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Égypte : le Noël sanglant des coptes

Publié le 03 mai 2010 par Roman Bernard
1. La tuerie du 6 janvier
Le mercredi 6 janvier, jour de Noël pour les huit millions de coptes d’Égypte (10 % de la population égyptienne), comme pour la plupart des chrétiens orientaux, fut une journée sanglante, une journée de massacre. À la sortie de la messe de minuit, trois individus qui circulaient dans une voiture ont fait feu sur les fidèles qui sortaient de la principale église de Nagaa Hammadi, une ville de Haute-Égypte (province de Qena) située à une soixantaine de kilomètres de Louxor. Les agresseurs ont également fait feu sur un couvent et sur les bâtiments de l’évêché. Six chrétiens ont été tués, de même qu’un policier. On a dénombré, en outre, neuf blessés. Le lendemain, devant l’hôpital où avaient été déposés les corps des victimes, de violents affrontements ont opposé 2000 manifestants coptes à la police.
2. Un prétexte cousu de fil blanc
Le prétexte –apparemment cousu de fil blanc- invoqué pour expliquer cette tuerie se rapporte semble-t-il à des accusations de viol qui aurait été commis, en novembre 2009, sur une jeune musulmane de douze ans par un chrétien habitant près de Nagaa Hammadi. Le violeur présumé est actuellement en détention, dans l’attente d’un procès. Ces accusations, fondées ou non, avaient provoqué la colère des musulmans, et la ville avait connu cinq jours d’émeute au cours desquels des maisons, des magasins et des pharmacies appartenant à des coptes avaient été attaqués et incendiés. Par la suite, des menaces avaient été proférées contre la communauté copte dans les jours précédant la fête de Noël, ce qui avait poussé l’évêque copte de cette localité, Mgr Kirillos, à faire appel à des renforts de police qui, en définitive, se sont montrés bien peu efficaces. Mgr Kirillos n’a-t-il d’ailleurs pas eu à déplorer que la police n’ait pas agi préventivement pour neutraliser le principal agresseur, un certain Mohammed Ahmed Hussein, dont il a assuré, en outre, qu’il était connu des services de police mais qu’il bénéficiait de protections politiques ?
3. Les coptes d’Égypte : une minorité discriminée
La minorité copte d’Égypte a appris de longue date à ne pas se fier à la justice et à la police de l’Égypte musulmane. Ainsi fait-elle « grief à la justice de toutes les discriminations subies » (H. Tincq) et souligne-t-elle que « les précédentes agressions visant des chrétiens sont restées impunies ou [que] les agresseurs s’en sont sortis avec des peines légères » (H. Tincq). Après la tuerie de Nagaa Hammadi, Athanasios Henein, un prêtre desservant la communauté copte de Grèce, avait ainsi déclaré, lors d’une conférence à Vienne : « Nous nous sommes presque habitués à voir nos églises brûler, nos femmes être kidnappées et forcées à se convertir à l’islam, nos possessions être confisquées et les jeunes générations de coptes n’avoir pas les mêmes chances de formation ». Et de comparer dans la foulée la situation des coptes en Égypte à un « génocide culturel ». En effet, la communauté copte, essentiellement concentrée en Haute-Égypte (Minya, Assiout, Qena, Louxor), fait l’objet de discriminations et de vexations constantes de la part des autorités égyptiennes, notamment dans le cadre de l’accession à l’Université ou à des emplois publics. En outre, toute construction d’une nouvelle église se trouve, de fait, interdite. En 2005, un embryon de débat concernant la création d’un parti copte a tourné court, la loi égyptienne interdisant la création de partis à connotation religieuse…mesure qui avait initialement pour but d’endiguer la montée en puissance des Frères musulmans. Marginalisés sur le plan politique (lors des dernières élections législatives de 2005, seuls deux coptes figuraient sur la liste des 444 candidats du Parti national démocratique (PND) du président égyptien Hosni Moubarak), les coptes s’inquiètent légitimement de l’islamisation visible de la société égyptienne.
Éric Timmermans
Sources :

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