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La gifle est-elle un argument ?

Publié le 26 avril 2010 par Opinion Sur Rue

La gifle est-elle un argument ?

Vous vous en souvenez peut-être, c’était en mars dernier : une conseillère principale d’éducation (CPE) d’un collège de Cugnaux, en Haute-Garonne avait été giflée par le père d’une élève au sein de l’établissement. Un mois après les faits, le père écope de deux mois de prison ferme. Au delà de ce fait divers, posons-nous la question de la valeur de la gifle.

La gifle est un acte de violence moralement éprouvant car elle porte atteinte à la dignité de celui qui la reçoit puisque portée en générale au visage, et donc à l’interface sociale, à ce qui fait notre identité en société. La gifle humilie car elle n’est pas administrée pour faire mal mais pour surprendre, pour insister sur une morale et affirmer un ascendant psychologique. Nous nous souvenons tous de la malheureuse gifle qui avait foudroyé un jeune de banlieue qui vérifiait si François avait toujours ses clés de voiture. Ce geste paternel avait régalé nos amis journalistes car elle pimentait la campagne présidentielle de 2007. Mais cet incident reste une pratique qui connait un certain succès en politique.

La première expérience de gifle se fait généralement durant nos premières années en société. Un jour, en début de repas, sur un coin de table, on lance à ces parents un “mais non putain !”, spontanément, suite au geste assassin de Papa qui a éteint le poste de télévision alors qu’il était question d’un sujet de la plus importance aux yeux d’un enfant de 7 ans, celui que nous avons tous été. La surprise est terrible, on vient de heurter un mur, celui que nos parents établissement, un des quatre murs qui régissent la vie à plusieurs et qui tente de bannir la grossièreté ouverte et gratuite mais aussi surtout impropre dans la bouche d’un enfant qui n’en connait pas vraiment les tenants et aboutissants, une mimique linguistique savamment répétée, pour montrer que lui aussi, il existe. Bref, cette gifle de Papa signifie qu’on a dépassé les bornes. Elle rappelle à l’ordre, comme une armée déboulant dans les rues de Groznyï un matin moscovite suite à une nuit de négociations ratées et sans sommeil en plus. La gifle va parfois plus vite que les mots, elle tonne, elle est un éclair que l’on a pas su prévenir, parce que Papa était fatigué ce soir-là et qu’il n’avait pas répéter cette phrase qu’il a trop souvent dite : “Et la politesse, c’est pour les cons ?”.

Parfois, l’auteur de l’agression se sent coupable, le geste est allé trop vite, incontrôlable, il est tombé sans prévenir, comme un mariage à Las Vegas. Une “Experte Maman” du site aufeminin.com déculpabilise la situation ainsi, réponse à l’appel d’une mère de famille désemparée suite à l’irréparable : ” Vous avez réagit à chaud dans une situation à laquelle vous n’étiez pas préparée, ne culpabilisez surtout pas, mais tirez la leçon de votre mésaventure : les principes sont une chose, la pratique en est une autre. S’il faut essayer de suivre les principes qu’on a choisis, il faut aussi parfois accepter d’y déroger sans remettre en cause leur efficacité : les exceptions existent dans tous les domaines”. Cette gifle-là est l’une des justices du quotidien, signe qu’autrui a dépassé les bornes, qu’une question grave est abordée, et que sur le moment, l’émetteur n’avait rien d’autre à dire ou qu’il le ne dira qu’une fois calmé, un peu plus tard. L’individu est parfois à cours d’argument ou tout simplement pas d’humeur à débattre.

L’adolescente avait désigné la CPE de son établissement comme l’auteure de la gifle qu’elle avait soi-disant reçue. Le père était donc intervenu dans le collège pour rendre la monnaie à la responsable d’éducation. Une histoire qui se termine en prison ; quand les avis divergent et que le dialogue cède la place à la gifle.

Finalement, la gifle n’est pas un argument mais interpelle le destinataire, elle est un mur de verre, une petite injustice précipitamment réparée, une barrière invisible qui nous ramène à nos priorités ou tout simplement qui incite à une interaction plus ou moins virile. Et comme le veut le vieil adage populaire : “une bonne gifle, ça remet les idées en place”.

Pour aller plus loin
Quelques traits d’esprit autour de la gifle


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