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Grèce: le premier domino tombe

Publié le 28 avril 2010 par Objectifliberte

Dominos Ca y est, la Grèce est en quasi cessation de paiement, et les médias se demandent comment 15 autres canards boiteux pourraient emprunter de l'argent qu'il n'ont pas pour permettre de maintenir la Grèce en Survie artificielle pendant 2 à 8 mois de plus. Pitoyable.
Je n'aime pas forcément jouer au jeu du "je l'avais bien dit", mais pourquoi réécrire ce que j'ai  déjà publié ? Tout ce que les libéraux anticipaient depuis septembre 2008 est en train de se produire. Il y a un an et demi, les économistes "pour la télévision" nous disaient avec l'aplomb qui donne contenance aux charlatans néo-keynesiens de base que l'Euro était solide comme le roc et qu'un état ne pouvait pas faire faillite. J'ai reçu quelques mels courroucés et des noms d'oiseaux sur certains forums pour avoir osé me demander début 2009 si l'Euro pouvait exploser.
Aujourd'hui, les scénarios que j'évoquais il y a un an sont tous décortiqués par la "grande presse".
J'ai juste, comme d'habitude, pensé que ça arriverait plus vite (par exemple, je pensais que la Grèce tomberait dès 2009). Rétrospective:
4 novembre 2008 : "Le plus dur est devant nous"

"Par conséquent, la compétition des états endettés pour attirer les faveurs des détenteurs de capitaux va être plus rude. Et le phénomène que j’anticipais en Août est en train de se produire : cette compétition rend les prêteurs plus sélectifs et tend à remonter la "prime de risque" demandée aux emprunteurs considérés comme un peu moins fiables que les meilleurs.

(...)

La crise a permis aux états drogués à la dette de s’offrir en septembre un énorme shoot d’héroïne, pardon, de crédit, à bon compte, mais la fête semble finie.

(...)

Concrètement, cela veut dire que lorsqu’une "vieille" tranche d'emprunt d’état va arriver à échéance, l’état débiteur, s’il ne réduit pas sa dette par une politique d’excédents budgétaires, devra la remplacer par un nouvel emprunt au moins équivalent qui risque de lui coûter plus cher, voire beaucoup plus cher. Pire encore, s’il accroît ses déficits, les nouvelles tranches émises seront  plus importante que celles arrivant à maturité: tout déficit ne peut être financé que par de nouveaux emprunts. L’intérêt qu’elles feront donc supporter aux contribuables n’en sera que plus élevé.

De fait, les intérêts payés par les états les moins bien jugés par les investisseurs vont fortement augmenter.

Les taux grecs à 10 ans sont au dessus de 10%, et les taux à deux ans explosent les plafonds (le marché parie sur une restructuration des dettes à court terme...). Bon, ce n'était pas très dur à imaginer.


22 janvier 2009 : "L'euro peut il exploser" ?


Quels sont les scénarios possibles pour l'Euro ?

Que se passerait-il si la Grèce  -- par exemple, mais le Portugal, l'Irlande, l'Espagne (qui vient d'être dégradée par S&P), l'Italie, et pourquoi pas la France, pourraient être intégrés à la démonstration --, du fait de la méfiance croissante des prêteurs à son encontre, venait à ne plus trouver assez de fonds pour refinancer sa dette ? Plusieurs solutions s'offrent à elle.

Scénario 1 : La première, la plus douloureuse politiquement à court terme, consiste à se déclarer en défaut de paiement, et à renégocier sa dette avec ses créanciers, avec ou sans l'aide du FMI. En contrepartie, le gouvernement grec devra dégraisser ses effectifs, réduire la paie de ses fonctionnaires, interrompre des contrats, vendre des actifs pour rembourser ses créanciers... Ou alors déclarer une banqueroute sur une fraction de sa dette, ce qui signifie une fermeture de l'accès aux marchés de capitaux tant que sa situation intérieure n'est pas assainie et que les créanciers ne revoient pas leur argent, sans parler d'un risque de  faillite de nombreux investisseurs institutionnels locaux, fortement créanciers (souvent de par la loi) en papier de l'état national.

Scénario 2 : Autrefois, la Grèce aurait eu une échappatoire à cette issue terrible: spolier ses créanciers en laissant dévaluer la Drachme (le drachme ?), c'est à dire en faisant racheter la dette de l'état grec par sa banque centrale qui aurait remboursé en imprimant des billets. Tant de signes monétaires mis en circulation sans création de valeur en contrepartie diviserait considérablement la valeur unitaire de la monnaie. Cela aurait d'un coup considérablement renchéri le coût des produits importés, amputé d'autant le pouvoir d'achat des grecs, cela aurait relancé l'inflation dans la péninsule, mais aurait permis de conserver l'illusion d'un remboursement de la dette nationale, avec une  monnaie ayant perdu une grande partie de sa valeur. Et la vie continuerait...

