Interview sur les effets de la Glocalisation sur la Communication
Que pensez-vous de la Glocalisation en matière de Communication? (penser la communication de façon global et international et agir localement de manière adaptée et différenciée)
La glocalisation est un compromis entre le local et le global qui consiste à avoir une stratégie globale et à la mettre en œuvre en l’adaptant aux conditions locales. C'est mixer les variables stratégiques globales et locales, comme le fait la marque Honda, par exemple. Une des décisions à laquelle l’entreprise est confrontée est l’adaptation aux marchés. L’entreprise doit-elle adopter une stratégie locale ou globale ? L’internationalisation des marchés, la multiplication des échanges économiques, culturels et touristiques amènent de plus en plus les entreprises sur d’autres marchés que le marché national. Face à la diversité des cultures et des consommateurs, l’entreprise doit réfléchir sur ses plans d’actions commerciales, sur ses techniques de vente et, plus globalement, sur son marketing et sa communication.
Penser la communication de façon global et international et agir localement de manière adaptée et différenciée, c'est tout le principe du développement durable, selon la célèbre formule de René Dubos : « Penser global et agir local ». C'est une tendance d'actualité en accord avec les préoccupations écologiques actuelles dans les sociétés mondiales.
Dans toutes actions de communication, il faut tenir compte du fait que les comportements s’internationalisent et l'on assiste à une homogénéisation de leurs comportements sur l’ensemble des pays ou sur certains groupes de pays. On voit également émerger de nouveaux segments de consommateurs regroupant des créneaux nationaux peu importants mais tous identiques au niveau international. Les échanges économiques, touristiques et culturels se sont développés. L’importance de ces échanges entre pays entraîne une banalisation des comportements. Les déplacements entraînent un apprentissage à d’autres comportements, d’autres attitudes, d’autres produits, d’autres consommations ou modes de consommation. cette multiplicité des échanges banalise les particularités locales et uniformise les situations nationales.
Glocaliser sa communication permet à une marque de s'adapter aux différents niveaux de la culture du pays concerné, de la culture locale à la culture universelle. Suivant le niveau culturel inclus dans le message, ce dernier pourra ou non être exporté, donner ou non lieu à un message « universel ».
L’une des conséquences des cultures communes à plusieurs pays permet d’envisager la possibilité d’une segmentation transnationale. Certaines entreprise intègrent constatent cette segmentation transnationale dans leur marketing : par exemple le marché de stylo haut de gamme se segmente en Europe en fonction du caractère moderne ou conservateur du consommateur et non pas en fonction de son origine géographique.
Glocaliser son marketing ou sa communication est une réponse à la fidélisation des voyageurs et touristes : elle permet d’éviter tout risque de confusion. Le touriste reconnaît une marque qu'il connait et apprécie (ou pas dans son pays d'origine). En effet, il ne faut pas que la disparité des campagnes entraîne des problèmes de perception des positionnements par certains distributeurs ou consommateurs amenés à se déplacer pour leur travail ou leur loisir.
Pensez-vous que cela est réalisable ?
Bien sûr que c'est réalisable ! Il suffit de mettre en place des stratégies internationales tout en tenant compte des spécificités locales. Les produits actuels répondent un ensemble de besoins commun à l’ensemble des êtres humains : être en bonne santé, se nourrir, se vêtir…D’autres besoins - qui correspondent à certains types de produits nouveaux - sont universels car ils sont déconnectés de l’histoire culturelle des différents pays. Ce sont des produits nouveaux fondés sur une technologie moderne comme l'I Phone, l'I Pad, le note book, le net book…. Ces produits représentent un plus objectif dans le monde entier au même moment. Ces produits sont proposés dans tous les pays au même instant avec le même argumentaire, leur image ne peut être influencée par des campagnes locales. Ajouté à cela, l’attirance des consommateurs pour les prix bas qui impose à l'entreprise d'opter pour des productions mondiales identiques.
La glocalisation permet d'avoir une cohérence parfaite avec chaque marché national.
