La fusion United/Continental va créer le numéro 1 mondial.
La logique des choses ou la folie des grandeurs ? Chacun se fera une opinion en analysant le résultat de la fusion annoncée de United Airlines et Continental Airlines. Pour autant que le département de la Justice et les actionnaires des deux compagnies marquent leur accord, c’est le numéro 1 mondial du transport aérien qui va bientôt se mettre en place : un chiffre d’affaires annuel de prčs de 30 milliards de dollars, 692 avions, 144 millions de passagers par an, 370 escales et, bien sűr, des ambitions planétaires.
Ce rapprochement, une opération comme les aiment les Américains, pleine de superlatifs, de commentaires dithyrambiques, commentée par des dirigeants sűrs d’eux et de leur bon droit, illustration de la puissance de la nation et de son rayonnement mondial, est sensé s’inscrire dans le droit chemin de la mondialisation, de la recherche de la rentabilité optimale, ŕ travers synergies et économies d’échelle. Ce qui reste pourtant ŕ démontrer.
Le mariage United/Continental est en effet celui de deux géants aux pieds d’argile et il n’est pas certain, quelles que soient les affirmations des uns et des autres, qu’il conduise ŕ la rentabilité. Tout observateur sérieux sait que l’industrie des transports aériens n’est pas vraiment rentable, que ses résultats financiers sont au mieux médiocres et qu’il ne suffit pas de mettre deux intervenants dans le męme marigot pour obtenir des résultats probants.
Le niveau des sacro-saintes synergies attendues de cette union en témoignent : au maximum 1,2 milliards de dollars par an. Rapporté au chiffre d’affaires, cela fait un bien modeste pourcentage. Quant aux économies d’échelle, on doute qu’elles soient de nature ŕ émouvoir Wall Street : considérées séparément, United et Continental, deux géants, les avaient déjŕ acquises. Dans ces conditions, la fusion aura surtout pour résultat l’affichage d’une solide suprématie avec, au passage, le renforcement de l’alliance Star et, peut-ętre, des difficultés pour Airbus.
En 2009, les deux partenaires ont affiché ensemble des pertes de 647 millions de dollars, chiffre qui ne se pręte gučre ŕ un commentaire utile. En effet, il s’agit bien entendu d’un résultat de basse conjoncture.
La flotte United/Continental compte 152 appareils européens seulement (des A320) auxquels devraient s’ajouter ultérieurement des A350XWB. Mais Boeing sera chez lui, compte tenu des liens trčs forts qui l’unissent ŕ la future entité. Des liens ancrés dans l’histoire de l’aviation commerciale américaine, United étant née dans le giron Boeing.
Rondement menée, l’opération est présentée avec un grand savoir-faire qui illustre une parfaite maîtrise des techniques de l’information. Toute école de relations publiques devrait inscrire ŕ son programme l’exégčse du communiqué de 5 pages qui expose les fondements de la fusion. Chaque terme est choisi avec le plus grand soin, de maničre ŕ donner une image positive, constructive, prometteuse de l’opération.
En Europe, un rapprochement similaire aurait tenu du casse-tęte chinois ou se serait révélé impossible. Imagine-t-on une fusion Air France-KLM/Lufthansa ? A l’inverse, aux Etats-Unis, seules des rčgles nationales doivent ętre prises en compte, tout le monde parle la męme langue, il n’y a qu’un seul syndicat de pilotes, de personnel navigant commercial et, de toute maničre, seul compte l’avis de dirigeants et d’actionnaires peu portés sur la réflexion métaphysique.
Déjŕ, une rumeur circule outre-Atlantique annonçant une tentative de fusion American Airlines/US Airways. Aprčs une telle opération, la boucle serait bouclée, c’est-ŕ-dire la restructuration des transports aériens autour de quelques géants (Ťmega carriersť) et d’un nombre gučre plus important de compagnies low-cost. Ces derničres ont d’ailleurs joué un rôle important dans la justification de la fusion : Glenn Tilton et Jeff Smizek, patrons tout puissants de United/Continental (seul le nom de United survivra) ont souligné que, sur le réseau intérieur américain, 80% de leurs lignes sont en concurrence avec Southwest et leurs émules. C’est peut-ętre lŕ que réside le vrai défi, l’expérience ayant montré que les dinosaures ne sont pas éternels.
Pierre Sparaco - AeroMorning