Red-Act aime à pratiquer une veille permanente sur les évolutions des nouvelles technologies dans la communication, mais aussi naturellement sur leur impact. C’est dans ce cadre que nous avons souhaité interroger Sandrine HILAIRE MARMILLOD, Avocat et Conseil à Strasbourg, mais aussi Correspondant Informatique et Libertés (CNIL)
Comment passe-t-on d’avocat à avocat spécialisée dans l’internet et les NTIC. Pouvez vous nous en dire plus, sur cette spécialisation ?
Sandrine HILAIRE MARMILLOD : J’ai eu la formidable opportunité de pouvoir être étudiante en droit à la prestigieuse LONDON SCHOOL OF ECONOMICS à Londres. J’y ai suivi un cours en « IT and Law » (NTIC et droit) et j’avoue que j’ai trouvé cela passionnant.
A cette époque, la matière était nouvelle et les interrogations nombreuses. J’y ai trouvé une stimulation intellectuelle jamais égalée depuis.
En rentrant en France, il était donc logique pour moi de me spécialiser dans cette matière. Un choix presque naturel même je dirais.
Parlons droit. On avait, sans doute à tort l’impression qu’Internet était un espace de totale liberté. On découvre un monde où droit des marques, droit de la presse, droit tout court et désormais jurisprudences liées au monde numérique cohabitent. Quel est l’impact de l’irruption d’internet dans les cours et les tribunaux.
Sandrine HILAIRE MARMILLOD : Il est vrai que bien souvent mes interlocuteurs ont cette fausse impression. On pense que le Web est un espace où le droit ne trouve pas à s’appliquer. Cela tient sans doute au fait qu’il n’existe pas un corpus unique de droit de l’Internet. Tantôt le droit pénal, tantôt le droit de la propriété intellectuelle et industrielle seront concernés pour ne parler que de ces deux branches du droit.
En fait, à mon sens, il faut considérer le Web non pas seulement comme une application technologique mais comme un véritable espace de vie. Il est donc tout à fait logique que le droit se soit emparé de cet espace.
L’impact sur les Tribunaux est cependant pourtant minime par rapport à la place grandissante que tient le Web dans nos vies. Certaines juridictions sont plus actives que d’autres mais cela tient plus à la présence de grandes sociétés dans leur ressort qu’à un critère purement géographique.
Je ne doute cependant pas que l’on trouve de plus en plus de tribunaux tranchant ce type de litige. La détention de fichiers pédopornographiques est un bon exemple, si je puis m’exprimer ainsi, en la matière.
Et puis, il ne faut pas oublier que peu de gens connaissent leurs droits et leurs obligations sur Internet et je constate dans l’exercice de mes fonctions de conseil que trop souvent, en amont, le conseil en droit des NTIC est occulté par les acteurs du Web. Encore beaucoup trop de clients viennent me voir lorsque le mal est fait si je puis dire. C’est dommage car en aval, la marge de manœuvre est beaucoup plus restreinte.
Il y a une véritable pédagogie à mettre en place.
On parle beaucoup d’e-réputation, de droit de la propriété, de diffamation sur Internet, mais globalement quelles sont les missions d’un avocat sur la toile ?
Sandrine HILAIRE MARMILLOD : Elles sont tout aussi variées que celle d’un avocat ne travaillant pas sur les problématiques liées au droit de l’Internet. Le Web est un véritable espace de vie et l’émergence des réseaux sociaux le démontre chaque jour.
De ce fait, les missions confiées à un avocat sont multiples et touchent de nombreuses branches du droit : droit de la presse avec la diffamation, droit pénal avec la pédopornographie, droit de la propriété intellectuelle et industrielle avec la protection des brevets ou marques, droit civil avec les problématiques liées au respect de la vie privée, droit commercial avec le parasitisme ou conformité avec la loi Informatique et Libertés pour ne citer que ces quelques exemples.
Les cas juridiques auxquels je suis confrontée sont aussi nombreux et protéiformes que possibles. L’intérêt d’avoir un avocat spécialisé dans le droit de l’Internet est justement cela. Je m’explique. Une compétence précise mais qui sous-entend plusieurs compétences. Je suis obligée d’avoir tous les angles de vues possibles et d’évaluer toutes les situations possibles. Il n’y a pas un seul et unique prisme sous lequel le cas est abordé. C’est d’ailleurs ce qui me plait dans cette matière. Sans compter l’inventivité que cela nécessite.
Comment voyez-vous l’évolution de votre métier et de vos spécialisations dans les années à venir ?
Sandrine HILAIRE MARMILLOD : Je crois que tout d’abord il y a vraiment un travail de pédagogie à faire en amont. Il faut vraiment que les acteurs du Web aient conscience qu’Internet n’est pas un espace épargné par le droit. La difficulté pour eux est que le droit de l’Internet est diffus et qu’ils ont du mal à se sentir concernés. Ils ont encore trop souvent une vision « technologique » d’Internet ce qui est loin d’être le cas.
De plus, être une avocate spécialisée dans les NTIC en province est un véritable challenge et je le vis comme tel. On me regarde parfois comme une extra-terrestre !
Ceci dit, je pense sérieusement que ce travail d’éducation fait, il sera tout à fait naturel pour un chef d’entreprise ou un particulier de venir consulter un avocat spécialisé dans le droit de l’Internet.
Il est vrai aussi que le terme « avocat » a une connotation presque dissuasive dans le sens où la plupart des gens pensent aussitôt à « tribunal ».
C’est oublier un peu vite que l’avocat a aussi une mission de conseil, conseils qu’il peut et préfère donner en amont car sa marge de manœuvre est beaucoup plus grande et son inventivité plus fortement sollicitée.
Mon but est d’éviter des procédures longues, incertaines et couteuses à mes clients en identifiant leurs besoins et en les conseillant sur leurs stratégies ou présence sur le Web avant que des infractions soient constatées.
Dans les années à venir, je pense que nous irons non pas vers une simplification du droit de l’Internet mais peut-être à un travail de compilation. Je pense que le droit de l’Internet sera de moins en moins hybride.
Enfin, je dirai que le volet Correspondant Informatique et Libertés tend pour ma part à se développer de plus en plus. Il s’agit ici pour mes clients d’être en totale conformité avec la loi Informatique et Libertés. La protection et le traitement des données personnelles est pour moi un des grands futurs enjeux du Web.
Merci
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