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Du nihilisme dans les sciences

Publié le 26 avril 2010 par Jeanjacques

L’épistémè d’une époque correspond à un fond de valeurs, une orientation philosophique d’ensemble au sein de laquelle se trace une ligne de démarcation où les thèses opposées s’affrontent tout en étant situées dans un même champ de possibles. Il est donc inexact de croire que « l’esprit scientifique » échapperait à la détermination de son temps et que sa prétention à l’objectivité lui conférerait un statut d’extraterritorialité, d’autonomie de ses valeurs et d’indépendance dans ses orientations.

L’époque dite post moderne est tout entière focalisée autour du rejet d’un déterminisme historique qui donnait sens et direction à l’aventure humaine, déterminisme qui correspondait à une laïcisation de l’idée monothéiste d’un destin divin de l’homme. Dans ce climat anti- métaphysique, la science se réjouit et s’épanouie de n’avoir plus de compte à rendre à une quelconque transcendance régulatrice et se pose comme la seule instance dépositaire de la certitude par la puissance de sa mathématique qui certifie l’objectivité des faits expérimentés et mesurés. L’empirisme, le culte de l’évènement qui arrive dans l’instant par lui-même sans participer à une chaîne causale, le refus de toute théorie générale englobante assimilée à une œuvre totalitaire sont les caractéristiques d’un temps qui prend l’exact contre-pied de la période précédente

L’absence tout transcendantal, de toute conception méta-physique aboutit à faire de l’homme la seule référence de la valeur et, puisque chacun est désormais libre de fixer la sienne, on retrouve circulairement la disparition de l’absolu. La relativité d’Einstein apparaît par exemple  comme la transcription sur le plan scientifique de cet humanisme post métaphysique en accordant à chaque référentiel un temps propre et non plus absolu. Cette dissémination générale est l’autre nom du Nihilisme qui n’accorde plus aucun sens supérieur à l’homme, pur produit du hasard, livré désormais au chaos, à l’aléatoire de l’évènement et qui ne saurait avoir d’autre avenir que sa disparition. La traduction sur le plan scientifique de ce nihilisme, c’est le privilège accordé au hasard sur le déterminisme, c’est de refuser à l’homme tout statut original dans la nature et qui fait de son avènement une sorte d’accident, d’erreur incompréhensible unique et difficilement reproductible. L’anti historicisme philosophique correspond dans les sciences au déni d’un projet cohérent et pour ainsi dire « volontaire » de la nature qui n’aurait pas pour finalité d’aboutir à la création d’une espèce particulièrement intelligente et puissante. La « dévalorisation » de l’humain qui sous-tend cette conception conduit à prêter à la nature un non sens radical, une totale incohérence, une absence de but, un désordre et un chaos constitutif. Le nihilisme projette sur la nature l’insignifiance supposée de l’espèce humaine en lui appliquant la philosophie d’une époque qui se conçoit sans projet, sans destin supérieur, sans absolu.

Un compromis semble cependant avoir été trouvé sous forme d’alternance supposée entre hasard et nécessité paraissant concilier déterminisme et aléas, orientation volontaire et incertitudes du devenir. Mais ce hasard qui semble pour partie gouverner la nature laisserait penser que celle-ci obéit à des lois qui n’en sont pas, qu’elles sont fluctuantes, qu’elles n’auraient aucun des caractères de la loi comme la régularité et la répétition à l’identique, bref qu’il y en aurait de deux sortes, les régulières et les aléatoires.

Si l’origine de l’humain avait été dépendante de ce jeu alterné du hasard et de la nécessité tel qu' il aurait très bien pu ne pas être, on ne saurait généraliser cette proposition à l’ensemble des situations existantes ou ayant existé dans l’infini du cosmos éternel ou par définition il est certain que se soient renouvelées les conditions propices au développement de la vie. Il serait également présomptueux d’affirmer que la nature n’a produit, dans les temps éternels qui sont les siens, un seul cas d’humanisation et qu’il est bien heureux que cela soit tombé sur notre humanité terrestre. Si donc différentes espèces d’humanoïdes sont parfaitement envisageables dans l’immensité du cosmos, on ne saurait dire que la nature n’en porte pas éternellement le projet lorsque les conditions sont réunies ni que ses lois sont soumises au hasard, mais que tout au contraire,  il existe un déterminisme cohérent, issu de la permanence des lois naturelles, qui conduisent toujours dans la même situation à produire les mêmes effets.

Si l’homme nihiliste peut parfaitement s’avouer son non sens, il n’en va pas de même pour la nature qui accompli imperturbablement son projet.


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