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Trop zorey, et alors ?

Publié le 20 avril 2010 par Laurelen
Trop zorey, et alors ? La Réunion est jolie. La Réunion est belle. La Réunion a ses défauts, comme tout le monde, mais elle porte bien son nom. La Réunion est petite, son histoire n’est pas très vaste non plus, mais La Réunion est pleine. Pleines de Zoreys, de Chinois, de Malbars, de Comoriens, de Malgaches, de Zarabs, de Mauriciens, d’Africains, d’étudiants et travailleurs du monde entier, de ceux que j’oublie, et bien sûr pleine de Créoles de toutes les couleurs. Des café au lait, des kafs, des yabs, des rouges, des métissés de partout jusqu’aux orteils… De ces différences s’élèvent parfois de petits conflits de communauté, mais ce sont presque exclusivement des la di la fé qui meurent dans l’œuf, et les principales rivalités notables se trouvent au cœur des clans familiaux ou communautaires (je ne parle pas ici de politique…) Ce qui est vraiment né de toute cette diversité, c’est un formidable respect de l’autre dans la cohabitation, et une faculté au mélange des genres, une ouverture qui s’émancipe de plus en plus avec le temps. Et forcément on s’y sent bien. Un type de 60 ans que j’ai connu récemment et qui a bourlingué dans les quatre coins de la planète pour son boulot me disait encore il y a un mois qu’il n’avait jamais trouvé l’endroit où il aurait enfin envie de s’implanter pour finir sa retraite. Eh bien il vient de découvrir la Réunion, et il s’y sent bien. Il prend le bus, et il se met à discuter de tout et de rien avec des gens de partout, sans complexe et sans chichis. C’est la première fois que ça lui arrive, même si, évidemment, la langue y est pour beaucoup…

Heureusement on est loin d’être parfaits, ça se saurait, tout n’est pas si rose et quelques idées préconçues naviguent toujours dans les esprits ici et là. Par exemple quand un journaliste affirme au Pirate que la réouverture des Recréateurs est un truc qui n’intéresse que les Zoreys, et que donc on ne publie rien là-dessus, je saute au plafond. A la soirée de pré-inauguration pour le site Pils, un ami m’avait aussi dit « c’est trop zorey comme ambiance ». Je lui avais alors montré du petit doigt quelques Créoles autour de nous, sans compter que les artistes présents ce soir là venaient de tous les horizons. Obligé donc de répondre à ce journaliste que si les Recréateurs attirent autant de monde, c’est sûrement que par sa vocation de lieu culturel, et justement ouvert à toutes les cultures, musicales, plastiques et autres, l’endroit réunit des Réunionnais de toutes souches qui aiment se réunir… Et sans savoir dans quel état il était ce soir là, on peut lui confirmer que nous en a vus de toutes les couleurs, des gens aux Recréateurs. Et quand bien même on n’aurait vu que des Zoreys, j’ai envie de dire : « et alors ? » Il n’y a donc que des Créoles qui s’intéressent aux médias de l’île ?

Je me souviens de San Severino, au Sakifo 2007, qui demande à la régie d’illuminer le public parce qu’il a envie de voir nos gueules. Sa réaction : « putain mais y’a pas un black, vous sortez tous de l’avion ou quoi ? » La même chose quand on va voir un concert de Tété, chanteur noir vivant en métropole, y’a trois bon quarts de Zorey dans la foule. Et alors ? C’est rempli de Créoles pour Kassav, et pis quoi ? C’est tellement éclectique dans tellement d’autres endroits… C’est vrai que ça fait aussi tout drôle de voir Danyel Waro ou Firmin Viry devant un parterre de blancs, et pis quoi ? Chacun sort où il veut, on reste à la Réunion…

Moi aussi j’ai mes petites idées reçues des fois. Je suis allé voir « Armstrong au pays du blues » l’autre soir à la salle Canter, organisé par la chorale Cantaréunion. Au début du concert, j’étais presque rageur. La chorale, plus de trente chanteurs, quatre ou cinq Créoles presque blanc et tout le reste de Zoreys. Pianiste zorey, contrebassiste zorey, batteur apparemment yab, et trompettiste blanc venu de métropole. Le seul black présent était le chanteur qui jouait le rôle d’Armstrong, et il venait des USA ! Je préfère ne citer personne parce que musicalement la soirée était des plus mollassonnes, et on était loin, au-delà des couleurs de peau, de l’hommage qu’on pouvait s’attendre pour un type comme le vieux Louis… J’ai quand même bien regretté que pour célébrer un black, il n’y ait pas quelques voix noires de bon gospel dans les chœurs, et je me suis dit que tout ça n’était vraiment pas dans le coup, près à quitter mon siège en huant ces branquignoles… Mais au fur et à mesure de la soirée je me suis calmé. L’orchestre de l’école Loulou Pitou ainsi que quelques marmays des écoles de St Denis sont venus compléter la scène sur la fin, et il y a avait quelques peaux plus foncées dans le tas. Et puis au final, toujours ennuyé cependant par la musique qui n’avait pas pris plus d’ampleur que ça, je me suis dis « et alors ? » Le spectacle avait fait salle comble, et si on comptait plus de zoreys, le public était de toutes les couleurs, et si j’étais déçu, on dirait bien que tout le monde avait passé un bon moment. Alors tant mieux.

Entre autres idées reçues, je m’insurgeais il y a quelques mois que les salles culturelles demeuraient souvent bien vides, alors que tout le monde se précipitait pour voir un gros Nairbus passer dans le ciel. Bien sûr ça tient toujours, car je ne visais pas une communauté précise ce jour là. J’ai moi-même des copains très bien qui sont Zoreys ou Créoles et qui ont été voir l’avion. Tout ce que j’ai à leur dire aujourd’hui c’est : continuons. S’il vous plait, non, n’allons pas observer le gros Navion qui nous nargue, mais au-delà de nos idées politiques, de nos convictions sociales et autres incongruités, continuons à si bien cohabiter, mélangeons nous dès que nous le pouvons, dans les bars, les salles de spectacles, les aires de pique-nique, les sentiers de Mafate, les piscines, la mer, les cinémas, les clubs de sport, les librairies, allons tous au Dipavali et au nouvel an Chinois, faisons tous exploser des fusées pour Noël, gardons ces sourires et ces valeurs chaudes qui font que la Réunion, soit tu t’y sens bien, soit c’est toi qui a un problème…

Dans ma vie, notamment pendant les onze ans que je viens de passer ici, j’ai eu des chats noirs, blancs, noirs et blancs, gris, rouges, jaunes, tigrés, avec des taches ou des rayures… Vous savez quoi ? Ils ont toujours été, et sont, pour ceux qui restent, tous aussi cons les uns que les autres…

Arthur

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