Mon kriss a cinq siècles. Il me représente depuis quelque temps déjà. C'est ainsi. II m'a dit que je pouvais m'effacer derrière lui. Quand il m'a laissé le choisir il y a vingt ans dans cette boutique cachée, en tout cas inaccessible au grand public, du quartier de Kota Gede à Yogyakarta, boutique qui en fait n'en était pas une, j'ai bien senti qu'il se passait quelque chose d'étrange. Pourquoi avais-je été emmené là ? Par quelle force ? Par qui, en vérité ?
Un kriss ce n'est pas une arme. Ce n'est pas un objet de collection. Ce n'est pas un souvenir touristique que l'on ramène et que l'on accrochera sur un mur. Je parle d'un vrai kriss. Un kriss dans lequel le forgeron a mêlé à l'acier des fragments de lapis ex coelis, un kriss qui a été forgé en conscience, en force magique, en beauté et en vérité.
Quand il y a trouvailles, épousailles, entre un kriss et son possesseur, pas de divorce possible. Un kriss partage la vie de son détenteur. Toute la vie. Il partage son âme, son esprit.
Il n'accapare rien, il ne possède rien, il ne vampirise rien, rassurez-vous. Il est là, c'est tout, dans son tout puissant silence créateur. Dans ses courbes impaires et parfaites, dans son acier venu du ciel. Un kriss sait tout du ciel et de la Terre. Il sait tout des quatre éléments. Il sait tout du magnétisme.
Il ne convient pas trop de parler d'un kriss. Je voulais juste glisser quelques mots, car peut-être, je le pressens, quelqu'un qui me lira, fera cette rencontre prochainement. Il faut savoir alors. Mon kriss m'autorise aujourd'hui à le photographier pour la première fois, à le publier. Je le remercie de vous faire ce cadeau.