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Ségolène Royal : Vae Victis*… malheur aux vaincus ? Pas si sûr…

Publié le 03 mai 2010 par Véronique Anger-De Friberg @angerdefriberg

(Par Véronique Anger. Billet d’humeur du 24 février 2009).
Ségolène Royal : Vae Victis*… malheur aux vaincus ? Pas si sûr…Ségolène Royal m’intrigue. Je me suis souvent interrogée à son sujet : comment une femme qui a réussi brillamment Sciences Po, l’ENA, réalisé un parcours politique sans faute : deux fois ministre, présidente de la région Poitou-Charentes, icône du PS et candidate dans la course à la présidence contre Nicolas Sarkozy,… comment cette femme à l’avenir prometteur est-elle passée en quelques mois de « brillante » à « Bécassine » reine de la « cruchitude » ? J’avoue que ce « Ségo bashing » dépasse l’entendement. Trop énorme… Quand un personnage fait à ce point l’objet de railleries et de jalousies, cela me paraît toujours suspect. Mon côté avocat du diable sans doute…
Quelques semaines après la sortie de « Femme debout »(1), le livre d’entretiens de Françoise Degois (journaliste à France Inter) et Ségolène Royal, un ami me téléphone de France : « Il faut absolument que tu rencontres Ségolène Royal et que tu l’interviews ! Enfin, si tu aimes son livre… Tu risques d’avoir un choc en te reconnaissant à travers ce qu’elle dit sur la vie, le combat, l’amitié, l’engagement, la pugnacité dans l’adversité, la solidarité,… Tu ne vas pas me croire mais « Ségolène » et toi vous vous ressemblez ! Non pas physiquement bien sûr (hum… je suis une grande blonde au look plus sportif que bcbg…) mais par l’esprit. Achète son bouquin, tu jugeras par toi-même… ». Moi et Ségolène ? De prime abord, ça me semble un peu surprenant, mais bon… pourquoi pas ? La comparaison n’est « pas si pire » comme disent les Québecois !
Certes, après avoir admiré Ségolène Royal quand elle était ministre sous François Mitterrand, pour être totalement honnête, mes ardeurs ont quelque peu refroidi pendant et après la campagne pour les présidentielles de 2006. Tous ces ratés, ces jalousies, ces haines, ces sabotages de l’intérieur, ce manque de préparation et cette perte de contrôle face aux « éléphants » du PS déterminés à la faire échouer, cette colère « surjouée » dans le débat entre les deux tours,… Tout cela m’a profondément agacée, déçue. Bien sûr, je me disais que les cadres du PS avaient été au-dessous de tout, qu’ils auraient dû soutenir la personne désignée démocratiquement par les militants contre vents et marées mais, comme beaucoup aussi, j’ai pensé que la candidate du PS manquait peut-être de charisme puisqu’elle n’arrivait pas à mobiliser les cadres du parti autour d’elle. J’ai même imaginé qu’elle n’était pas à la hauteur de la tâche, trop candide, pas suffisamment cynique ou manipulatrice, ces armes indispensables quand on veut jouer dans la cour des grands, faire de la politique à très haut niveau et rivaliser avec les « killers », ces « bêtes de politique » qui ne lui auront rien épargné.
Petit dialogue entre dames bien élevées ?
Pendant la campagne, je vivais déjà au Canada et sous l’excuse, lamentable j’en conviens, d’avoir tardé à m’inscrire sur les listes électorales du Consulat français, je ne me suis même pas déplacée pour aller voter. Acte manqué ? Dégoût plutôt… Bref, j’ai donc suivi le conseil de cet ami français et me suis fait envoyer « Femme debout » (les livres français arrivent en librairie avec six semaines de retard au Québec et c’est assez frustrant quand on veut savoir ce qu’il y a dans le livre, tout de suite…). Un livre « vérité », sans faux-semblant donc, si l’on en croit les dialoguistes, et une belle occasion pour Ségolène Royal de s’expliquer sur tout, de tourner la page aussi et de repartir du bon pied. Dommage que ce livre ne soit pas sorti pendant la campagne de 2006 ! En effet, c’est à cette époque, en pleine tempête de dénigrement politico-médiatique, qu’il aurait fallu offrir ce portrait à la fois sensible et combattif, ces réflexions sans concession mais aussi, bien souvent, étrangement indulgentes.
