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Le Barça n'est donc pas invincible !

Publié le 21 avril 2010 par Atango

Nuage de cendres, avions cloués au sol, fatigue due à deux jours de trajet par bus : voilà, semble-t-il, la chaîne de la malchance qui aurait entraîné la défaite des hommes de Guardiola.

Voire.

On tremble forcément un peu en tapant ces trois mots "défaite du Barça." Je suis en effet prêt à parier que tous ceux qui ont suivi les exploits du FC Barcelone ces deux dernières années se sont demandé, à un moment ou à un autre quelle est la recette magique des hommes de Guardiola.

Symphonie

L'orchestre catalan a ceci de particulier : il éblouit (ou traumatise, selon le camp auquel on appartient) à tel point qu'à la sortie de chaque match, il faut carrément se frotter les yeux et s'ébrouer mentalement pour sortir de la fascination dans laquelle on reste plongé, avant de tenter une quelconque analyse du système Barça.

 En fait, tout est basé sur le concept de "football total" lancé et expérimenté par l'entraîneur hollandais Rinus Michels dans les années 1970. Pour faire court, il s'agit du principe du flux et reflux : l'équipe attaque et défend avec toutes ses lignes. Cela suppose évidemment une technique sans faille, une condition physique robuste et des déplacements synchronisés. Ainsi, même si cela peut sembler étonnant, la première condition pour pratiquer cette culture de jeu, c'est une discipline d'acier.

 Michels, passé par le FC Barcelone en 1971, va inaugurer le mariage qui lie désormais ce club avec la Hollande. C'est dans ce cadre que Johann Cruyff tiendra les rênes du Barça de 1988 à 1996. Ce sera l'occasion pour lui de développer et de moderniser la culture héritée de son mentor Rinus Michels. Cruyff demeure d'ailleurs l'une des icônes du club catalan.

 La force du FC Barcelone tient donc à cette culture qui associe le génie à la technique, et la technique à la rigueur. C'est pourquoi regarder jouer cette équipe équivaut à assister à un ballet bien orchestré, dans lequel chaque acteur tient son rôle. La technique est irréprochable, les déplacements intelligents, et les passes millimétrées. Il suffit d'y ajouter un joueur génial, et la messe est dite. Ce rôle vedette fut tenu naguère par Johann Cruyff en personne, et plus récemment par Ronaldinho. Nous en sommes à l'an II du règne de Lionel Messi.

Vous avez dit invincibles ?

Des trois clubs majeurs qui revendiquent aujourd'hui l'héritage de Michels, le FC Barcelone est celui qui a porté cette culture à son niveau le plus abouti (les deux autres clubs étant l'Ajax d'Amsterdam et Arsenal). En effet, les Catalans peuvent parfois donner l'impression de faire de l'exhibition gratuite. Mais qu'on se le dise : lorsque cette équipe joue au football, aucun déplacement ne se fait au hasard, aucune passe n'est gratuite, aucun contrôle de balle n'est superflu. Le Barça est avant tout une redoutable machine à gagner, et toute équipe qui se laisse hypnotiser par sa merveilleuse chorégraphie se retrouve très vite humiliée jusqu'à la nudité.

 Plusieurs personnes se sont ainsi demandé, ne serait-ce qu'à titre purement intellectuel, ce qu'il faudrait faire pour arriver à battre le FC Barcelone. La réponse peut sembler évidente : nul n'est invincible, et chaque Achille a son talon. Encore faut-il mettre le doigt dessus. 

En ce qui concerne le FC Barcelone, comme c'est souvent le cas, ses principaux points forts cachent évidemment ses principales failles, comme le côté face d'une pièce de monnaie cache son côté pile.

