Scène 4
LES MEMES plus SCARLATINA
SCARLATINA
Président, mon biquet, mais que se passe-t-il ?
Tous ces gens réunis : sommes-nous en péril ?
LE PRESIDENT
Ma mie préparez-vous, nous partons en Islande.
SCARLATINA
Mais nous devions aller quelques jours en Irlande...
LE PRESIDENT
C'est tout pareil, mon cœur. Prenez vite un manteau
Et fonçons vers le port.
SCARLATINA
On part donc en bateau ?
LA MADONE
Il serait temps, chérie, qu'enfin tu atterrisses
Et que dans le réel doucement tu te glisses.
Un volcan islandais nous a pris comme otage
Et envers nos avions fait un vilain chantage.
Si tu ne veux donc pas te retrouver grillée,
Remue ton popotin, cesse de questionner.
LE PRESIDENT (très froissé)
Tu pourrais t'adresser à ma belle épousée
Plus poliment, je crois.
LA MADONE
Je n'ai fait qu'expliquer
La situation qu'elle semble ne pas connaître
Et qu'il est bon, ma foi, de lui faire apparaître.
SCARLATINA (vexée)
Mais je la connais bien. Je ne suis pas une oie.
J'écoute la radio, la télé quelquefois.
CUNEGONDE
Alors dépêchez-vous, Madame, avant que de partir
Posez votre guitare et veuillez vous vêtir.
SCARLATINA (Découvrant Cunégonde)
Ah, Madame, c'est vous ! Comme je suis heureuse
De vous voir en ce lieu. (Révérence. Puis, désignant la Madone) Mais cette péroreuse
Vous cachait à mes yeux. Restez-vous parmi nous ?
CUNEGONDE (Révérence)
Pas longtemps, mon amie. Il faut que je dénoue
Un nœud si bien serré que ma diplomatie
Va ressembler je crois à de l'acrobatie.
Je suis votre servante. (Révérence)
SCARLATINA (Révérence)
Pas tant que moi, Madame. (Voyant Leila) Ah, voilà la traîtresse !
Celle qui calomnie sans honte sa maîtresse !
Elle ne rougit pas, l'infâme gourgandine
De se montrer ici, nouvelle Messaline !
LEILA (Eclatant en sanglots)
Ah, je ne puis supporter d'être ainsi maltraitée !
Moi qui suis votre amie, moi qui suis votre alliée !
SCARLATINA
Tu parles d'une alliée qui va partout clamant
Que je trompe un époux, et même un Président !
LEILA
Ce n'est pas moi, Madame, et je le jure bien.
CUNEGONDE
Croyez-là, mon amie, elle n'y est pour rien.
Mais encore une fois, il nous faut nous hâter.
Le volcan nous attend. Pourvu que sa fumée
Ne nous empêche pas de partir en mission :
Prenons vite l'auto, et au port, sous pression.
(Tout le monde sort dans un grand brouhaha.)
Scène 5
Au pied du volcan en question. Nuit noire. Cendres partout. Grosse fumée en l'air. Entre par la gauche une colonne de silhouettes blanches, revêtues d'une combinaison protectrice, avec masque et tout le tintouin. Une silhouette tient une guitare à la main. Arrêt et poses diverses.
LE PRESIDENT, FIFI, ROSIE, FEFE DE BROADWAY, LA MADONE, LA LANGOUREUSE ARIELLE, SCARLATINA, DAKTARI, LE VOLCAN
LA MADONE
Oh que je n'en puis plus ! Que je suis fatiguée !
ROSIE
Oh que tu nous ennuies ! Tu nous casses les pieds !
LE PRESIDENT
Vous eussiez dû, ma mie, laisser votre guitare.
SCARLATINA
Pour qu'un affreux bandit là-bas d'elle s'empare ?
Il n'en est pas question.
LA MADONE
C'eût été pain béni.
La guitare volée, finis tous nos ennuis.
CUNEGONDE
Voyez-vous quelque chose ?
FIFI
Oh, rien. Des ténèbres.
DAKTARI
Cet affreux paysage est bougrement funèbre.
LE PRESIDENT
Tout le monde est-il là ? Il ne manque personne ?
FIFI (après avoir compté les silhouettes)
Personne, Président. Voulez-vous que l'on sonne
La trompette guerrière avant notre ascension ?
LE PRESIDENT
Fais, fais, mon ami. Tant que tu sonneras
On s'assoira un peu, on se reposera.
(Tout le dialogue suivant sera accompagné d'une sonnerie stridente, fausse comme un jeton.)
ROSIE LA TERREUR
Faut-il vraiment grimper jusqu'en haut du volcan ?
(A la Madone)Que disait donc ton rêve, ô reine du boucan ?
LA MADONE
Il ne précisait rien. Peut-être qu'il suffit
De crier un bon coup. Essayons. Eh, bouffi !
Volcan préhistorique ! Emmerdeur patenté !
M'entends-tu t'appeler, vieux cracheur de fumée ?
CUNEGONDE
Oh, Madone, voyons, un tel vocabulaire
N'est pas séant ici et il est suicidaire.
Il faut pour lui parler prendre une voix aimable,
Une paire de gants, se montrer estimable.
LA MADONE
Et bien, va, je t'en prie. A toi de le héler.
Mais peut-être qu'il faut à son sommet monter.
FEFE DE BROADWAY
Pourriez-vous faire vite ? J'ai le teint très cendreux
Et j'ai l'impression* d'être vraiment affreux.
CUNEGONDE
Rassurez-vous, Féfé, personne ne vous voit
Cette combinaison protège vos émois.
LA LANGOUREUSE ARIELLE
Alors, on fait quoi, hein ? On monte, on crie ou on reste ?
Donne-t-on de la voix ? Faisons-nous de grands gestes ?
CUNEGONDE
Laissez-moi réfléchir. Il me semble vraiment
Que dans ce rêve étrange et souvent récurrent,
Prononcer son beau nom était bien le sésame
Qui m'ouvrait simplement la porte de son âme.
(A suivre)