Petit dialogue entre dames bien élevées, presqu’entre amies, mais de ces amies qui osent se dire les choses et mettre le doigt là où ça fait mal, notamment sur les blessures narcissiques. Des amies qui abordent les sujets qui fâchent aussi, qui n’hésitent pas à avouer les petites faiblesses ou manquements que l’on sait si bien reprocher à ceux que l’on aime quand ils nous blessent ou nous déçoivent.
Pour tout vous dire, moi qui préfère garder mes distances avec les hautes sphères de la politique (j’ai des convictions fortes, mais pas d’amitiés politiques) je découvre, à travers ce livre qui se lit d’une traite et bien souvent le sourire aux lèvres, une femme passionnée, passionnante aussi, courageuse assurément, forte et persévérante au-delà de l’imaginable. Degois balance ses questions sans prendre de gants, mais avec une belle finesse d’esprit, et Royal répond avec cette même liberté de ton, une pointe d’ironie en plus. Je m’arrête sur des « petites phrases » qui me parlent, une pensée à laquelle je m’identifie effectivement, ou une idée non pas politique stricto sensu, mais plutôt sur le thème des engagements de vie.
Qui se cache derrière le personnage public ?
Pourquoi ce papier ? Tout simplement parce que Ségolène Royal m’intrigue. Je me suis souvent interrogée à son sujet : comment une femme qui a réussi brillamment Sciences Po, l’ENA, réalisé un parcours politique sans faute : deux fois ministre, présidente de la région Poitou-Charentes, icône du PS et candidate dans la course à la présidence contre Nicolas Sarkozy,… comment cette femme à l’avenir prometteur est-elle passée en quelques mois de « brillante » à « Bécassine » reine de la « cruchitude » ?! J’avoue que ce « Ségo bashing » dépasse l’entendement. Trop énorme… Quand un personnage fait à ce point l’objet de railleries et de jalousies, cela me paraît toujours suspect. Mon côté avocat du diable sans doute…
Voilà les raisons pour lesquelles j’ai dévoré « Femme Debout » quand j’ai refusé d’ouvrir les livres précédents de -ou sur- Mme Royal. Oui, j’ai vraiment eu envie de découvrir la femme sincère qui se cache derrière la femme politique, la femme publique, la « petite bourgeoise bcbg » comme la décrit avec un zeste de perfidie une certaine presse. Envie de savoir ce qui poussait ses adversaires de droite comme de gauche (je pense que personne n’aura été dupe des basses manœuvres et des efforts déployés au Congrès de Reims par les éléphants du PS pour écarter définitivement Ségolène Royal) à vouloir la « tuer » politiquement, pour ne pas dire psychologiquement. Comment une femme politique respectable peut-elle susciter tant de haines, tant de violences verbale et psychologique ? Cette volonté, cette persistance à vouloir annihiler l’adversaire a fini par faire oublier aux ennemis politiques de Ségolène Royal qu’elle aussi méritait un certain respect. Même dans la lutte au sang, on se doit de respecter l’adversaire dira Ségolène à Françoise… Et de faire référence à un écrivain, un combattant -qui est aussi mon écrivain préféré- : « Là, je relis Camus. J’aime cet humanisme absolu. Ce non-jugement. Ce respect de l’autre. Tout cela tranche avec la bêtise, la brutalité, le discours fruste, rustique de la politique. ».
