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The b. skin factor

Publié le 30 avril 2010 par Atango

Le 22 mai 2010, à 20 h 45 tapantes sera donné le coup d'envoi de la finale de Champions League Européenne, qui verra s'affronter le Bayern de Münich et l'Inter de Milan. Sur la pelouse, le seul  "champion sortant", celui qui était là l'année dernière en tant que blaugrana et qui y revient cette année sous les couleurs nerrazuri, c'est le Camerounais Samuel Eto'o. Ce match se jouera au stade Santiago Bernabeu, antre du Real Madrid. Une pelouse qui est tout sauf anodine pour l'enfant de New-Bell : c'est celle d'un club avec lequel il a eu une relation plutôt compliquée. Un de plus.

"Ton Samuel Eto'o là a des comptes à régler avec tous les clubs du monde entier ?" Voilà la question que m'a posé une personne futée qui m'est chère, lorsque je lui ai appris que la finale du 22 mai serait spéciale pour Eto'o, parce qu'elle se joue à Bernabeu. Cette question pertinente m'a laissé perplexe un bon moment, mais après la perplexité vient le temps de la réflexion.

 Commençons par retracer une brève biographie de notre héros, où nous verrons que ce pur génie a toujours dû forcer le destin alors même que son talent crève les yeux.

 Eto'o arrive en France très jeune, en 1995. Il essaie d'intégrer un club ou un centre de formation, sans succès. En situation délicate, il choisit de retourner au pays. Il sera alors repéré et recruté par les techniciens de la KSA. Quelques mois plus tard, il revient en France et passe des tests non concluants au Havre. Ainsi, aucun des éminents professionnels qui l'ont rencontré lors de ces deux séjours dans l'Hexagone n'est parvenu à détecter le potentiel de la future terreur des gardiens. Etrange…

 

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Le jeune Samuel se retrouve alors à Madrid, où le Real lui fait signer un contrat, sans pour autant l'utiliser. Il sera prêté à Leganès, où son potentiel commencera à se développer. De retour de prêt, il n'inspire toujours pas la confiance de ses encadreurs, et il doit repartir pour Majorque, après avoir joué un seul match durant toute la saison 1998-1999. C'est dans la ciutat que la star Samuel Eto'o naîtra véritablement aux yeux du monde. Durant son séjour à Majorque (2000-2004), il brille avec les Lions Indomptables certes, mais surtout il porte à bout de bras le club baléarien, qui était un habitué du ventre mou du championnat espagnol jusque-là (et qui y retournera après le départ de sa perle noire). Le Camerounais enchaîne les exploits, à tel point que les plus grands clubs du monde se mettent sur les rangs pour se l'attacher.

 C'est alors que va se produire le troisième épisode que je trouve curieux : le Real Madrid va déployer une énergie incroyable pour empêcher tout recrutement, alors même que ses dirigeants persistent à dire qu'ils ne comptent pas lever l'option qui pourrait leur permettre de récupérer le joueur.

 Au terme d'un feuilleton assez incroyable, le FC Barcelone finit par arracher la mise et à engager l'ex (presque) madrilène, avec cependant l'intention de l'utiliser comme attaquant de soutien. On connaît la suite de l'histoire.

 J'abrège volontiers ce rappel des faits qui peut sembler long, mais qui est indispensable, car il permet de montrer que Samuel Eto'o est le seul joueur de son niveau à qui l'on a demandé et à qui l'on continue de demander, à chaque étape de sa carrière, de faire ses preuves. Ses deux séjours en France, l'épisode madrilène, son éviction du Barça, sa difficile intégration à l'Inter sont autant d'obstacles qu'il a dû franchir grâce à un talent naturel certes, mais surtout grâce à un mental à toute épreuve.

 Je prendrai un exemple au hasard : à l'été 2009, Benzema est transféré de Lyon à Madrid sans tambour ni trompette, dans les conditions normales pour ce genre d'opération (discrétion et dignité). Pendant le même temps, Samuel Eto'o qui vient d'offrir au FC Barcelone son deuxième trophée continental en trois ans est traîné dans la boue par le président Laporta, qui raconte à qui veut l'entendre des inepties dignes du ruisseau. En substance, Samuel Eto'o est accusé de "gourmandise" et d'ingratitude parce qu'il ne veut pas aider son club à se débarrasser de lui.

 Je veux qu'on me cite un seul joueur avec les mêmes états de service et à qui l'ont aurait fait subir les mêmes turpitudes. Christiano Ronaldo ? Wayne Rooney ? Thierry Henry ? Cela n'est même pas envisageable. D'où ma question : pourquoi lui ?

 Je ne suis pas du genre à voir le racisme partout. Je suis pourtant convaincu que les racines profondes de ces comportements qui ont été affichés contre Samuel Eto'o sont à chercher du côté de réflexes racistes. Autrement dit, beaucoup de choses en apparence anodines s'expliquent par the black skin factor.

 Samuel Eto'o est en effet le premier joueur africain noir, originaire d'une ancienne colonie, qui accède au statut de star planétaire du football et qui n'hésite pas à dire aux journalistes de la puissance tutélaire qu'ils peuvent aller voir leurs mamans s'ils ne sont pas contents. Cette phrase n'est pas anecdotique, elle révèle plutôt le caractère bien trempé du bonhomme, son absence absolue de complexe d'infériorité. Or, l'essence du racisme réside dans le complexe de supériorité.

 Samuel Eto'o, du haut de ses 17 ans à l'époque, n'avait pas hésité à aller voir Florentino Pérez, le président du club madrilène, pour lui demander pourquoi on ne le faisait pas jouer. On se souvient tous de la réponse que fit le roi de la Galaxie blanche à ce petit africain arrogant.

 

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Nous qui vivons en Occident, nous expérimentons au quotidien le petit racisme ordinaire qui, tel un mauvais virus, peut présenter différentes versions : celui qui fait passer votre CV au bas de la pile, celui qui empêche votre patron de voir vos résultats (comme par hasard), celui qui pousse vos amis à vous dire que vous devez être ravi(e) de vivre ici, ou qu'ils vous admirent parce que vous êtes "quand même" talentueux, etc. Dans nos activités à nous, ce petite racisme là fait des ravages, mais il demeure invisible : on peut toujours masquer les mauvais résultats du comptable médiocre qu'on a embauché à votre place ; ou encore la blanche secrétaire qu'on vous a préférée ne vaut pas tripette, mais bon, la boutique tournera malgré son insondable cruchitude. Dans le monde du football spectacle par contre, les conséquences sont immédiates et diffusées en mondovision. Ainsi, le Real a été puni et puni encore par un Samuel Eto'o furieux à chaque classico, et le Barça, son président, son coach, et ce cher "feeling" dont je commence à comprendre la nature, ont récemment payé cash l'erreur d'avoir traité Samuel Eto'o comme un nègre, alors qu'il ne demandait qu'à être considéré comme un Homme.

 Je me souviens de ce geste éloquent par lequel l'Africain qu'il est avait célébré son but en finale de la CL 2009. Par la suite, il avait donné de cet acte une signification fabriquée exprès pour les journalistes crédules.

 Pour ma part, j'ai ma petite idée là-dessus.


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