Magazine Banque

Stratégie multicanal, intégrer au maximum l’ensemble des modes de distribution

Publié le 04 mai 2010 par Sia Conseil

Stratégie multicanal, intégrer au maximum l’ensemble des modes de distribution Plateformes téléphoniques, guichets automatiques, Internet…
La multiplication des points de contact entre le client et sa banque a imposé une refonte des stratégies de

distribution. Où en est-on du processus ? Quel chemin reste à parcourir pour obtenir une banque 100 % « multicanal » ?

Depuis une vingtaine d’année nous entendons parler de stratégies « multi-canal » des Banques. L’effet de la nouveauté est passé depuis longtemps et d’aucuns ne retiennent, dans cette révolution de la distribution bancaire, qu’une invention marketing exploitant opportunément l’arrivée d’internet pour rajeunir l’image des banques.

Ce qui a changé à la fin des années 1990 relève pourtant bien d’une innovation de rupture : l’émergence des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication – pour reprendre le terme consacré à l’époque) dans le monde ronronnant de la distribution bancaire. Moins de quinze ans après la libéralisation du secteur, l’enjeu était double pour les Banques : améliorer l’efficacité commerciale et augmenter la productivité sur les opérations à faible valeur ajoutée, alors que la concurrence sur les tarifs et la baisse des marges d’intermédiation commençaient à tirer durablement la rentabilité de la Banque de Détail vers le bas.

Le multi-canal devait révolutionner la relation client, en offrant une accessibilité élargie et distancielle à l’information, aux services et aux opérations de banque, conditionnée jusqu’alors par les horaires contraignantes des agences. Toutefois le concept du « toute ma banque, où je veux, quand je veux » n’est pas devenu une réalité du jour au lendemain. Entre les fonctionnalités rudimentaires des premiers Serveurs Vocaux Interactifs et la possibilité de finaliser la souscription d’un produit en ligne, une quinzaine d’années s’est écoulée.

En effet, les canaux ont fonctionné aux premiers temps de l’ère multi-canal non de concert mais en silos, générant une valeur ajoutée moindre pour les clients et des problèmes d’asynchronisme et de qualité de données pour les établissements bancaires.

Dans un second temps – depuis le début des années 2000 – une fois franchies les barrières techniques liées à la modernisation et à l’interfaçage des Systèmes d’Information, le multi-canal s’est progressivement imposé, aidé par la généralisation d’internet et de la téléphonie mobile.

Pourtant, l’essor des canaux alternatifs s’est trouvé confronté à de nouveaux obstacles :

  • Tout d’abord des obstacles financiers : la mise en œuvre de certaines fonctionnalités n’est pas rentable au regard des volumes traités,
  • Des contraintes réglementaires bien sûr, liées, entre autres, aux besoins d’identification du signataire ou de conformité des pièces justificatives,
  • Enfin, des raisons comportementales : les habitudes de consommation des clients n’ont pas évolué aussi vite que les technologies. On constate notamment une persistance certaine de la défiance des clients vis-à-vis de la confidentialité des données et de la sécurité des transactions.

Ces obstacles, s’ils sont bien réels, ne sont pas infranchissables, bien au contraire. En revanche, le frein le plus sérieux est de nature opérationnelle. En effet, les modèles de distribution des Banques n’ont pas évolué pour laisser de la place aux canaux alternatifs. Ceux-ci se sont donc imposés comme une juxtaposition de couches autour de l’agence qui restait au centre de la relation bancaire.

Or, paradoxalement, cette stratégie a contribué à éloigner, voire à couper les clients de leurs conseillers en agence. Et pour cause, le message des banques était contradictoire. Elles mettaient en avant le chargé de clientèle en agence comme pivot de la relation mais, dans les faits, la plupart des échanges et des transactions étaient réalisées avec d’autres interlocuteurs. Par ailleurs, le turn-over élevé des commerciaux ne nous laissait parfois même pas le temps de rencontrer son chargé de clientèle avant qu’il n’ait changé.

