Richard aborde parfois d’illustres inconnus dans la rue.
Eh, scuse-moi! T’as rien à faire? J’te vois stagner comme une moule…
Réaction systématique de l’intéressé(e): ???
Bouge pas.
Richard tourne alors frénétiquement la tête. Puis il trotte énergiquement jusqu’à un autre inconnu, tout aussi illustre que le premier. Il le prend par la main et le ramène illico presto à côté de la moule.
Touchez-vous puis regardez-moi.
Les deux otages se dévisagent discrètement du coin de l’oeil. L’un d’entre eux, plus téméraire, tente une approche. Effleure un avant-bras. Presse des doigts. Serre une taille. L’autre frémit. Les deux tournent alors la tête vers Richard.
Clic-Clac.
Merci. Bonne journée.
Touching Strangers. La maladie mentale photographique de Richard Renaldi.
Rues, plages, parcs, troquets, parkings… Là où ils se cachent comme des bêtes sauvages et hostiles, Renaldi va les traquer. Les riches, les pauvres, les métèques, les toubab, les négros, les niakwés, les vieilles peaux, les jeunes cons… Tout ce qui ressemble de près ou de loin à de l’espèce humaine, vivante et purulente, Renaldi leur demande poliment de se tâter la barbaque. S’accrocher aux poignées d’amour écœurantes, palper cette épaule osseuse et repoussante, tenir cette main moite et dégoûtante. Toucher l’autre, l’inconnu, l’étranger, d’une façon ou d’une autre. Et poser avec cette horreur. Un être humain.
La honte.
Et la palette obtenue à ce jour a la saveur d’un arc-en-ciel qui défie les nuages. Du balai coincé quelque part à l’accolade chaleureuse, de la banane jusqu’aux oreilles à la tête de mort patibulaire, ces horreurs sur pattes se dépatouillent tant bien que mal de ce qu’on leur met dans les mains. Un être humain.
Dans le genre dégueulasse, L’ami Richard Renaldi est sur la première marche.
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