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Me voilà, debout devant la mémoire qui me taraude.
Je pleure à chaudes larmes sur un temps dont je ne saurai sans doute jamais rien.
Peut-être même serai-je toute ma vie hanté par le spectre d’attitudes et d’actes longuement et « raisonnablement » tues.
Que faisiez-vous en ces temps d’obscurité ? Où étiez vous et pourquoi certains parmi les nôtres ne trouvent pas à survivre dans nos mémoires ?
Silence pesant sur qui ils furent. Blancs sur la carte de l’histoire qui accroissent l’angoisse et la suspicion…
Qui furent ceux-là dont nul ne parle, sinon en des bribes incohérentes qui nous laissent désemparés…
Que des larmes surviennent au détour de la vision d’une rafle, que la colère monte devant la soumission de mes contemporains, et voilà que les questions se posent de l’origine…
Mes yeux tentent une remontée vers ce passé si proche.
Mes lèvres psalmodient des questions jamais abordées.
Le silence s’impose comme une autocensure liée à un pacte invisible…
Ma bouche cherche les mots à prononcer qui délivrerait les cataractes de souvenirs…
Mais voilà, les témoins directs s’enferment dans un silence.
Lourde responsabilité à leurs épaules vieillissantes que de ne rien prononcer, ni nom, ni image, ni petites histoires, tant nombreuses à fabriquer la grande.
Deux grands pères errent dans ce no man’s land. Le mutisme est si pesant que nulle interrogation n’affleure. Qui furent-ils et pourquoi sont-ils réduits, par delà leur propre mort, à la pire des tombes : celle que les vivants gênés creusent pour ne rien assumer de leur passé…
Peut-être, l’enfant que je fus découvrira avec horreur deux pleutres ou traîtres là où il rêve parfois de découvrir des héros…
C’est un danger qui retient peut-être, retarde le moment de dire…
Nous avons tous, ainsi, quelque tâche qui ne prennent pas leur source dans les zones d’ombre de la grande histoire, car elles en sont la trame, celle que nul n’examine jamais et qui nous empêche d’exister en toute lucidité…
Manosque, 13 mars 2010,
après avoir visionné, certes avec retard, l’émission consacrée à la grande rafle du Vel’d’hiv.
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