 Ainsi, le fait que tous les joueurs de l'équipe avancent en même temps expose le groupe à de fréquentes contre-attaques. Mais Michels avait déjà réglé le problème, car il disait : "composer un onze de départ est tout un art. Il faut trouver le juste équilibre entre les joueurs créatifs et ceux qui sont là pour détruire..." "Détruire", vous avez bien lu. En effet, les joueurs du Barça, lorsqu'ils se trouvent exposés à un contre rapide, n'hésitent pas à utiliser des méthodes dignes de l'équipe la plus barbare du championnat le plus obscur. L'élégance et la technique chatoyante sont remisées au placard, et on sort la panoplie des "fautes utiles" : tacles illégaux, tirages de maillot, coups de coude, etc. Longtemps, les arbitres et les spectateurs, fascinés par ailleurs par la merveilleuse technique des catalans, n'ont pas vu ces gestes lorsqu'ils se produisaient au cours des matches. Mais les nombreux cartons de toutes les couleurs récoltés ces dernières semaines par Seydou Keita, Dani Alvés, Carlès Puyol et même Lionel Messi démontrent que les yeux se dessillent.

 Autre faiblesse du Barça : si cette équipe est une formidable machine capable de garder le ballon de longues minutes, sa capacité à marquer des buts dépend forcément de l'adresse et du génie de quelques joueurs. Jusqu'à l'année dernière, le nombre de joueurs capables de porter le danger devant les buts adverses était de quatre à cinq par match. En effet, la polyvalence et le mouvement permanent des trois compères de l'attaque qu'étaient Messi, Eto'o et Henry ouvraient des brèches pour Xavi, Iniesta, Keita, Touré et Dani Alvés. Le départ d'Eto'o et l'arrivée d'Ibrahimovitch ont ôté cet atout au Barça. Le Suédois, au profil d'attaquant fixe et qui rechigne au harcèlement défensif, n'arrive pas à s'accorder avec la parfaite harmonie des mouvements. Résultat : l'équipe est obligée de s'en remettre au génie du seul Lionel Messi pour transpercer les défenses adverses. La suite est évidente : il suffit que Messi soit muselé pour que le Barça se retrouve inoffensif.

 C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, cette année, la question "Comment arrêter le Barça" s'est souvent résumée à "Comment arrêter Messi." Le jeune argentin possède en fait deux facultés rares. La première : il touche le ballon à chaque pas qu'il fait ; la seconde : il va aussi vite avec le ballon que sans. Ajoutons-y sa petite taille, qui lui permet d'avoir une excellente stabilité du fait que son centre de gravité est proche du sol, sa grande technique et la qualité de sa frappe de balle, et l'on comprend pourquoi "La Pulga" est aujourd'hui le meilleur joueur de football au monde. Or, de ces grandes qualités sont issus évidemment deux grands dangers : encensé par les médias du monde entier, Messi a acquis une confiance d'abord excellente, mais bientôt excessive. Il essaie de plus en plus de passer en un contre un. Si l'on se souvient que dans le même temps, tous ses coéquipiers sont en phase offensive, on comprend que Lionel Messi met toute l'équipe en danger de contre-attaque à chaque tentative de passage. Il est à parier que les adversaires le savent, et qu'ils arriveront de plus en plus à anticiper les gestes de l'Argentin et à lui prendre le ballon.

 Le dernier point faible du Barça, c'est la condition physique. En effet, la pratique du football total exige une énorme dépense d'énergie de la part des joueurs, qui passent constamment de phases offensives rapides à des phases défensives tout aussi furieuses. L'observateur attentif aura remarqué que, chaque année, les Catalans finissent la saison sur les rotules. Il est d'ailleurs symptomatique que la phase la plus délicate pour eux, est toujours celle des quatre derniers matches du championnat, et des demi-finales de la Champions League.

 L'année dernière, ils étaient passés de justesse face à Chelsea. Cette année, la défaite au match aller complique autrement les choses. La fin de saison, de toute façon, sera rude pour les hommes de Guardiola : le Real n'est qu'à un point et ne lâchera rien.

 Aussi bizarre et injuste que cela puisse paraître, la belle machine se retrouve ainsi à jouer sur deux ou trois matches seulement une saison qu'elle a pourtant éclaboussée de son génie.


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