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Jour 4 (jeudi 22) La Dourbie. Affluent du Tarn. Une rivière au...

Publié le 24 avril 2010 par Fabrice @poirpom
Jour 4 (jeudi 22)

La Dourbie. Affluent du Tarn. Une rivière au...

Jour 4 (jeudi 22)

La Dourbie. Affluent du Tarn. Une rivière au milieu de cailloux aussi gros que des (petites) montagnes. Il y a des années, un mec s’est dit qu’avoir une route qui suivrait le cours de la rivière serait sans doute une bonne idée. Et c’est exactement ce qu’il a fait. Ce con n’a pas inventé l’eau chaude. Grâce à lui, le beurre est toujours aussi fatigant à couper. Des gens meurent du cancer chaque jour. Cet imbécile a juste fait un petit cadeau à tous les routards du monde, tentés de se perdre dans ce coin. Avec le soleil dans les yeux et la fraîcheur qui vient chatouiller la peau sous l’armure, la route jusqu’à Nant donne envie de se jeter dans le vide. Pour le plaisir de finir en beauté. Dans la Dourbie.

‘Bienvenue dans le Gard’. Ce simple panneau se révèle une véritable frontière. Si le cadeau aux routards tasse aisément quelques vertèbres, les routes du Gard sont une caresse dans le sens du poil. Des masseuses de pneus. Débouler par les hauteurs dans ce département relève de l’indécence. Yeux qui sortent de la tête et s’écrasent sur la visière, bave qui coule sur l’armure, coups de tatane féroces sur le sélecteur.

Il n’est pas question de vitesse. Pas question de wheeling. Ni de burn. Ou de dérapage. De tuning. D’accessoires. La fanfaronnade folklo du motard qui fait doucement sourire le non-initié n’est pas d’actualité ici. Il n’est question que du pur plaisir de tomber les rapports, jeter l’engin dans le virage, maintenir les gaz, redresser, essorer la poignée et filer jusqu’à la prochaine courbe. Et elles sont nombreuses.

Simple. Nerveux. Intensif. Ju. Bi. La. Toire.

Le nombre de centres d’intérêt dans ces instants-là est relativement limité. Le paysage qui défile. La chaleur du moteur serré fort entre les jambes. La vibration qui se répercute sur le corps tout entier. La position du regard. Le rapport enclenché. Le régime moteur. Et. C’est. Tout.

Arrivée à Montpellier en fin de matinée après un retour progressif vers la civilisation. Circulation cauchemardesque dans cette ville. Pas la densité, les axes eux-mêmes. Sens uniques, voies piétonnes, feux tricolores de 3 secondes. Y rouler, c’est se perdre. Pour en sortir, la technique du Petit Poucet semble impérative.

Somnolence et observation de la faune dans le parc entre le Corum, Hall d’expos et opéra, et la place de la Comédie, le m’as-tu-vu de la ville. Et Gat-A déboule.

‘J’ai besoin de bras pour transporter des sculptures très très lourdes…’

Elle qui accepte de m’offrir gîte et couvert pour quelques nuits est en plein bazar. Préparation d’expo pour un sculpteur. Le Marché des Arts, première édition, ouvre ses portes au Corum le lendemain après-midi. Et l’artiste pour qui elle bosse est l’invité d’honneur. Lui est à Bangkok.

‘C’est mon père…’

Gat-A déroule son histoire en se faufilant, de gré ou de force, dans les rues trop petites pour son gros camion de location. Dans l’une de ces ruelles, large comme un cercueil, elle bloque le frein à main, bataille avec un rideau de fer puis un disjoncteur avant de révéler un entrepôt de fortune. Matelas, mousse, papier-bulle, couverture. Accessoires destinés à protéger les babioles du fond. Des bronzes. Des petits pour la plupart. Certains lourds comme des cadavres. Parfois plus. Noire comme principale couleur. Parfois marron. Quelques turquoises. Des personnages féminins. Des nénés. Des gros popotins. Des grosses cuisses. Le mec n’est pas du genre à vanter les mérites de la pêche à la crevette. L’après-midi s’effrite entre sèlection d’œuvre eb chargement délicat de rondeurs artistiques à la surcharge pondérale insolente. Retour au bercail dans le trafic surchargé de fin de journée. L’appartement au abords de Montpellier a une salle de bains de la taille d’un studio parisien. Dîner sympathique, infusion apaisante. Gat-A continue à déballer histoire et états d’âme, fait des inhalations dans une casserole qui date de la Guerre Froide, renifle, blablate, se mouche, blablate puis se tait brusquement.

‘J’ai l’impression de parler à un psy. C’est chiant. J’suis crevée. Dodo.’

Elle disparaît. À disposition dans le salon, un canapé dépliable. Dans les toilettes, des BD qui ont nourri bien des mômes avant de finir leur course ici.

C’est Lucky Luke qui conclut la journée.

‘Une ville, Jolly Jumper! Nous ferons étape…’

Trip partiel cumulé (en arrivant à Montpellier): 1300 km.

Tentatives de suicide involontaire: quedal.


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