Opter pour la glocalisation de la communication peut permettre, à l'entreprise, dans certaines conditions, d'une part, de faire des économies d’échelles - principalement au niveau de la politique de produit, les coûts d’adaptation des produits pays par pays étant élevés - et de part l'augmentation des ventes qu'elle génère. D'autre part, de réduire les coûts de production, en raison d’une main d’œuvre meilleure marché, d’une proximité des ressources naturelles, d’avantages fiscaux, financiers ou d’équipement…Et enfin, de trouver des marchés extérieurs lorsque les marchés nationaux sont limités et que la croissance de la production et de l’entreprise rend nécessaire ce type de stratégie. Ce qui assuree l’indépendance ou la survie de l’entreprise : ainsi, les risques sont répartis entre différents pays et cela réduit les risques d’incertitude
Par ailleurs, la synergie entre marchés permet de maximiser l’impact des stratégies marketing. Ce qui améliore la démarche marketing et de communication en se rapprochant des marchés ou en adaptant ses produits.
L'entreprise actuelle, d'autant plus si elle est un groupe, doit faire face à la mondialisation : en maintenant une situation de force ou en raison du prestige.
En fin de compte, la glocalisation peut être synonyme de gain de temps.
Quelles sont les difficultés que cela représente?
Tout d'abord, il existe des contraintes législatives, des différences juridiques importantes d’un pays à l’autre. Par exemple, il faut tenir compte de la législation en terme de publicité. Certains produits totalement interdits de publicité. Pour d'autres la publicité est autorisée mais fortement réglementée (au niveau des médias utilisés ou au niveau des messages (mentions obligatoire par exemple)).
En outre, le produit n’est pas forcément dans la même phase du cycle de vie d’un pays à l’autre.
Ensuite, il faut veiller à ne pas manquer d’adaptater la stratégie à un marché : ce risque peut se traduire par un produit ne correspondant pas aux attentes des consommateurs, par un packaging ou une promotion inadéquate, par un prix mal étudié…Ce qui entraine pour conséquence direct le manque de sécurité des stratégies glocalisées.
Enfin, il faut tenir compte de l’influence de la culture locale sur le comportement et les réactions des consommateurs ainsi que des spécificités des marchés locaux (principalement en terme de distribution et de concurrence) et de l’importance de l‘image des produits dans le processus d’achat au détriment du prix (même s’il est le plus bas du marché). La connaissance de l’environnement est essentielle dans ce type de stratégie. Il existe des différences socioculturelles entre pays. Méconnaître l’environnement socioculturel d’un marché ciblé est source d’erreur. Il convient d’en appréhender l’essentiel principalement en relation avec le produit concerné et la clientèle ciblée. Les coutumes nationales, par exemple, qui sont une part importante de la culture locale. Connaître l’environnement culturel d’un marché c’est, en quelque sorte, faire le catalogue des particularités, des désirs, des attentes, des comportements des consommateurs des différents pays. Par exemple, les Hollandais sont très sensibles aux argumentations techniques, à l’explication de la qualité des produits et aux services proposés. Les Allemands eux sont demandeurs d’informations. Le consommateur Italien ignore l’origine nationale des produits.
Toutes ces informations sont intéressantes pour la construction de messages publicitaires et le manquement à l’un de ces comportements ou à l’ une de ces coutumes implique l’échec immédiat de la campagne de publicité. Par exemple, la création d’une campagne pour un marché spécifique implique : un respect de la législation, de la déontologie et des règlements nationaux sans risque d’erreurs ; une exploitation optimale de la situation médiatique locale ; de langages des signes et des référents parfaitement compris par la cible ; une réponse en adéquation avec les attentes des consommateurs locaux ; une utilisation des phénomènes culturels et artistiques locaux dans la création et le média-planning ; une écoute des organisations locales de consommateurs et de leur préoccupation et de leur orientation particulière ; l’utilisation d’un style publicitaire national (humour en Angleterre, informatif en Allemagne..) ; le recours à des vedettes locales (acteurs chanteurs dans les messages…)
Quelles sont les expériences de réussite dans cette approche?
