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Sans chaussettes, sans slip

Publié le 01 mai 2010 par Desiderio

josettederechange.jpgAprès pas mal d'auteurs grand public, je veux évoquer un dessinateur maudit. Charlie Schlingo. Son pseudonyme est déjà tout un programme. Il avait un nom déjà un peu improbable Jean-Charles Ninduab que l'on aurait pu prendre pour un autre pseudo. C'est l'auteur underground français par excellence : il a commencé par faire son propre fanzine tout seul. La vie de Charlie Schlingo est une catastrophe du début à la fin tragi-comique : il meurt en trébuchant contre son chien nommé la Méchanceté !  Je donne ici la couverture de la réédition qui comprend le premier épisode et puis le deuxième.

Pourquoi avoir choisi cette couverture ? D'abord, après avoir vu beaucoup d'auteurs qui ont un graphisme très soigné, voire trop léché, je me suis dit qu'il était bon de voir une dimension différente : Schlingo, comme son nom l'indique, a un dessin crade, puant, pas convenable. Sa culture d'origine, c'est celle des petits formats d'origine italienne ou américaine : Pepito ou Popeye.  Il s'agit de la bande dessinée qui a la plus mauvaise réputation : des dessins gribouillés à la va-vite en noir et blanc, avec des personnages aux super biscoteaux, des tatouages sur les bras (que l'on voit chez Josette comme chez Popeye).

Qui est donc cette Josette ? D'abord une héroïne née dans Charlie Hebdo, le vrai, le premier, celui de 79-81. Il était un peu étonnant que dans un journal d'actualité paraisse une BD totalement déconnectée de toute forme d'allusion à l'actualité. Mais cela permettait à Schlingo de feuilletonner une histoire en bandes de trois ou quatre cases, puis avec des résumés qui étaient encore plus absurdes que l'histoire de départ. Cela pouvait passer à une époque où Charlie Hebdo ne savait plus trop dans quelle direction aller.

Ce qui distingue Schlingo, c'est le sens de l'incongru, du saugrenu et du mauvais goût dru. Le nom de l'héroïne vient peut-être de la série très gentillette de Hergé Jo, Zette et Jocko. Mais à la base, on a un jeu de mots sans aucun sens : son patron devient fétichiste de ses chaussettes. Et on comprend alors le calembour à la base : une chaussette de rechange, une Josette de rechange. Or la Josette se fait jeter comme une vieille chaussette. Elle commence ces aventures par cette phrase : "C'est embêtant ! Je suis encore vierge ! Il serait temps que je trouve un petit ami !" Sauf que ses petits amis seront tous plus absurdes les uns que les autres : elle tombe ainsi amoureuse d'un cheval qu'elle épouse et qui se révèle être drogué, voire qui se comporte de manière lâche ! La logique n'est pas du tout au rendez-vous. C'est une parodie de parodie, à la même époque Pichard et Wolinski ou Pichard et Lob publiaient Paulette et Blanche Epiphanie* (toutes deux orphelines riches et malheureuses en proie aux redoutables mâles aux rudes instincts), dont Josette de rechange est le double dégradé. C'est la même héroïne remixée par le biais des petits formats : elle fume, elle porte des bas résille qui lui donnent une allure de sirène et elle a une poitrine proéminente, ce serait la femme tentatrice, mais ce qui ne colle pas du tout au cliché de la nouvelle BD, c'est qu'elle a les tatouages de Popeye sur les bras ! Il y a eu réunion des différentes cultures de BD autour de Schlingo : il a fait le pont entre les petits formats et la BD dite sérieuse ou d'actualité.

* Ce sont elles-mêmes des parodies de Little Annie Fanny (publiée dans Playboy !) qui parodie elle aussi Little Orphan Annie. On est dans le gag qui parodie le gag qui parodie le gag qui...


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