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L'individualisme est un humaniste (deuxième partie)

Publié le 01 décembre 2007 par Christophe Foraison
photo-DeSingly.jpg Vous vous  souvenez de la première partie ?
Pour décrypter  le lien social moderne,  François de Singly  met en avant  quatre facettes de l'individualisme.
Nous avons  vu l'individualisme citoyen (un individu abstrait, libre, doué de raison, qui s'est  émancipé des tutelles traditionnelles) et l'individualisme relationnel (un individu à la quête de soi dans sa relation avec les autres). Aujourd'hui, nous prolongerons la réflexion avec l'individualisme compétitif.

L'individualisme compétitif.

Pour François de Singly, la deuxième modernité (qui débute à partir des années 1960) va donner naissance à un nouveau type de concurrence qui va prendre une forme individualiste.
En effet, la rivalité entre les individus et groupes sociaux existe dans toute société. Une société de castes ou d'ordres sont basé sur ce que François de  Singly appelle un "holisme compétitif": la rivalité est établie entre groupes sociaux qui déterminent les comportements individuels.

Mais de nouvelles conditions sont apparues au cours des années 1960, elles vont inciter chaque individu, avec ses ressources personnelles, à être en concurrence avec d'autres individus. C'est l'individualisme compétitif.
Quelles sont ces nouvelles conditions ?
Pour François de Singly, c'est la massification scolaire qui débute dans les années 1960 : "Auparavant, l’école de Jules Ferry servait surtout à créer une culture commune à tous les petits français afin de renforcer le sentiment d’appartenance à la Nation, seule forme de communauté légitime (…) Le diplôme devient progressivement le marqueur d’une compétence personnelle (mélange d’intelligence et d’implication personnelle dans le travail), tout en étant standardisé (…) L’école est pensée comme « libératrice », détachant les enfants de leur origine pour ne considérer que leurs aptitudes (…) Sous le règne de l’individualisme, les hommes et les femmes ne sont plus officiellement classés selon leur origine de naissance, ils doivent ou devraient –en raison du principe de l’égalité des chances- être reconnus par leur valeur propre."   Bacheliers.gif   Source: L'état de l'école, DEP
Ainsi, cet individualisme compétitif est basé sur le principe méritocratique qui est une nouvelle manière de légitimer les inégalités.
François de Singly voit un autre signe de l'existence de cette facette: les compétitions sportives: "Qu’allons-nous voir quand nous assistons à une compétition sportive ?
Nous allons voir comment un homme pareil à un autre, qui n’est rien à priori que notre semblable devient quelqu’un par son seul mérite. Le dopage devient un équivalent de l’héritage en tant que ressource non légitime, venant de l’extérieur et non de l’intérieur."
 
Si vous avez regardé la vidéo du billet précédent sur les 3 étapes d'une éducation 2.0, on voit que cette idée de compétition est reformulée pour la rendre compatible, légitime avec les valeurs ambiantes: à l'école, il s'agit non pas d'une compétition contre les autres , mais d'une compétition avec soi-même, pour s'accomplir soi-même, voire se dépasser... Le parallèle avec le sport parait relativement fructueux.
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J'ajoute que si on combine l'individualisme relationnel avec l'individualisme compétitif, on comprend mieux les succès d'audience des émissions de télé-réalité.
On demande aux candidats de nous révéler leur être intime à travers leur relation avec les autres,  à travers la chanson ou des épreuves sportives voire amoureuses. Chaque fois, le leitmotiv est le même: que ce soit les profs ou les artistes invités, "le meilleur conseil que je puisse te donner, c'est d'être toi-même" ^^
Cette quête relationnelle (cela ne vous rappelle pas le fameux slogan Be Yourself ?) se déroule dans un cadre compétitif. Il faut, en effet, pour légitimer cette compétition, mériter sa place (les journaux people se chargeant de dévoiler les "tricheurs": ceux qui connaissaient d'autres personnes du milieu pour réussir leur casting etc...).
Je me rappelle que je me suis souvent interrogé quant au succès de ces émissions. Par exemple, je trouvais très paradoxal que le métier d'enseignant soit bousculé dans la réalité et parallèlement on a jamais autant mis en scène dans la télé-réalité les professeurs (dont certains ont largement contribué à faire le succès de l'émission, je pense à "La Nouvelle Star" sur M6).
Autre paradoxe: les élèves me demandaient de ne plus dire les notes devant toute la classe (j'ai toujours été surpris par cette demande), alors qu'on a jamais autant étalé des notes dans les médias. Les films, les albums, les jeux vidéo, les candidats, tous sont notés, en direct, et en public ^^. Vous avez vu les critères de notation à la Star Académy version 2007 ? C'est étonnant... quand je pense également aux contraintes auxquelles les élèves étaient prêts à se soumettre dans ces émissions ;)
On peut là aussi, il me semble, parler d'une mise en scène de cet individualisme compétitif.
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Et un...et deux...et trois.... jingle.... Attention, cela va très vite ( C'est du lyrical ghetto
Tu peux l'bloquer sur mes mots / Si t'as pas suivi mon flow / Oué c'est tellement speed que j'suis d'jà à San remo)

Si tu cherches pas la gagne
Ca s'ra l'affaire qui t'trouve
Ca s'ra la même pour tous
On vit tous comme des oufs
Si tu cherches pas la gagne
Et si tu cherches pas la gagne
Ca s'ra la même pour tous
On veut tous plus de ouss
Alors, si c'est comme cela, moi je suis plutôt partisan de...

Le prochain article apportera des éléments de réponse face à ces attitudes...^^
En attendant, comme on dit...
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