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Cunégonde au-dessous du volcan 8 et dernier épisode

Publié le 25 avril 2010 par Porky

(Suite de la scène 7)

LE VOLCAN

Mon désir est simple : arrêtez vos conneries.

CUNEGONDE

Lesquelles, ô Monseigneur ? Dans la catégorie

Stupidités crasses, nous en en avons pléthores.

LE VOLCAN

Toutes, sans exception.

LE PRESIDENT

                                        Il est vraiment retors.

Il sait pertinemment qu'avec tous nos efforts,

Il faudrait qu'ici bas, nous soyons tous bien morts

Pour que règne enfin là quelque sérénité.

CUNEGONDE

Vous êtes trop vague : par pitié, précisez.

Nous sommes prêts à tout, encor faut-il savoir

À quoi exactement nous devrions pourvoir.

LE VOLCAN

Soyez intelligents ; ce serait déjà bien.

Evitez de polluer ce qui nous appartient.

Evitez de casser ce qui n'est pas à vous

En un mot rengainez votre passion des sous.

Depuis bien plus longtemps que vous, ô tristes hères,

J'habite cet endroit, je règne sur la terre.

Vous vous croyez les rois, vous n'êtes que manants

Et je viens d'appliquer cette preuve à l'instant.

Vous voila affolés car un peu de fumée

Met votre économie en mauvaise santé.

Et vous êtes ici, courbés dans la poussière,

A débiter sans honte de minables prières.

Je comprends en parlant à quel point il est vain

D'espérer un sursaut de vos esprits malsains.

Quoi qu'ici l'on exige, même si par hasard,

Dans la peur de la mort, vous qui êtes si couards,

Vous acceptiez l'effort d'être un peu moins débiles,

Dès que la situation redeviendrait facile,

Vous recommenceriez vos actes délirants.

Je ne demande rien. Je vous méprise tant

Qu'un geste de ma main va vous jeter au loin :

Regagnez votre soue, car je n'ai plus besoin

De tous vos faux serments, de votre hypocrisie,

Et même je vous plains, pauvre espèce moisie

Qui ne sera plus là alors que, droit et fier,

Je fumerai encor sur votre cimetière.

(Grand silence, vaguement consterné. Séisme. Tout le monde roule à terre.)

 

LA MADONE (Le nez dans la cendre)

Je crois que sur ces mots, il tire le rideau.

CUNEGONDE (crasseuse, mais pensive)

Une telle leçon est un bien beau cadeau.

A nous de réfléchir à ce qu'il nous faire.

LE PRESIDENT (Se relève, réjoui)

Mais voilà qui convient à toutes nos affaires.

On va pouvoir ouvrir tous les aéroports,

Dégager tous ces gens qui bloquent les transports,

Donner quelques millions à quelques compagnies

Et nous aurons ainsi sauvé l'économie.

CUNEGONDE (froide)

Ne ferez-vous rien d'autre ?

LE PRESIDENT

                                           Si, j'ai plein d'idées

Pour finir mon mandat.

CUNEGONDE (idem)

                                            Avez-vous oublié*

Ce qu'il vient de nous dire ? Avez-vous occulté

Le sens de son discours ?

LE PRESIDENT (hypocrite)

                         Evidemment que non.

Croyez le bien, vraiment, j'ai compris la leçon.

Et je suis révolté par cette gabegie

Qui nous fit négliger ainsi l'écologie.

CUNEGONDE (Dubitative)

Je trouve votre ton un peu trop désinvolte,

O vous qu'un tel gâchis à ce point-là révolte.

LE PRESIDENT

Mais nous ferons des lois ! Nous ferons des décrets !

Nous ferons des édits ! Ce sera bien concret !

Nous ferons des autos sans polluant* moteur,

Nous ferons des avions sans un seul réacteur,

Et qui, ô grand jamais, ne saliront notre air :

Il faudra pédaler pour bien rester en l'air.

Et ce n'est qu'un exemple.

FIFI (Consterné, à part)

                                            Oh, seigneur, c'est débile !

FEFE DE BROADWAY (Enthousiasmé)

Et moi je vais pouvoir, en tant que cinéphile,

Commander plein de films qui seront tout autant

Pour notre écologie et pour le Président.

ROSIE LA TERREUR

Mais on dirait ma foi que la fumée s'éloigne.

Regardez tout là-bas : la lueur en témoigne.

Voici venir le jour et la belle lumière

Revoici le soleil dans sa beauté première !

Remercions* le ciel ! Alléluia, chantons !

DAKTARI

Je crois la vieille est folle, elle perd ses boulons.

(Sonnerie de portable. Tout le monde fouille sa combinaison. Le Président sort le sien. Brève conversation sans parole audible.)

LE PRESIDENT (Radieux)

Sa promesse est tenue. Le nuage s'en va.

Et les avions enfin redécollent là-bas.

L'Europe et le pays ont enfin retrouvé

Leur pleine liberté et nous sommes sauvés.

CUNEGONDE

Mais en remerciement, il faut, cher Président

Tenir la vôtre aussi.

LE PRESIDENT

                               Que j'en perde mes dents

Si rentré au Palais, je ne concocte pas

Quelques plans bien fumeux qui seront fort sympas.

SCARLATINA

Alors il faut partir, le bateau regagner.

Et pour que tout ceci se termine en beauté

Je propose qu'un chant de ma gorge s'élève

Pour vanter ceux qui là ont obtenu la trêve.

(Accord de guitare, dispersion immédiate des combinaisons dans des directions diverses, séisme.)

RIDEAU


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