Et si la passion était un bouquet de Violettes?

La Violette... Eh oui, je lui donne une majuscule à cette demoiselle. C'est en mars qu'elle apparaît, et émerveille alors plus d'un curieux olfactif. Il faut les comprendre, c'est que son absolue est matière rare! Et elle cache de multiples facettes, la maline. Entre ionones, qui lui donnent ce petit côté fleuri, fruité framboise, suave et poudré, et nonadiénal, ce côté aqueux, presque concombre, qui apporte à l'absolue violette cette note verte caractéristique, il y a de quoi en séduire plus d'un. Il paraîtrait même que le parfum de Violette a des vertus aphrodisiaques...! Timidité, pudeur et amour secret, voilà tous les symboles de cette demoiselle dans le langage des fleurs. Mesdames, méfiez-vous donc du jeune homme qui vous offrira un bouquet de violettes, cela pourrait être une déclaration d'amour déguisée sous un drap mauve...
Oui, mais la Violette en parfumerie, ça donne quoi? Petite présentation en quelques sous-familles des déclinaisons de cette note fleurie unique en son genre.

La Violette au cœur de structures florientales peut se montrer tantôt sucrée, tantôt poudrée.
La Violette sucrée a ce petit quelque chose de croquant et craquant. Une violette douce, fraîche, gourmande et fruitée. Quand je sens cette note, je pense à ces pétales de violette en sucre qui décorent parfois de gros gâteaux savoureux, aux bonbons à la violette, voire même au macaron cassis-violette de Ladurée. La marque s'en est d'ailleurs inspirée il y a de cela 2 ans, pour créer une gamme de cosmétiques gourmandes, en collaboration avec Sephora. On pense aussi, bien évidemment, au parfum Lolita Lempicka, où violette s'associe gaiement au réglisse et à la griotte, ou encore à la Violette Angel du Jardin d'Etoiles de Thierry Mugler, qui arrive à garder cette tonalité douce et sucrée, malgré un fond oriental et patchouli.

La Violette poudrée affiche une facette plus opulente, un brin classique, rappelant parfois cosmétiques d'antan. On la retrouve notamment dans Insolence de Guerlain, côtoyant un accord de fruits rouges en tête. Et comment ne pas citer Flower by Kenzo, où la violette prend part à un accord floral complexe. Et pour cause! Il a été formulé par Alberto Morillas pour nous figurer une odeur florale imaginaire: celle du coquelicot. Entre rose et jasmin, on reconnaît tout de même sa signature suave et poudrée.

La Violette verte est une facette moins évidente mais caractérise tout aussi bien la fleur. Plus dure, mais au profil sensuel, cette note de violette verte fait de suite penser à l'absolue de feuilles de violette. Grey Flannel, le parfum de Geoffrey Beene, a été le précurseur de cette note si particulière, suivi par le petit chef-d'œuvre qu'est Fahrenheit de Dior, créé par les parfumeurs Jean-Louis Sieuzac et Michel Almairac. Une violette recréée synthétiquement, soutenue par des notes boisées, musquées et cuirées.

La Violette rosée est une facette que l'on retrouve dans de nombreux accords formulés par Sophia Grosjman, une virtuose de la Rose, qui a toujours su créer des accords fleuris avec une extrême tendresse, de la douceur de Trésor de Lancôme, à la féminité de Paris d'Yves Saint-Laurent, en passant par la fraîcheur d'Eternity women de Calvin Klein... Mais la violette rosée peut également laisser comme un petit goût de rouge à lèvres, celui qui reste sur les papilles lorsque l'on se mord la lèvre d'un air innocent. C'est le cas de Lipstick rose, de Frédéric Malle, où rose et violette s'associent une nouvelle fois avec charme et volupté.

Mais la Violette n'inspire pas que la parfumerie. Edouard Manet et Emil Nolde ont su s'en inspirer et la représenter en peinture. L'un de façon presque érotique pour l'époque, en plaçant un bouquet au creux du corsage de Berthe Morisot, l'autre de manière plus poétique et émotionnelle.

Edouard Manet - Bouquet de violettes (1872); Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872)

Emil Nolde - Violette blumen (1907); Violas (1908); Gardenflowers with Violet and Yellow Buds (1950)

Oui, il est vrai que, de par sa symbolique et ses différentes interprétations, la Violette a toujours été représentée de manière ingénue, douce ou innocente. Et pourquoi la Violette ne pourrait-elle pas devenir provocante, tentatrice, glamour... une violette fatale en quelque sorte! En donnant à son caractère olfactif quelque chose de corsé, torride et ardent, frôlant la masculinité. Cela me fait d'ailleurs penser à Marlene Dietrich qui épingla sur sa robe un bouquet de violettes au niveau de son entrejambe lors de la première de l'Ange bleu, en 1930 à Berlin. Une violette osée qui ne cherche plus à séduire, mais assume pleinement sa sensualité... Entre le Black Violet de Tom Ford et le fameux Fahrenheit de Dior, voilà un territoire féminin qui pourrait être exploité.
© Photo 'Violet macro'