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Réévaluer la résistance

Publié le 24 avril 2010 par Tanjaawi
Les Palestiniens réévaluent le sens et les tactiques de leur résistance. Opter pour la force des armes ou pour celle de la morale ? interroge Saleh Al-Naami. (JPG) 9 janvier 2009 - A Baqa Ash-Charqiya en Cisjordanie occupée, de jeunes manifestants palestiniens rassemblés en soutien à la population de Gaza martyrisée, lancent des pierres en direction des troupes israéliennes d’occupation

Lors d’une marche conduite par des étudiants pour protester contre les activités d’implantation de colonies dans les faubourgs de Bethlehem, les reporters palestiniens, partis pour assurer la couverture médiatique, ne s’attendaient pas à voir les forces de l’ordre du gouvernement Fayyad les attaquer, les assaillir et les empêcher de couvrir la marche, pendant que les forces de l’occupation se contentaient d’observer. Dans le bureau local d’une organisation de presse, les reporters se sont regroupés et ont demandé des explications au gouvernement et à la police. Cependant, pour beaucoup de Palestiniens, il n’était aucunement nécessaire de fournir d’explications : « empêcher les manifestations et mobilisations en masse contre l’occupation israélienne » telle est la mission du Gouvernement Fayyad.

De hauts responsables au sein de l’Autorité Palestinienne (AP) et de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP) ne semblent pas être embarrassés quant au refus d’une action populaire qui risquerait de provoquer une troisième Intifada. Le porte-parole du Département de la Sécurité du Gouvernement Fayyad, Adnan Al-Damiri, a présenté comme argument de l’intervention sécuritaire la volonté d’éviter davantage de manifestations par différents mouvements populaires protestant contre les actions israéliennes. Al-Damiri en a choqué plus d’un en interdisant des protestations en Cisjordanie après que les forces de l’occupation soient parties.

Néanmoins, et au moment où le Cabinet Fayyad s’oppose à de pareilles expressions de mécontentement populaire vis-à-vis des actions israéliennes, le Premier Ministre lui-même, en compagnie de plusieurs membres de son cabinet ainsi que des membres influents du Fatah, participent à des évènements de protestation sous contrôle contre les politiques et lois d’Israël. Notant que le Gouvernement Fayyad a choisi deux régions pour les manifestations, à savoir les villages de Naalyn et Balaayn, situés à l’Est de Ramallah, les critiques décrivent cette politique comme « sélective ». Ces deux sites ont été sélectionnés pour les protestations s’opposant à la construction, par Israël, du mur de l’Apartheid alors que toute autre forme de protestation, en dehors des lieux cités plus haut, est interdite.

Des militants pacifistes étrangers et israéliens, ainsi que des figures emblématiques dans l’Autorité Palestinienne, participent à ces rassemblements pré-orchestrés. En effet, Fayyad décrit le mouvement comme étant un modèle de « résistance pacifique » devant être appliqué partout. Toutefois, Gaber Suleiman, qui habite près de Balaayn, estime qu’après plus d’une année de la mise en place de cette forme de « résistance », Israël n’a cessé de s’accaparer des terres des villageois dans le but de poursuivre la construction du mur, d’implanter de nouvelles colonies et d’étendre les anciennes.

« Le plus décourageant », se plaint Soleiman, « concerne le conseil de certains de manifester auprès des cours israéliennes comme forme de résistance pacifique. Vaine est cette tentative étant donné que la Cour Suprême Israélienne légalise toute action entreprise par l’Etat ».

Il convient de noter qu’il y a eu, à Gaza, plusieurs tentatives pour organiser de telles activités de « résistance pacifique » ; cependant, les porte-paroles du Hamas et du Djihad Islamique considèrent que les sponsors de ces évènements œuvrent à faire appliquer le programme sélectif de Fayyad. Au lendemain de la fin de la guerre israélienne sur Gaza, certains cercles palestiniens ont pris la responsabilité de la « résistance pacifique » dans certaines zones à Gaza, dont les récentes protestations contre le cordon sécuritaire imposé le long de la ligne de démarcation entre Gaza et Israël. L’armée israélienne interdit aux Palestiniens d’approcher de 300 à 500 mètres de la limite de la ligne du côté palestinien. En effet, cette zone représente la plus grande partie restante des terres agricoles de Gaza, surtout que les constructions ont empiété la région rurale à cause de la grande densité populaire.

A l’instar des marches en Cisjordanie, ces manifestations comptent des centaines de protestataires associés à des dizaines de militants étrangers venus à Gaza pour ce même objectif. Les manifestants brandissent le drapeau Palestinien et scandent des slogans contre l’occupation, mais, contrairement à la réaction en Cisjordanie, cette nouvelle forme de résistance a soulevé un débat politique intense dans la Bande de Gaza. Certaines personnes soutiennent ardemment ce modèle, alors que d’autres demeurent sceptiques quant aux mobiles implicites de ce type de résistance.

