En France, le probable dernier "Triangle rose" survivant des camps nazis, livre à l'aube de ses 97 ans un témoignage unique et bouleversant sur l'histoire des déportés pour homosexualité.
Rudolf Brazda est né en 1913 près de Leipzig de parents tchèques émigrés en Allemagne.
Il sera le matricule 7952 au camp de concentration de Buchenwald.
Il sera condamné deux fois par le régime nazi en raison de son homosexualité, puis déporté.
Il a passé 32 mois à Buchenwald, jusqu'à sa libération en avril 1945.
C’est en 2008 que Rudolf Brazda alors âgé de 95 ans, avait fait connaitre son cas à la Fédération allemande LGBT au lendemain de l'inauguration du Mémorial de Berlin à la mémoire des victimes homosexuelles du nazisme.
Son témoignage avait alors été authentifié par l'organisation gay allemande qui estime qu'il n'est peut-être pas le seul survivant.
Lors de l’inauguration en mai 2008 de ce monument berlinois dédié aux "Triangles roses", en face du Mémorial de l'Holocauste, les autorités et les responsables de la communauté homosexuelle allemande avaient expliqué que la mémoire de ces persécutions ne pouvait plus se transmettre par témoignage direct, car Pierre Seel, un Français d'Alsace, longtemps considéré comme le dernier survivant des victimes homosexuelles du nazisme, est décédé en novembre 2005.
Après avoir appris l'existence de ce monument par l'intermédiaire des médias, Rudolf Brazda s'était manifesté auprès des associations gays allemandes, ce qui lui avait valu d'être invité à se rendre au Mémorial en compagnie de Klaus Wowereit, le maire de Berlin, lui-même homosexuel.
Il avait alors déclaré souriant et en forme pour ses 95 ans, "Avant, nous devions nous cacher en permanence, on nous considérait comme des anormaux. Mais Dieu merci, aujourd'hui on est libres. La démocratie, y'a rien de mieux".
En conclusion de son séjour à Berlin, Rudolf Brazda, que sa famille appelle "Oncle Rudi", avait pris part le 28 juin 2008, à la Gay Pride, où il a défilé sur le char d'une association homosexuelle.
Rudolf Brazda a donc accepté que son témoignage devienne un livre, pour qu’après la mort des derniers déportés pour homosexualité sous le régime nazi, on se souvienne et on soit vigilant afin que la persécution ne revienne pas.
Pour cet ouvrage, "Rudolf Brazda. Itinéraire d'un Triangle rose" aux éditions Florent Massot, l'auteur, Jean-Luc Schwab, s'est entretenu pendant plusieurs centaines d'heures avec l'ancien déporté et a recoupé son récit avec des documents d'époque, d'autres témoignages et des recherches dans les archives allemandes, tchèques et françaises.
Il explique "Ce travail de reconstitution a été passionnant mais j'ai bien conscience qu'il ne peut se prétendre exhaustif (...). J'ai privilégié le doute de l'historien aux affirmations qui ne pouvaient être vérifiées".
Le témoignage de Rudolf Brazda constitue une facette d'une vérité historique assez peu documentée, la déportation pour homosexualité, mais raconte aussi la vie d'un homme à la capacité d'émerveillement toujours intacte malgré les épreuves et son grand âge.
Contraint à Buchenwald de porter le "Triangle rose", Rudolf Brazda est soumis au travail forcé et aux sévices des gardiens du camp.
Il survit grâce à la "chance" qui selon lui ne l'a jamais quitté.
Après la libération du camp, il s'installe en Alsace avec un compagnon qui partagera sa vie pendant plus de 50 ans. Il raconte aussi cet "après" beaucoup plus heureux.
Sous le nazisme, plus de 50 000 homosexuels ont été condamnés en vertu du Paragraphe 175, article du code pénal abrogé seulement en 1969.
Selon les estimations, entre 5 000 et 15 000 homosexuels ont été déportés dans les camps de concentration, où la grande majorité d'entre eux sont morts.
De nombreux déportés homosexuels ont été soumis à de monstrueuses expérimentations médicales comme des injections hormonales, des lobotomies ou des castrations.
Seigneur, fais que cela ne revienne jamais.