La langue arabe s’est enrichie ces dernières années d’un substantif inédit : mithli (مثلي). Forgé sur la racine M-TH-L, qui évoque l’idée de ressemblance ou encore de similarité, mithli – terme “politiquement correct” pour désigner l’homosexualité – remplace avantageusement l’injurieux lûti (لوطي : “pédé”, par référence au Loth biblique).
Mais il faudra encore un peu de temps pour que ce nouveau mot soit intégré par les dictionnaires, et même par l’ensemble des locuteurs. Ainsi, pour la récente traduction arabe d’un guide anglosaxon pour voyageurs gays, le traducteur, pas vraiment très bien inspiré, a choisi l’expression jusqu’alors courante de “déviance sexuelle” (shudhudh jinsî : الشذوذ الجنسي). Traduit littéralement, Gay travels in the Muslim World est ainsi devenu, pour la librairie arabophone, “Le pervers voyage dans le monde musulman” !…
Dans l’article (en anglais) où elle s’amuse de cette maladresse, Alexandra Sandels signale que le mot, au féminin, est également utilisé par les femmes, mithliyya remplaçant alors le très classique – en terme de vocabulaire s’entend – “lesbienne” (sihâqiyya سحاقية). L’auteure renvoie en lien à un très utile tableau – qui intéressera (au moins) les traducteurs et traductrices – de toutes les équivalences de termes entre l’anglais et l’arabe pour désigner les multiples choix possibles dans les relations sexuelles.
Si le vocabulaire arabe évolue, c’est que les mœurs le font aussi ! Certes, on trouve encore en Egypte une association des “Avocats sans entraves” (محامون بلا قيود) pour réclamer l’interdiction des très immorales Mille et Une Nuits (brève en arabe : cette histoire est d’ailleurs un plat réchauffé, car il avait déjà été servi au temps de Sadate). Mais, dans les faits, les avocats des différentes formes de sexualité homosexuelle trouvent de plus en plus un espace où s’exprimer publiquement.
C’est sur la Toile que l’allosexualité (ou l’altersexualité) arabe a trouvé le plus rapidement un lieu pour s’exprimer. Au Liban plus rapidement qu’ailleurs où après les sites de rencontre (voir cet article de Chirine Abou Chakra) et celui du mouvement Helem ouvert en 2004 (voir aussi cet article dans Al-Akhbar) a été créé Beksoos, le premier Queer Arab Magazine émanant de l’association Meem (voir cet article en français).
Toujours au Liban, et dans un registre bien moins militant et nettement plus glamour, il faut mentionner également la parution récente de Jasad (Corps), un trimestriel dédié aux arts, sciences et littératures du corps, dirigé par la poétesse Joumana Haddad (entretien portrait dans The Age).
Mais il ne faudrait pas croire que les “mots des homos arabes” ne s’impriment qu’au Liban. En Egypte, le journaliste Mustafa Fathi a fait scandale en publiant il y a un peu moins d’un an Balad al-walad, un livre qui décrit la vie des homosexuels dans son pays. Et le Maroc n’est pas en reste avec la publication, le 1er avril dernier, de Mithly. Tirage à 200 exemplaires, distribués très discrètement, mais tout de même une première pour ce qui est de la presse arabe.Illustration du haut : أنا مش شاذ، أمّك شاذّة. أنا مثلي (J’suis pas bizarre. Ta mère ! J’suis homo). Bombage sur les murs de l’AUB à Beyrouth en mars 2008. Voir cet article dans Al-Akhbar).