« Glocaliser » sa communication permet de tenir compte des spécificités locales. Par exemple, dans les années 60, Esso a un slogan : « Put a tiger in your tank » (qui signifie littérallement « mettez un tigre dans votre réservoir »). En France ce slogan est devenu : « mettez un tigre dans votre moteur ».
D'autres marques comme Coca Cola ou Mars, pour des raisons d'image mondiale s’orientent vers des marques mondiales et des images uniformes quel que soit le pays considéré. Cette stratégie, comme celle de Beneton par exemple, permet une grande efficacité commerciale puisque l’expérience de chaque pays contribue à l’amélioration des plans marketing créant une synergie entre tous les marchés-cibles.
Que conseillez-vous aux Entreprises pour Glocaliser leur Communication?
Toute entreprise peut glocaliser sa communication. Cependant, il faut noter que la culture spécifique de l’entreprise, le type et l’origine du personnel, l’organisation interne mise en place, l’influence des filiales sur le siège social…ont des influences sur le choix relatif à ce niveau.
On peut classer en quatre groupes les types de culture d’entreprise à l’international :
L’entreprise dite ethnocentrique : qui adopte une attitude fortement liée au contexte national d’origine, aux habitudes de pensée, aux mentalités et préférences nationales du pays d’origine. Elle optera pour la standardisation du marketing considérant qu’une stratégie efficace sur le marché d’origine n’a pas de raison de ne pas l’être ailleurs. La stratégie marketing est alors exportée avec des adaptations les plus faibles possibles et en général provoquées par les seules contraintes juridiques et réglementaires.
L’entreprise polycentrique : qui intègre des hommes suivant la mentalité nationale : l’autonomie des filiales est généralement grande en particulier au niveau du marketing. Ce type d’entreprise se porte tout naturellement sur l’adaptation pays par pays. Aucune économie d’échelle ne peut être envisagé dan ce genre de structure qui génère en principe une grande motivation de chaque équipe national dont le rôle d’acteur se double d’un rôle de décision.
L’entreprise régiocentrique ou géocentrique : qui adopte une vision à l’échelle universelle (région pour la première, monde pour la seconde) et transcende les barrières constituées par les mentalités nationales, les habitudes locales et les cultures locales. La standardisation répond à l’attente de ce type d’entreprise (standardisation au niveau des régions pour l’entreprise regiocentrique au niveau mondial pour l’entreprise géocentrique). Pour ce type d’entreprise, le monde est un marché dont les frontières politiques ne représentent rien de pertinent d’un point de vue marketing.
Ajoutons que les entreprise européennes standardisent moins leur marketing ou leur communication que les entreprises américaines ou japonaises.
Le conseil que je donnerai à une entreprise qui veut glocaliser sa communicaiton est de se poser les questions suivantes : ses produits sont-ils à forte image ou indifférenciés ; les habitudes de consommation sont-ils les mêmes ; l'entreprise souhaite-t-elle faire des économies d’échelles ; souhaite-t-elle mieux planifier, contrôler ; cherche-t-elle à valoriser ses grandes marques ; le produit a-t-il de fortes résonances culturelles ; la réglementation est-elle spécifique...etc.
La politique du produit à l'international passe souvent par une adaptation technique rendue obligatoire du fait des systèmes normatifs ou réglementaires des pays d’accueil (chaque pays possèdant son propre système voire même plusieurs) et commerciale du produit rendue nécessaire par le résultat des études menées sur le marché extérieur visé (celle-ci concerne aussi bien la dénomination commerciale que l’étiquetage, l’emballage ou le design). Le produit doit s’adapter aux contraintes culturelles, techniques et commerciales du pays visé.
Glocaliser sa communication correspond au principe de base du marketing qui impose de créer une réponse appropriée pour chaque cible spécifique. L’absence de synergie entre marchés due à la disparité des campagnes empêche toute complémentarité entre les actions lancées sur des pays même voisins d’un point de vue géographique.
Propos recueilies par Noémie Moretti, Dees Communication