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Joseph Ratzinger, La primauté de Pierre et l'unité de l'Eglise 3

Publié le 20 avril 2010 par Walterman

b) Pierre dans le groupe des Douze, selon la tradition synoptique


À cet égard, il faut tout d'abord constater d'une manière très générale la position spéciale de Pierre dans le groupe des Douze. Avec les deux fils de Zébédée, il forme, à l'intérieur des Douze, un groupe de trois, qui est mis en relief. Eux seulement sont admis à participer à deux moments d'une importance particulière: la transfiguration et le mont des Oliviers (Mc 9,2 et s.; 14,33 et s.). De même, seuls ces trois deviennent les témoins de la résurrection de la petite fille de Jaïre (Mc 5, 37). Mais, par ailleurs, parmi ces trois, Pierre se détache. C'est lui qui sert de porte-parole, dans la scène de la transfiguration; et c'est à lui que le Seigneur s'adresse à l'heure douloureuse du mont des Oliviers. En Luc 5, 1-11, la vocation de Pierre apparaît précisément comme la forme originaire de la vocation apostolique. Pierre est aussi celui qui tente d'imiter le Seigneur quand il marche sur les eaux (Mt 14, 28 ss); à propos de la concession aux disciples du pouvoir de lier et de délier, c'est lui qui demande combien de fois l'on doit pardonner (Mt 18, 21). Tout cela est souligné par la position que Pierre occupe dans la liste des disciples. Quatre versions nous en ont été transmises (Mt 10,2-4; Mc 13, 16-19; Lc 6, 14-16; Ac l, 13), qui présentent diverses variantes de détails mais qui néanmoins placent toutes unanimement le nom de Pierre au sommet. Dans l'Évangile de Matthieu, il est même introduit par le terme significatif « le premier » : pour la première fois, nous rencontrons ainsi cette « racine» qui, par la suite, sous le mot de « primauté », devient le concept qui exprime la mission spécifique du pêcheur de Bethsaïde. La même chose est pratiquement affirmée quand, en Marc l, 36 et Luc 9, 32, ce disciple est présenté par la formule « Pierre et ceux qui étaient avec lui ».

Passons maintenant à un second thème important, celui qui concerne le nouveau nom que Jésus a donné à l'Apôtre. Comme l'a souligné l'exégète protestant Schulze-Kadelbach, le fait qu'il ait été appelé du titre de « roc, pierre», et que cela n'ait pas été son nom originel mais la nouvelle appellation que Jésus lui a imposée, appartient « à ce que nous connaissons de plus certain à propos de cet homme ». Paul fait encore usage - comme nous l'avons vu - de la forme araméenne, qui vient de la bouche de Jésus, et il appelle cet Apôtre « Cephas ». Le fait que l'on ait ensuite traduit ce terme et qu'il soit entré dans l'histoire sous l'appellation grecque de Pierre, confirme sans équivoque qu'il ne s'agissait en aucune manière du nom propre d'une personne. Les noms propres ne sont jamais traduits. Mais il n'était pas inhabituel que les rabbins imposent des surnoms à leurs disciples. Jésus lui-même a fait quelque chose de semblable avec les deux fils de Zébédée, qu'il a appelés « fils du tonnerre» (Mc 3, 17). Mais comment doit-on comprendre ce nouveau nom de Pierre? Certes, il ne décrit pas le caractère de cet homme, ce contre quoi nous avait mis en garde avec une grande précision la description que Flavius Josèphe avait donnée du caractère typique du peuple galiléen: « courageux, affable, confiant, mais aussi facilement influençable et amateur de nouveautés ». La dénomination « roc, pierre» n'a aucune signification pédagogique ou psychologique: on ne doit la comprendre qu'à partir du Mystère, c'est à-dire dans une perspective christologique et ecclésiologique: Simon-Pierre deviendra à travers la charge que Jésus lui a donnée celui qu'il n'est pas du tout selon « la chair et le sang ». J. Jeremias a montré qu'il y a à l'arrière-plan le langage symbolique du rocher saint. Un texte rabbinique peut être éclairant à cet égard: «YHWH dit: "Comment puis-je créer le monde, alors que surgiront ces sans-Dieu et qu'ils se révolteront contre moi?". Mais quand Dieu vit que devait naître Abraham, il dit: "Voici que j'ai trouvé un rocher sur lequel je peux construire et fonder le monde". Aussi appela-t-il Abraham un rocher: "regardez le rocher d'où l'on vous a taillés" (ls 51, 1-2) ». Par sa foi, Abraham, le père de tous les croyants, est le rocher qui soutient la création, repoussant le Chaos, le déluge originel qui menace de tout ruiner. Simon, qui, le premier, a confessé Jésus comme le Christ et qui a été le premier témoin de la résurrection, devient alors, par sa foi digne de celle d'Abraham mais renouvelée christologiquement, le rocher qui s'oppose à la noire marée de l'incrédulité et à sa force destructrice de l'humain. On peut ainsi affirmer que vraiment, même dans la seule appellation, absolument incontestable, du pêcheur de Bethsaïde comme « roc-pierre », toute la théologie de Matthieu 16,18 est contenue et qu'elle est donc garantie dans son authenticité.


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