Ce dernier type, selon Mahmoud Al-Zaq, Coordinateur du Comité Populaire Contre le Cordon Sécuritaire (Popular Committee to Confront the Security Belt) et Organisateur de ces évènements, a vu le jour après que l’armée israélienne ait tué plusieurs fermiers pendant qu’ils travaillaient. Les forces de l’occupation avaient averti les fermiers de ne pas accéder aux champs situés à l’ouest de la ligne de démarcation entre Gaza et Israël. Détenu dans les prisons israéliennes pendant 15 ans, Monsieur Al-Zaq a affirmé que les actions d’Israël ont empêché des milliers de familles palestiniennes d’accéder à leur gagne-pain. Les champs abandonnés par les fermiers, a-t-il révélé, sont devenus stériles.

Par ailleurs, Monsieur Al-Zaq a essayé, pendant longtemps, de convaincre d’autres personnes d’adhérer à la résistance pacifique. Finalement, une large tranche de la société palestinienne s’est rendue compte des avantages de cette méthode. Monsieur Al-Zaq demeure déterminé à poursuivre ses efforts en dépit des pertes palestiniennes causées par la participation à de telles activités de résistance. Aussi, il existe d’autres divergences parmi les organisateurs de la « résistance pacifique » à Gaza et en Cisjordanie. Telle qu’établie par Al-Zaq, cette méthode ne remplace pas la résistance armée, soulignant que des factions, autres que le Hamas et le Djihad Islamique, soutiennent cette manière de résister.

Le Président du Comité Politique au sein du parlement Palestinien et membre éminent du Fatah, Abdullah Abdullah, proche du Président Palestinien Mahmoud Abbas, estime qu’il s’agit du meilleur modèle de résistance pacifique et qu’il doit être généralisé. Ce type de résistance, a-t-il déclaré à « Al Ahram Weekly », est plus efficace que les autres formes, car il démontre qu’Israël est l’auteur des violences et que les Palestiniens en sont victimes. « Nous poursuivrons cette méthode de résistance jusqu’à ce que nos légitimes objectifs politiques soient atteints » a-t-il déclaré, et d’ajouter « Assurément, le nombre de sympathisants dans le monde augmentera grâce à une telle formule ».

Le membre de la direction du Hamas, Salah Al-Bardawil, a déclaré à ce même journal que son groupe ne rejette aucune forme de résistance tant qu’elle ne couvre pas d’autres types de résistance. Al- Bardawil a mis en garde contre la limitation de la résistance à ce cadre car elle pourrait servir les intérêts d’Israël et a, par ailleurs, accusé les parties qui sponsorisent ces manifestations. Estimant qu’elles exécutent le programme de Fayyad, ainsi que celui des dirigeants du Fatah en Cisjordanie.

Al-Bardawil a décrit cette forme de résistance comme « une résistance télévisée qui présente l’armée israélienne sous un aspect civilisé car elle utilise des méthodes anti-émeute appliquées dans les quatre coins du monde, alors que, derrière les caméras, elle fait appel aux méthodes les plus atroces ». Le dirigeant du Hamas met l’accent sur les différents traits caractérisant les diverses formes de résistance, en l’occurrence les marches en direction de la ligne de démarcation et la résistance populaire en masse à travers la confrontation directe, tel que le jet de pierres. « C’est une résistance sélective, géographiquement limitée, qui cible une catégorie spécifique » conclut-il.

D’autre part, Ibrahim Abrash, ancien ministre de la Culture du gouvernement Fayyad et Professeur de sciences politiques à l’université d’Al-Azhar à Gaza, se dit sceptique à propos des deux formes actuelles de résistance, quelle soit armée ou bien pacifique, soutenue par son ancien chef. Il rapporte au Weekly que, malencontreusement, la résistance palestinienne fait face à un dilemme car elle ne répond pas à un programme national approuvé par toutes les factions. Quand elle était seulement armée, méconnaissant tout autre forme, la résistance se limitait finalement au lancement des missiles, ce qui est devenu un sérieux problème.

En parallèle, la « résistance pacifique » l’exaspère car elle est sélective. « C’est de l’hypocrisie et des manœuvres politiques » réplique-t-il en ajoutant « A travers cette action, Fayyad et son gouvernement donnent une impression trompeuse de résistance ». Il révèle que le gouvernement Fayyad ainsi que son Département de Sécurité interdisent une participation en masse dans ces marches et manifestations de peur que cette démarche ne devienne une véritable résistance populaire. Il a également rejeté l’idée de désigner, au préalable, des lieux pour protester. Abrash trouve une explication selon laquelle Fayyad parraine cette résistance pour justifier l’interdiction des autres formes de résistance, en ajoutant que l’efficacité d’une résistance pacifique repose sur les milliers de participants qui y prennent part.

Enfin, qu’il s’agisse d’une résistance armée ou pacifique, il est tout à fait clair que les Palestiniens sont en train de reconsidérer le modus operandi de leur résistance. Le résultat de cette réévaluation teintera certainement les développements à venir.

8 avril 2010 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2010/993...
Traduction de l’anglais : Niha

23 avril 2010 -


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