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Réalité augmentée - la leçon de Lady Gaga

Publié le 25 avril 2010 par Christophe Benavent
Réalité augmentée - la leçon de Lady GagaTélescopage. Il y a des théoriciens de l'image actuelle, finalement fort peu, et l'on citera parmi eux André Gunthert. Mais il y a l'image aussi, et dans la foule des professionnels très peu en font de vraiment fortes. Il nous arrive parfois des images faites avec la violence du punk, l'intelligence pop et l'art du plus rare des publicitaires.
Celles de Lady Gaga et de Beyoncé y appartiennent. "Telephone", ou plutôt, le « she has no dick » qui introduit, saisit le portrait renversant d'une société qui emprisonne une personne sur 100 et fait de l'esthétique de la prison un art populaire. Ces images ne sont pas les premières et manifestement la prison est avec l'ouest, un des constituants essentiels de l'imaginaire américain. Voilà d'ailleurs qui donne au clip une étrange profondeur à un peuple épris de liberté. Il semble aussi prompt à célébrer les vastes plaines qu'à emprisonner et à tuer.
Dans l'art de l'image il y a aussi l'art du télescopage. De fausses images venant de fausses cameras de videosurveillance, de faux transexuels et de fausses femmes. De fausses publicités, et d'autre vraies. Voilà qui peut affoler aussi bien Baudrillard que Debord, ou les rasséréner. La société du spectacle est son propre simulacre, inversement aussi, et retournant encore le gant comme on retourne un préservatif, on retourne des cœurs qui n'ont plus d'endroit et d'envers, sauf l'ordre de cette chorégraphie qui fît de Broadway le lieu de toutes les parades. Après tout Lady Gaga est l'Esther Williams de l'extrême modernité.
Soyons clair. Il n'y a pas de post modernité. Il y a une nouvelle modernité, sans doute de multiples modernités, peut-être des modernités liquides, il y a sans doute une extrême modernité qui se forme dans l'exaspération de la technique. Quand la prison devient l'horizon ultime de la consommation que pouvons-nous voir encore?
L'ironie sans doute, l'agonie de la critique aussi. Juste la raison à l'œuvre de son extrême. Il y a des raisons pour tout. Et cette raison là est celle du spectacle, c'est à dire que ce qui se montre à voir a un sens pour tous, tous ont quelqu'un de proche en prison. Et tous magnifient la vie, fût-elle sous les barreaux. On y retrouve en partie l'imaginaire de Famille Royale, même si les références, et une vertu de ce film est bien d'être auto-référentiel, sont plus largement cinématographiques, pop, ou publicitaires.
Le propre de la modernité n'est pas l'exclusion, mais cette vertu d'inclure y compris ce qui par définition se situe aux marges. Sans doute y a-t-il eu de meilleures démonstrations, celle-ci est exceptionnelle. Elle appartient totalement à cet art de l'image que la publicité a développé : faire du dehors un dedans - la mode de la réalité augmentée n'en est qu'une pâle extension.
Le spectacle existe par le public. Dans ce rapport narcissique qui se forme par la magnification du soi, un extrême du romantisme, cette adoration du sujet mais qui dans son essence ne peut vivre que par sa socialité, son exigence d'inclusion. La modernité considère l'individu comme une variété sociale, elle peut être rare, elle n'est jamais unique, elle absorbe les marges car au fond elle n'accepte qu'une chose de l'individu, c'est que dans sa liberté il puisse se réduire à l'absolu d'une raison.
Revenons à l'image et à son message, d'une simplicité redoutable, fussions femme dans un univers Queer, nous sommes une raison qui mérite un spectacle. Et la force des mots ne vient pas des images, mais du statut de celles qui l'incarnent. Des stars. Juste le rêve de ceux qui survivent l'oppression. Juste une variation du maître et de l'esclave. La violence de l'image ne parvient pas à transgresser la modernité, elle lui donne des formes colorées, mais s'effondre comme le projet post-moderne se ruine dans une critique aiguë, mais impuissante, des formes que génère la modernité.
S'il fallait aller plus loin, il faudrait abandonner la forme, et reconnaître l'autre. Ce chemin serait de n'en donner aucune image. Juste admettre que l'altérité ne se fond pas à la raison, et accepter que certains mondes ne se réduisent à aucune image. Il faudra se faire aveugle et sourd, presser l'inconnu sans rien reconnaître, et faire de ce qui ne coïncide à aucune de nos catégories le centre d'une attention précise. Nous n'y sommes pas, pas encore, de regarder sans indifférence, les ombres qui traversent notre monde.
L'incroyable de ces images n'est finalement pas dans la maitrise des codes de la consommation, qu'on fait passer pour des codes culturels, mais dans leur incroyable capacité à toucher chacun de nous. Ces images sont à ce jour un des plus grands succès populaire de la TV selon Youtube.
Note :
A regarder après le clip...juste pour apprécier la profondeur historique : Let's make a sandwitch

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