVD de « Avatar », du 10 au 14 avril. Si vous avez un moment dans votre emploi du temps, je viendrai à Brasilia instantanément.

Malgré tout, j’espère que cette lettre ne vous a  pas offensée, mais a simplement ajouté une voix à votre conscience.

Avec le plus grand respect,

James Cameron


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