La résolution de cet obstacle opérationnel nécessite de revoir en profondeur les fondements des stratégies multi-canal. Celles-ci ont été initiées sous l’angle de la segmentation des produits ou des clients par canal. Des produits spécifiques étaient proposés sur le canal internet, différents de ceux qu’on pouvait souscrire en agence ou par téléphone. En outre, Les canaux à distance ont été utilisés pour réduire le coût et accroître l’efficacité des opérations simples, la proximité physique restant le maître mot pour les produits complexes.

Cette tendance doit évoluer. Les canaux doivent être appréhendés non plus selon une segmentation produits ou clients mais dans une logique de processus. Ainsi, plusieurs canaux peuvent être utilisés pour réaliser une même transaction. Par exemple, pour un prêt immobilier, le « parcours » du client peut s’imaginer en plusieurs étapes : La simulation de prêt pourra se faire par le client sur internet. Une fois cette simulation réalisée, le client sera relancé par un centre d’appel qui aura eu les informations de la simulation et pourra établir une relation directe avec le prospect. Enfin, le dossier de prêt sera finalisé en agence, le conseiller ayant eu au préalable le temps de préparer le dossier et pouvant consacrer le rendez-vous à établir une relation personnelle avec le client et à vérifier les pièces justificatives. Dans un avenir proche, ce processus pourra même se dérouler à distance d’un bout à l’autre. La pratique est déjà courante pour les crédits à la consommation par exemple. Ainsi, les sites des grands distributeurs de crédits conso proposent non seulement des simulations en ligne mais également une procédure de souscription simple et claire. En quatre étapes, vous renseignez une vingtaine de données avant d’obtenir une réponse immédiate. Vous n’avez alors plus qu’à imprimer et signer le contrat de souscription et à le renvoyer avec 4 pièces justificatives classiques. Le processus global ne prend pas plus d’une ou deux minutes.

Cette logique doit se concrétiser en intégrant d’avantage le dispositif de distribution en amont de la conception des produits et des processus. Le concept sous-jacent est celui de « parcours client » qui renverse le processus de commercialisation en le recentrant sur la manière dont le client peut interagir avec la Banque en vue d’une transaction, d’une opération ou d’un service. C’est même la force des banques traditionnelles par rapport aux Banques en ligne car elles peuvent conjuguer la puissance de la proximité avec l’efficacité d’internet, du téléphone et du mobile.

Dans cette logique, un maillon de la chaine prend une place de premier choix. Les Centres de Relations Clients et autres Plateformes Téléphoniques, sont devenus des compléments et même – à certains égards – des substituts au canal traditionnel des agences. Les centres d’appel sont indéniablement montés en charge sur l’information de la clientèle et les opérations simples. Ils font même le trait d’union entre les conseillers et la production en tant que middle-office commercial (suivi des dossiers, information technique, récupération des pièces justificatives) et progressent chaque jour un peu plus sur la vente.

Recevant les appels entrants, ce sont eux qui ont la relation avec le client, asséchant progressivement les agences des opportunités de rentrer en contact avec le client.

A tel point que les Banques font parfois marche arrière aujourd’hui, en restaurant l’appel entrant dans les agences. Ce faisant, ce n’est pas le canal agence qui s’impose, ce n’est pas un retour de l’agence au centre du dispositif car, qu’on ne se méprenne pas, c’est bien le canal téléphonique qui est utilisé mais avec un conseiller qui est situé en agence (et non pas dans une plateforme) à l’autre bout du fil.

Ces initiatives pointent du doigt les difficultés actuelles des centres de relation clients. La compétence et les appels ont été déroutés vers les plateformes téléphoniques mais pas la connaissance clients qui est restée en agence comme le domaine réservé du chargé de clientèle.