Dans la zone Euro, cela est fort heureusement impossible, pour l'instant: les statuts de la BCE interdisent tout "bailout" inflationniste, en rachetant la dette de pays membres insolvables. Et l'on peut compter sur les allemands pour empêcher à tout prix que la monnaie des vertueux teutons ne soit dépréciée pour faire plaisir aux indisciplinés héllènes.

Scénario 2 bis : Voilà qui fait dire à certains que des pays comme la Grèce pourraient précipitamment sortir de l'Euro, voire en être expulsés, et revenir à la Drachme, qu'ils pourraient alors dévaluer, revenant de fait au scénario 2.

Qu'il me soit permis, toutefois, de douter de la faisabilité de ce scénario. Un changement de monnaie est une affaire difficile, préparé de longue date, je vois mal la Grèce répétant l'opération inverse de celle effectuée il y a quelques années en quelques semaines, dans la précipitation et sous un risque constant de faillite.

Ce qui condamnerait la Grèce au scénario 1, c'est à dire peu ou prou celui que vit la Californie en ce moment.

A moins que...

Scénario 3 : imaginons que tous les pays méditerranéens de la zone Euro, plus l'Irlande, soient au bord de la banqueroute. Au train où vont les sauvetages de banques, de constructeurs automobile et de secteurs d'activité en faillite, rien de ceci n'est totalement impensable sous deux ans (à moins que ce ne soit deux mois, en ce moment, faire du timing prévisionnel est hasardeux). Qui l'eut cru il y a quelques mois ? enfin...

Dans ce cas, la pression politique pour changer les statuts de la BCE, pour la contraindre à racheter les dettes des états en faillite, et la rembourser en euro-de-singe, en fausse monnaie légale, sera énorme. Le scénario 3 reviendrait à étendre à toute la zone Euro le scénario envisagé en 2 pour un seul pays.

Mais... il y a un mais, me direz vous.

Scénario 3 bis: dans ce cas, les pays les plus vertueux ne seraient ils pas tentés de sortir de l'Euro et de revenir à leur Deutschmark ou similaire, géré vertueusement, pour éviter la débâcle générale ? Autrement dit, au lieu de voir des pays quitter l'Euro par le bas comme dans le scénario 2bis, ne verrait-on pas des pays quitter l'Euro "par le haut" ?

Là encore, le scénario me paraît improbable, car ni l'Allemagne, le Benelux ou le Danemark ne peuvent apparaître comme des modèles de vertu en ce moment. Eux aussi ont dû (enfin, ont cru devoir) "sauver" des banques en faillite, ont dû financer ou garantir des établissements très mal en point.

Ajoutons que la mondialisation des mouvements de capitaux ne laissera pas indemnes leurs banques déjà fortement touchées si les finances publiques de pays comme l'Espagne ou la France partent en vrille. Et que leurs gouvernements, engagés dans la folie "relanciste", seront eux même en proie à de très grandes difficultés.

Alors gageons que l'Allemagne, le Danemark, le Benelux, ne résisteront que mollement à la volonté politique croissante de l'union des états en détresse financière de reprendre la main sur la BCE, dont ils sont actionnaires, dussent-ils marcher sur la tête de Jean-Claude Trichet.

Par conséquent, il parait tout à fait possible qu'un rachat massif par les états de créances privées insolvables, suivies d'un rachat massif de dettes publiques par la BCE, en billets imprimés (en fait, créés électroniquement) sans valeur créée en contrepartie, se produise dans les quelques années à venir. Et là, l'inflation à deux chiffres, que l'on croyait enterrée dans les tréfonds de l'inconscient collectif des années 70, reviendra au galop. Vous craignez la déflation ? Attendez de redécouvrir l'inflation, et vous saurez que vos peurs n'étaient pas les bonnes ! L'Euro sera "sauvé" en apparence, mais à quel prix pour les euro-prisonniers ?

Certains affirmeront que cette hypothèse contredit celle d'une déflation longue, telle que défendue par exemple par Loïc Abadie, l'excellent analyste de Tropical Bear. Pas forcément. Il est normal que la contraction présente du crédit, donc de la "monnaie de crédit", favorise une tendance baissière des prix actuellement. Mais lorsque les sommes créées par jeu d'écriture dans les comptes des banques par la BCE commenceront à ressortir des comptes, et que le rachat de dettes publiques par les banques centrales commencera à prendre de l'ampleur, si mon analyse est bonne, alors cette tendance s'inversera. Bien malin celui qui pourra dire avec certitude "quand".