Insubmersible…
Alors, pourquoi tant de journalistes, d’éditorialistes politiques, ont participé à la promotion de cette image désastreuse de l’ex-candidate ? En quelques mois, cette femme a été présentée tour-à-tour comme une hystérique, une mégalomane, une mythomane, une paranoïaque, une mante religieuse, une femme tyrannique et j’en passe… Pour un peu, on y aurait cru ! Mais, que personne ne s’y trompe, Mme Royal n’a rien d’une victime. Elle détesterait certainement être présentée comme telle. D’ailleurs, et comme le souligne le grand mécène Pierre Bergé, qui fait partie du comité de soutien de son association « Désirs d’avenir », Ségolène Royal reviendra plus forte en 2012 ou en 2016, quand son tour sera venu, comme Mitterrand, Chirac ou Sarkozy avant elle, qui ont eux aussi tellement défrayé les haines en leur temps. Il y voit un « bon signe »… C’est ce qui s’appelle de la pensée positive ! Cela dit, je partage aussi cette idée car on sait tous que politiques, journalistes, militants ou simples citoyens… tous ont la mémoire courte. « Nous » avons la mémoire courte... Si le peuple comme les élites peuvent brûler aujourd’hui ceux qu’ils ont aimés hier, ils auront aussi une certaine propension à idolâtrer demain ceux qu’ils auront détestés la veille… (toujours cette tentation du « bouc émissaire » si intelligemment « démontée » par le philosophe René Girard). Mais les politiques de la trempe des Mitterrand, Chirac, Sarkozy ou Royal sont quasi insubmersibles !
Si Mme Royal dit regretter d’évoluer « dans un milieu où la gentillesse est interdite. Elle est assimilée à de la faiblesse de caractère. Une confusion de valeurs. », elle reconnaît aussi qu’elle inspire de grandes et belles amitiés, et un dévouement à toute épreuve : « J’ai l’impression que, depuis la défaite, il y a comme une chaîne de bienveillance qui m’entoure et qui m’a aidée à passer les étapes, les pires moments. C’est incroyable et ça donne une confiance absolue dans la vie. » confie-t-elle à la journaliste d’Inter. Ses soutiens, d’abord dans sa nouvelle équipe qui réunit anciens et nouveaux fidèles, puis parmi les artistes ou les hommes d’affaires qui ne l’ont pas lâchée ou la conseillent aujourd’hui et lui ouvrent leur carnet d’adresses (les Besnehard, Gaccio, Benabar, Cali, Ariane Mnouchkine, Mathieu Pigasse (banque Lazard), François Pineau et tant d’autres) lui rendent au centuple la confiance et l’amitié qu’elle leur témoigne. Il y a aussi des satisfactions et des compensations. Un peu de douceur dans un monde de brutes…
La quête de sens est omniprésente
Un autre mystère pour moi : les « vacheries » ne commencent qu’à la page 237. Comment expliquer alors que les grands médias n’ont retenu que les petites phrases assassines, pourtant rares dans ce livre de 276 pages ? Vous me direz que j’ai sûrement passé trop de temps dans la belle Province, dans ce climat de bienveillance si caractéristique des Canadiens en général, des Québecois en particulier… mais quelle fâcheuse habitude que celle des journalistes français « qui comptent » de ne relever que les passages pouvant passer pour « croustillants » ou être sujets à polémique ? De préférence en les tronquant ou en les citant hors de leur contexte ? Par exemple, quand les journalistes citent « J’aurais aussi aimé être Sœur Emmanuelle. J’admire. C’est une vie qui a un sens. Trouver du sens à sa vie. » en souriant évidemment de ce manque d’humilité. Pourquoi, si ce n’est par paresse intellectuelle, ne pas avoir ajouté ce constat lucide qui donne une toute autre intention à l’auteur de la phrase précédente : « Mais bon, il faut une dimension que je n’ai pas. » ? La question du sens est omniprésente dans la philosophie de vie de Ségolène Royal. Comment donner un sens à sa vie et à celle des autres ? Cette question métaphysique, presque spirituelle, devrait retenir l’attention plutôt que ces mesquineries qui auront noirci à peine plus de quelques lignes…
