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QPC transmises : Conseil d’Etat 5 - Cour de cassation 0 (bilan au 1er mai 2010)

Publié le 02 mai 2010 par Combatsdh

Deux mois après l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité le 1er mars 2010, le bilan de cette première période est facile à dresser: le Conseil d’Etat domine et est très offensif, hormis lorsqu’on se rapproche de sa surface de réparation tandis que la Cour de cassation est sur une position purement défensive, rechignant à appliquer les règles ou s’en référant à l’arbitre européen…

Cour de cassation

Les lecteurs amateurs de CPDH savent déjà que par deux décisions, contestables et contestées, la Cour de cassation a refusé de transmettre des QPC:

- refus de réouverture de l’instruction : Cass., QPC, 19 mars 2010, Commune de Tulle : “QPC: une première irrecevabilité devant le juge judiciaire de mauvais augure”, CPDH 27 mars 2010;

- remise en cause du caractère prioritaire de la question de constitutionnalité Cass., QPC 16 avr. 2010, n° 10-40002 : “La Cour de cassation flingue d’entrée de jeu le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité“, CPDH 22 avril 2010.

Il lui reste un mois à la Cour de cassation pour examiner la dizaine de QPC déposées dans les premier jours de mars.

Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a transmis dans ces deux premiers mois 5 QPC et a refusé d’en transmettre 4

Refus de transmission

Ils sont souvent fondés sur des motifs procéduraux incontestables:

- absence de mémoire distinct et motivé postérieur au 1er mars 2010 (CE, 9 avril 2010, J-H. MATELLY) :  “Affaire Matelly II : rejet de la requête en annulation contre le blâme de 2007“, CPDH 22 avril 2010;

- inappplicabilité de la disposition légale au litige (article 71 de la loi du 26 décembre 1959): CE, 14 avril 2010, M et Mme Lazare: CPDH 14 avril 2010.

- la procédure de QPC n’a pas pour objet d’interroger le Conseil constitutionnel, à titre préjudiciel, sur l’interprétation d’une norme constitutionnelle en vue de son application dans un litige.

En l’espèce, le requérant avait déposé devant le Conseil d’Etat au soutien de sa requête tendant à l’annulation de la consultation des électeurs de la Martinique des 10 et 24 janvier 2010, une question visant à interroger le Conseil constitutionnel sur la portée des articles 72 et 73 de la Constitution « qui ne serait pas claire » et cette transmission serait « déterminante » pour en apprécier la régularité. A cette occasion, le Conseil d’Etat relève que le mémoire du requérant « a pour objet non de faire juger qu’une disposition législative porterait atteinte à des droits et libertés garantis par la Constitution mais de faire interpréter par le Conseil constitutionnel les articles 72 et 73 de la Constitution » et que, dès lors la question soulevée « n’est pas au nombre de celles qui peuvent être transmises au Conseil constitutionnel en application de l’article 61-1 de la Constitution » (CE, SSJS, 16 avril 2010, Virassamy, n° 336270)

Un seul refus de transmission nous semble contestable :

- la QPC touchait à la double fonction consultative et contentieuse du Conseil d’Etat et semblait remplir les conditions posées par la loi organique. Or le Conseil d’Etat a estimé que le Conseil constitutionnel aurait déjà tranché  le moyen (on se demande bien dans quels motifs et dispositif de quelle décision…)  et que la question ne serait ni “nouvelle” ni “sérieuse” : CE, 16 avril 2010, ASSOCIATION ALCALY: “Le Conseil d’Etat rechigne à transmettre une QPC “in house”“, CPDH 23 avril 2010.

C’est donc un acte d’anti-jeu caractérisé qui vaut bien un carton jaune…

Les 5 QPC transmises à ce jour:
  • Les 3 premières sont déjà connues (CPDH du 14 avril 2010 )
    • 2010-1 QPC : la “cristallisation” et “décristallisation partielle” des pensions des anciens fonctionnaires civils et militaires algériens (ayant droits: orphelins)
      • à propos des article 26 de la loi du 3 août 1981, article 68 de la loi du 30 décembre 2002 et article 100 de la loi du 21 décembre 2006
      • CE, 14 avril 2010, M. et Mme Lazare, n° 336753 (5 / 4 SSR, 329290, 14 avril 2010, A, M. Vigouroux, pdt., M. de Lesquen, rapp., Mme de Salins, rapp. publ.)
    • 2010-2 QPC : Dispositif anti jurisprudence “Perruche”
      • l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles par le I de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades .
      • CE, 14 avril 2010, Mme Viviane L…, n° 329290 (1 / 6 SSR, 336753, 14 avril 2010, A, M. Martin, pdt., M. Lessi, rapp., Mlle Courrèges, rapp. publ.).
    • 2010-3 QPC : Prérogatives de l’UNAF et des UDAF 
      • Code de l’action sociale et des familles, L.211-3, 2°
      • CE, 14 avril 2010, Union des familles en Europe, n° 323830 (1 / 6 SSR, 323830, 14 avril 2010, A, M. Martin, pdt., Mme Bougrab, rapp., Mlle Courrèges, rapp. publ.)
  • Deux nouvelles QPC  :
    • QPC 2010-4: limitation de l’indemnité temporaire accordée aux fonctionnaires retraités outre-mer
      • article 137 IV de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008 au regard de différents droits et libertés constitutionnels (non-rétroactivité de la loi, séparation des pouvoirs, clarté, intelligibilité et accessibilité de la loi, liberté individuelle et respect de la vie privée et familiale, égalité, présomption d’innocence et respect des droits de la défense) ainsi que la méconnaissance de l’article 55 de la Constitution et de la procédure législative.
      • CE, 23 avril 2010  (n°327174) (non accessible sur Légifrance ou la base de jurisprudence du CE)
    • QPC 2010-5 : compléments de taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
      • l’article 273 du Code général des impôts mais seulement « en tant qu’il habilite le pouvoir réglementaire à fixer des délais tels que ceux mentionnés à l’article 224 de l’annexe II du CGI » En l’espèce, une société, assujettie à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en raison de la remise en cause par l’administration de certaines des déductions opérées, a déposé, dans le cadre d’une affaire en cassation devant le Conseil d’Etat, une QPC visant à contester la constitutionnalité de cette disposition. Le Conseil d’Etat constate que ces dispositions, issues de l’article 18 de la loi du 6 janvier 1966, « sont applicables au présent litige » en tant qu’elles ont servi de base légale à l’article 224 de l’annexe II au CGI. Elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et les moyens tirés de ce que l’habilitation donnée par le législateur au pouvoir réglementaire pour fixer des délais tels que ceux mentionnés à l’article 224-1 de l’annexe II au CGI « méconnaît la compétence confiée au seul législateur par l’article 34 de la Constitution et viole en conséquence, d’une part le droit garanti par l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et d’autre part les garanties fondamentales attachées à l’exercice du droit de propriété énoncées par l’article 17 de la même déclaration » soulèvent une question présentant un caractère sérieux
      • CE, SSR, 23 avril 2010, SNC Kimberly Clark  (n° 327166)

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  • A noter que la série de QPC sur le Code monétaire et financier (L.433-3, loi 2006-387, art. 2Art. ; L.621-6),  figurant dans le tableau des QPC codifiées, n’a pas été examinée sans que l’on sache pourquoi dans la mesure où la décision rendue n’est pas accessible (n°335657, décision 17 mars 2010, non-examen)

Enfin, on se réjouira que pour le Conseil d’Etat la QPC est une fille puisque la feuille qui lui est consacrée est rose.


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