Tiens, je lis aujourd'hui dans l'express :

Nombreux sont ceux, outre-Rhin, qui regrettent le mark de naguère. Ils s'interrogent sur l'utilité de venir en aide à la Grèce et réclament de pouvoir exclure les mauvais élèves de la zone euro.

L'Allemagne va-t-elle devoir lâcher l'euro pour revenir au mark ?

Ce scénario n'aurait rien d'irréaliste si l'on en croit quatre experts - deux économistes, un spécialiste de droit public et un ancien membre du directoire de la banque centrale allemande - qui ont décidé de porter plainte devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe si le Bundestag vote une aide à la Grèce.


Je ne sais pas si cela va finalement se produire, mais on ne passe plus pour un dingue quand on en parle...
Ah au fait, j'avais évoqué un scénario 4 en 2009, en regrettant qu'il soit politiquement irréaliste:

A moins qu'un scénario 4 ?... allez, rêvons un peu.
Ah, le scénario 4, qui serait à l'Europe ce que le plan C aurait été à la constitution Européenne. Vous en rêvez ? Les politiciens ne le feront pas, mais abordons le tout de même:

Les gouvernements européens, ayant consulté Charles Gave, Alain Madelin et Vincent Bénard -- mes tarifs sont disponibles sur demande spéciale par mel ;-)) --, se rendent compte que leurs folies budgétaires ne peuvent durer, et bravant leurs syndicats, leurs jeunesses d'extrême gauche prêtes à s'enflammer et leurs électeurs, se lancent de façon coordonnée dans un plan drastique de réduction des dépenses publiques et de baisse des impôts concomitantes, en ciblant les impôts les plus pénalisants pour la formation de capital et la rémunération du succès entrepreneurial. En agissant ainsi AVANT la débâcle budgétaire, ils rassurent les marchés, et continuent de trouver des prêteurs pour refinancer leur ancienne dette, qu'ils tendent à réduire. La crise qui s'ensuit est dure, mais plus courte, et le rebond des économies dès 2011-2012 est fulgurant.
(...) Et les vaches se mettront à voler.
Bon, je suis injuste avec les états. En Lettonie, le gouvernement s'apprête à réduire de 40% le nombre de fonctionnaires et de 40% la paie de ceux qui restent.
Et les grecs ont beau manifester dans les rues, il leur arrivera la même chose. Et aux californiens, aux espagnols, aux anglais, aux français aussi, peut être pas à -40%, mais la réduction du niveau de vie du secteur public est inévitable.
Le welfare state tentaculaire est en train de mourir.
Bon, pour finir la séquence rétrospective auto-satisfaite:
octobre 2004, "le dérapage de nos finances publiques nous emmène droit dans le mur"

Il est à noter que les dépenses sociales (incluant l'éducation**) représentent 63% du total, que le pourcentage lié au volet "retraites" explose, et continuera d'exploser malgré les réformes Fillon (qui ne solutionnent qu'un tiers du déficit à l'échelon 2020…), que le volet "charge de la dette" (ligne n°5) ne peut qu'augmenter car la dette augmente, donc les intérêts augmentent mécaniquement. De surcroît, les taux d'intérêt historiquement bas que nous connaissons pourraient ne pas durer éternellement si les risques liés au manque de provisions des systèmes de retraites des principaux pays européens venaient à rendre les investisseurs méfiants, ou pour toute autre raison. Encore une source d'inflation des dépenses non maîtrisable.

Il s'ensuit que, sauf inflexion politique majeure, les impôts et autres prélèvements ne peuvent qu'augmenter, ce qui sera le cas en 2005, les baisses d'impôts directs étant inférieures aux hausses de charge prévues. D'autre part, la dépense régalienne sera progressivement réduite à la portion congrue, ce qui accroîtra les désordres liés à la délinquance, et donc entraînera une moindre garantie des droits de propriété, donc une méfiance croissante des investisseurs, donc des pertes de croissance, donc des difficultés financières croissantes pour l'état... et ainsi de suite.

Bref, si nous ne changeons pas rapidement de cap, ce cercle vicieux nous emmènera droit dans le mur.

Vers l'éclatement de la bulle sociale ?