Par ailleurs, et si, comme l’ont écrit beaucoup de journalistes, Ségolène Royal « se lâche » un peu sur le président Sarkozy, elle reconnaît aussi ses qualités de génie politique et son énergie débordante. Certes, elle ne mâche pas ses mots quand elle l’accuse d’être « amoral », cynique, manipulateur ou fasciné par le fric. Franchement, en dehors de quelques passages, probablement un peu vengeurs, rien de bien méchant sur les uns et les autres. Elle a bien cette phrase pour ceux qui ont pris un plaisir pervers à lui savonner la planche durant la campagne : « Les éléphants sont pathétiques à s’accrocher ainsi.(…) Au lieu de mettre leur intelligence, leur réflexion au service du parti et de l’Europe et pousser en avant une nouvelle génération. Je ne les comprends pas. Vraiment, croyez-moi, pour moi c’est une énigme. ». Moi non plus, je ne les comprends pas…
Désirs d’avenir…
J’ai le sentiment que Ségolène Royal se montre plutôt positive et semble avoir tiré les enseignements d’une campagne présidentielle qui a bien failli la laisser sur le carreau, au sens propre comme au figuré. Cette expérience a sans doute marqué sa carapace de profondes cicatrices, mais elle lui a aussi permis de se recentrer sur l’essentiel, de reconstituer une équipe plus forte, plus soudée, d’avancer envers et contre tout, de reconstruire et, avec « Désirs d’avenir » de miser sur les jeunes générations, les idées novatrices, de faire le pari de l’avenir au lieu de ressasser les échecs et les blessures du passé : « Je voudrais participer à la naissance d’un monde nouveau. C’est très récent, ce sentiment-là chez moi.(…) Ce sentiment qu’il faut faire émerger un monde nouveau mais cette incapacité à le formuler clairement, à le théoriser surtout.(…) Je crois absolument à l’évolution humaniste de la société, à la nécessité de replacer l’être humain au cœur de toutes choses… ». Et, plus loin : « La France a besoin de cette jeunesse métissée, qui porte en elle d’autres références, une autre sensibilité au monde. Ce sera l’un de mes combats dans les années à venir. ». Ce sont là les mots d’une future présidentiable, désireuse de convaincre, prête à en découdre à nouveau s’il le faut, pas d’une femme détruite.
Des gens intéressants dans tous les milieux
Les personnalités ne sont pas monolithiques et Ségolène Royal n’échappe pas à cette règle. D’ailleurs, on le sait bien, les êtres humains ne sont pas tout blanc ou tout noir. Ils sont tellement plus complexes que cela. Quand, avec humour, Royal lâche à Degois : « Je gagne à être connue vous savez » et, plus sérieusement : « Je cherche les gens intéressants dans tous les milieux. » là encore, je suis totalement en phase avec elle. C’est vrai pour la plupart d’entre nous, n’en déplaise aux mauvais coucheurs : nous gagnons souvent à être connus...
Cependant, je doute que ce livre trouve grâce auprès de ceux qui préfèrent croire sans réfléchir ce qu’ils lisent ou entendent dans les médias, ou se réjouissent d’une image trompeuse parce qu’elle ne laisse aucune place au doute, à la nuance, parce qu’il est toujours tentant de détester ceux qui ne pensent pas comme nous pour ne pas avoir à les écouter. En revanche, ceux qui préfèrent respecter leurs opposants politiques ou idéologiques, ceux qui ne se satisfont pas des portraits trop simplistes pour ne pas dire cruels, seront intéressés d’en savoir plus sur qui se cache réellement derrière le masque du personnage public. Ce livre « vérité » donne des clés au lecteur, mais c’est bien le lecteur et son « intime conviction » qui seront finalement seul juges. Pour ma part, je crois, comme le recommande la sagesse populaire, qu’il faut toujours écouter plusieurs sons de cloche… Et je vais donc creuser un peu plus cette idée d’interview et activer mes petits réseaux pour obtenir un rendez-vous en face-à-face avec Mme Royal, qui se rendra peut-être au Québec en mars, pour la promo du livre ? Un peu de patience, chers lecteurs, et vous découvrirez peut-être bientôt un nouveau volet de cette « Femme Debout »...
*Vae Victis… malheur aux vaincus : titre en clin d’œil à Françoise Degois, qui cite cette formule à plusieurs reprises dans « Femme debout » (locution latine prononcée initialement par le chef gaulois Brennos qui avait vaincu Rome).
(1) « Femme debout », livre d’entretiens de Ségolène Royal avec Françoise Degois, journaliste à France Inter (Denoël. Sorte en France en février 2009. 276 p. 19€). Ces entretiens, initiés en juin 2008, s’achèveront au lendemain du congrès de Reims.
- L’association « Désirs d’avenir » :
http://www.desirsdavenir.org/
- La bio de Ségolène Royal sur Wikipédia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9gol%C3%A8ne_Royal.


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