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Quand la psychologie de marché joue contre le rêve européen, les leçons à tirer des attaques spéculatives contre la Grèce.

Publié le 13 février 2010 par Jazzitup

La Grèce est depuis quelques semaines victime de l’affolement des marchés quant à la soutenabilité de sa dette publique. Celle-ci atteint 112% du PIB fin 2009, avec un déficit annuel de 12,7% du PIB. En comparaison, c’est beaucoup moins que le Japon, juste un peu plus que l’Italie… et pourtant ces deux pays n’ont pas l’air d’être au bord de la faillite ! Mais qu’importe, tous les médias titrent sur la chute des cours boursiers, la mauvaise gestion des comptes publics grecs, le rapatriement en panique des capitaux… et même : de la sortie de la Grèce de la zone Euro. Là ça devient presque absurde, on peine à y croire : l’affolement de quelques « zinzins » (investisseurs institutionnels) viendraient-elles à bout de l’unité européenne ?

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Retraçons les événements qui se sont succédés en quelques semaines. Le point de départ, c’est la dégradation simultanée de l’appréciation de la dette publique grecque par les agences de notation. Traduction : c’est risqué de prêter à la Grèce. Les investisseurs affolés retirent une partie de leurs capitaux et les placent ailleurs. Le gouvernement grec est alors contraint de payer plus cher pour emprunter, ce qui l’oblige à s’endetter encore plus.

   Tout se dégrade dans une spirale infernale qui ne peut s’arrêter qu’avec des gages de crédibilité envers les investisseurs. Or personne ne croit les politiques grecques sur leurs bonnes intentions, car ils ont un lourd passé de mensonges sur les chiffres devant l’UE. Reste deux choix : l’appel à l’aide financière conditionnée du FMI, connu pour tailler sans détails dans les budgets sociaux, ou la solidarité européenne. Mais voilà, une aide de l’UE reviendrait à envoyer un signal laxiste à tous les pays membres. L’Allemagne ayant anticipé ce risque a fait inscrire dans le marbre des traités l’interdiction de solidarité financière entre les Etats-membres (clause no bail-out)…

Pourtant, on ne peut pas non plus rien faire. Cela risquerait, en plus de mettre la Grèce dans une situation de défaut de paiement, d’entraîner une nouvelle vague de défiance des investisseurs envers d’autres pays européens endettés (voir mon article précédent : « La nouvelle bulle des dettes souveraines » , 17/01/2010). En premier lieu ceux que les anglo-saxons ont désormais surnommé les PIGS – Portugal, Irlande, Grèce, Espagne. Conclusion : l’Union européenne est obligée de voler au secours de la Grèce pour préserver son unité, contre les marchés financiers.

   Ce qui est absurde dans l’histoire, c’est son commencement : les agences de notation ont mis le feu au poudre simultanément. Or ce sont les mêmes qui n’ont pas su évaluer correctement les risques des crédits subprimesresponsables de la pire crise économique depuis 1929 ! Trois de ces agences privées se partagent 90% du marché, et ont le pouvoir de faire tomber des Etats : Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s. Leurs méthodes, leurs chiffres, leurs sources ; tout est discutable et critiquable dans leurs notations. Mais les marchés s’en tiennent à la psychologie du moins-pensant, en réagissant sans chercher à comprendre. Qu’importe que la Grèce soit réellement en difficulté ; si les agences le pensent, alors les marchés s’affolent et déclenchent les prévisions ; la Grèce est ipso facto en difficulté. Les économistes appellent cela les anticipations auto-réalisatrices.

Je trouve pour ma part qu’on ne peut pas accepter de se laisser gouverner par des marchés financiers qui ont déjà prouvé à plusieurs reprises toute leur incongruité. Qui plus est quand ils spéculent contre l’Euro(pe). Certains célèbres analystes américains (Martin Wolf du Financial Times, Paul Krugman du New York Times) ont beau jeu de rappeler qu’ils s’étaient prononcés contre la création de la monnaie unique. Ils ne comprennent pas que derrière l’Europe il y a un rêve commun, qui va bien au-delà de l’économie.

C’est pour ce rêve commun qu’on aimerait bien voir l’Europe monter au créneau, à la manière de Daniel Cohn-Bendit devant le Parlement.

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 Que peut-on faire ?

Au niveau mondial, introduire plus de concurrence dans les agences de notation. Notamment avec la création sous l’égide de l’ONU d’une agence de notation publique, qui aurait donc un meilleur accès aux statistiques des pays. D’une manière générale, il faut continuer à faire pression vers plus de régulation des marchés financiers, pour mettre fin à leur toute-puissance (voir mon article précédent: « Premiers pas vers un nouveau capitalisme », 27/01/2010).

Au niveau européen, mettre en place une plate-forme commune aux pays membres pour lever les fonds nécessaires à leur dette publique. Ainsi les investisseurs ne pourraient plus attaquer la Grèce séparément mais toute l’Union européenne, ce qui les feraient réfléchir à deux fois. Cette proposition de « guichet unique » n’est pas consensuelle ; elle n’a pas la faveur des pays qui empruntent à taux faible, comme l’Allemagne. En fait, plus un pays est crédible dans la tenue de ses comptes publics moins les taux auxquels il emprunte sont élevés. Donc faire une moyenne des taux européens pour appliquer un tarif unique désavantagerait tous les pays qui empruntent actuellement pour moins que cette moyenne (c’est une sorte de subvention indirecte). Cependant, je crois que ce système peut être acceptable s’il impose en contrepartie des sanctions financières aux pays laxistes, ainsi qu’un droit de regard sur leurs comptes publics. C’est un système ambitieux sur le plan de la solidarité européenne, qui mettrait les pays de l’Union européenne à l’abri de la déstabilisation des marchés.

 L’empire contre-attaque.


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