(...) pratiquement tous les pays, à l'exception des USA, ont connu dans les trente dernières années des épisodes de dépense publique excessive. Les statistiques montrent que pour tous ces pays, lorsque la dépense publique s'est trouvée en phase croissante au delà d'un seuil critique compris entre 45 et 55%, cela a correspondu à un début d'emballement des dépenses sociales et des déficits publics risquant de menacer les finances de la nation.

La France se situe clairement au seuil d'une phase d'emballement incontrôlable de ses dépenses publiques. Un pays d'Europe a connu les affres de cette situation et a connu une quasi banqueroute en 1993, avant d'entamer un redressement long et difficile.

Il s'agit de la Suède, l'icône sociale démocrate par excellence. Ce pays a franchi durablement la barre d'une dépense supérieure à 55% du PIB vers 1980 et n'a pas réussi au début des années 90 à contrôler l'éclatement d'une sorte de "bulle sociale": Entre 1990 et 1993, le PIB chuta de 6%, le chômage passa de 3 à 8%, les faillites se multiplièrent. En 1993, les dépenses ont atteint 67% du PIB et le déficit public annuel… 12% ! Le gouvernement dut emprunter à des taux courts de plus de 60% (!) pendant quelques jours pour couvrir ses difficultés de trésorerie et défendre sa monnaie, avant de jeter l'éponge et laisser filer la couronne suédoise qui fut sévèrement dévaluée, obérant fortement le pouvoir d'achat de tous les Suédois.

Depuis, la Suède a entrepris des réformes structurelles de fond visant à assainir ses finances. Sans pouvoir passer pour un modèle de libéralisme (la dépense publique y reste élevée), elle a privatisé tout ce qui était privatisable (poste, transports, électricité, etc…), a contraint l'école publique à accepter une gestion de type privé, et a (quoique insuffisamment selon de nombreux observateurs) réformé son système de santé en y associant plus largement le secteur privé. La garantie de l'emploi des fonctionnaires à disparu, l'organigramme administratif a été simplifié, la traque aux gaspillages provoque régulièrement des changements profonds au sein des administrations restantes.
La Suède a connu notre futur. A une seule exception près: elle pouvait dévaluer la couronne, elle ! Et au début du millénaire, les suédois ont été assez intelligents pour rejeter l'Euro par référendum.
Et que va-t-il advenir maintenant ? Je laisse la parole à Stéphane Montabert, qui vient de changer l'adresse de son blog, et qui publiait ce matin :
"Chronique du désastre qui s'annonce":

Les récentes négociations entamées avec le FMI laissent entendre une aide globale de quelque 45 milliards d’euros pour cette année. Mais l'accord pourrait courir sur trois ans, bien que les montants éventuels pour les années suivantes n’aient pas été fixés. Rien que pour 2010, compte tenu du ralentissement compréhensible de l'économie grecque, ces milliards d'euros suffiront à peine. Et il faudra encore verser de l'argent en 2011, en 2012, et peut-être plus encore jusqu'à ce que la Grèce revienne à une meilleure forme financière. On n'en est même pas aux prémisses.

Ces aides vont diluer le risque grec dans les autres pays européens. Les taux d'intérêt portugais, espagnols, irlandais et même italiens ont commencé à monter. C'est le principe des vases communicants. La crise grecque s'étendra à l'Europe entière, par le sud. Comment vont faire le FMI et Mme Merkel lorsqu'il faudra desserrer les cordons de la bourse pour aider le Portugal et l'Espagne, en plus de la Grèce?

Aider la Grèce revient à remettre à plus tard la réforme de la Grèce. Les atermoiements politiques des leaders de l'Europe prouvent que l'élite politique du continent n'est pas à la mesure de l'enjeu. Les égoïsmes nationaux, les rêves utopiques d'intégration européenne et des principes économiques défaillants garantissent que la crise ne sera pas jugulée. Alors que le gouvernement grec pourrait se lancer dans une faillite douloureuse, mais courageuse et menée en bon ordre, il préfère gesticuler pour trouver de l'argent frais.

La crise va donc perdurer, s'étendre et gagner en intensité.

Au fur et à mesure que les semaines passeront, d'autres pays européens vont étudier les possibilités offertes par le FMI et leurs autres partenaires de se mettre "a l'abri" des marchés financiers et de leur "spéculation". Les méchants marchés financiers vont être allègrement peints en noir. Jusqu'au moment où même l'Allemagne n'en pourra plus. La cessation de paiement arrivera donc, et touchera plusieurs pays de la zone euro en même temps. Plus elle sera tardive, plus elle sera grave.

A ce moment là, l'euro en tant que monnaie unique aura vécu. L'illusion de l'Europe politique aura disparu depuis longtemps.


Quant à la paix civile...
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