En revanche, la solution « rustine » mise en œuvre par les Banques pour contourner ce problème et consistant au retour des appels entrants en agence n’est pas pérenne (car non rentable) à moyen terme. Ce n’est qu’une étape de la trajectoire, un détour rendu indispensable pour éviter l’érosion de la satisfaction clients en attendant que les plateformes centralisées aient atteint leur efficacité maximum dans une stratégie multi-canal structurée et cohérente. Plusieurs leviers doivent être activés à cet effet :

  • Redéfinir la place de l’agence dans le dispositif multi-canal
  • Revoir la notion de portefeuille clients
  • Restructurer le processus multi-canal autour de la notion de parcours clients
  • Redéfinir la politique de commissionnement pour décloisonner les canaux
  • Diffuser la connaissance des clients vers les opérateurs des plateformes centralisées
  • Améliorer la qualité des données pour la gestion de la relation client
  • Améliorer la qualité de services et l’accueil (accueil téléphonique ou en agence)

Au-delà de la mise en cohérence indispensable entre le lieu de réception des appels et le lieu de maîtrise de la connaissance clients, l’évolution à moyen terme réside moins dans les fonctionnalités que dans la maîtrise d’exécution et l’exploitation des outils existants intégrés aux modes de production traditionnels : il s’agit d’un défi plus organisationnel et commercial que technique.

Il convient en effet tout d’abord de redéfinir la place de l’agence dans le dispositif multi-canal dans la mesure où elle ne doit être qu’un canal parmi les autres et non plus la pierre angulaire du dispositif. Or, aujourd’hui la force commerciale est concentrée dans les agences à plus de 90 %. Coordonner les canaux autour du réseau physique n’est plus suffisant. L’enjeu est désormais de donner les moyens aux canaux à distance d’occuper l’espace naturel que leur procure la banalisation de l’usage des nouvelles technologies dans la société française. Cette problématique est d’autant plus prégnante en zone rurale où les grands réseaux peinent à maintenir leur rentabilité d’exploitation. Le maillage extrêmement fin du territoire français y compris dans les campagnes les moins peuplées n’est plus en phase avec la densité de la population qui a migré vers les zones urbaines et sub-urbaines.

La fermeture d’agences est maintenant inévitable dans les zones rurales. Le multi-canal va être une des composantes de la réponse des Banques pour assurer la transition et conserver le niveau de service nécessaire pour entretenir une relation bancaire satisfaisante avec les clients qui seront un peu plus éloignés de l’agence. Cet éloignement n’est pas nécessairement un frein pour les clients dans la mesure où la fréquence des visites en agence diminue. Pour concrétiser cette affirmation, il conviendra toutefois de mettre en œuvre une stratégie multi-canal cohérente.

Pour ce faire, la réflexion qui conduit à la création d’un produit ne doit plus être conditionnée par des considérations purement marketing mais prendre en compte avec la même attention les problématiques de production, de gestion et de distribution : ne plus penser uniquement « combien » et « à qui » vendre mais aussi « comment ». Le « comment » est devenu une composante clé de la promesse client. Par exemple quand on vend un crédit immobilier, on ne vend pas qu’un tarif (le taux) mais aussi un niveau et une qualité de service (certaines banques l’ont compris et garantissent notamment les délais de réponse).

Stratégie multicanal, intégrer au maximum l’ensemble des modes de distribution

Le graphique ci-dessus montre le nombre de visiteurs des sites internet des Banques, par enseigne. Leurs succès illustre bien leur importance dans les dispositifs multi-canal.

Certes le multi-canal a rencontré des réussites incontestables depuis la naissance du concept il y une vingtaine d’année améliorant la qualité de service aux clients par un accès élargi à l’information et aux opérations. Le nouveau défi qui se pose maintenant aux stratégies multi-canal consiste à exploiter au mieux l’évolution majeure que représente le multi-canal dans le mode de distribution de services bancaires afin de soutenir les restructurations inévitables des réseaux. Le multi-canal n’est donc plus un service, il est devenu indispensable. L’enjeu de sa mise en œuvre n’est plus technique mais touche clairement à la réorganisation de la force commerciale.

Sia Conseil

Stratégie multicanal, intégrer au maximum l’ensemble des modes de distribution
Article Revue Banque de mars 2010


Tags :

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sia Conseil 159 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines