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Campus, Léo Ferré [Eldoradio/Refais Le Monde]

Publié le 04 mai 2010 par Sagephilippe @philippesage

"Moi, j'suis de la terre  ... Mais, qui j'suis ? .. Ça, j'sais pas .. C'est vous qui allez me l'dire !" ... Ainsi parle Ferré. Au "docteur". Celui de Campus. Sur Europe n°1. Pas loin, Michel Lancelot. Nous sommes en 1969. Et la suite, c'est un grand moment de radio. Une autre radio. Une autre époque. Epique ..
Léo.jpgTu sais, c'était un samedi, je crois. Il faisait très beau. J'allais vers le kiosque à journaux. Celui de cette drôle de place. D'Aix-en-Provence.
Vraiment, il faisait très beau.
Et puis, tu sais quoi, de loin, comme ça, j'aperçois Libération, pleine page, Une qui crevait l'oeil. En noir et blanc. J'me dis, mais c'est quoi ? On dirait - j'te jure, c'est vrai, j'ai pensé ça - une statue grecque. Alors, je m'approche, je veux voir, de près, et là, je le reconnais, d'un coup ; c'était pas une statue grecque, vois-tu, non ! C'était Léo. La gueule de Ferré. Il était mort. C'est pour ça. Qu'il faisait la Une.
Après je sais plus.
J'ai pris l'antenne.
Je voulais pas être là.
Je voulais foutre le camp, tu comprends ?
Voir la mer. Son "balancement maudit qui vous met le coeur à l'heure".
Je voulais être seul.
Tout seul.
Comme dans cette voiture.
Une R12 TL.
Blanche.
A droite, ma soeur. Devant, au volant, mon père. Et, à la place du mort, ma mère.
Et la radio, France Inter, qui crachait les dernières nouvelles.
Et tout d'un coup, tu sais quoi ?
Les nouvelles se sont tues, et un mec a chanté. Et c'était lui. C'était Léo. Et moi, je m'envole. Je m'en vais. J'suis plus là.  Je regarde les nuages, ils courent, et j'trouve ça beau, moi, petit garçon, de quoi ? 8 ou 9 ans. Cette chanson-là, elle m'emmenait si loin, loin de cette Renault, de ce dimanche un peu triste, elle m'émerveillait, tu comprends, cette chanson. Et puis, soudain, mon père, ma mère, je sais plus, l'un deux a dit :
"Oh, mais il est pénible, lui, à répéter tout le temps, c'est extra, c'est extra, c'est extra .."
Et hop, zou, fini, plus de radio. Plus de Léo. Plus de nuages. Plus rien. La solitude ...
Comme lui, Léo, le Ferré, tu vois, je pensais que "tout le monde, il était musicien". Vraiment, je l'ai pensé. C'est beau, n'est-ce pas, la musique ? Et les mots, qu'on y fout d'ssus. Des mots d'indiens. Des Mohicans. J'aime ça, moi.
Alors tu sais quoi ?
Un jour, demain, me suis-je dit, je l'aurai rien que pour moi, tout en entier, oui, du début, jusqu'à la fin, Ferré, personne pour le couper, personne pour arrêter la course des nuages, et basta ! Quand j'serai grand. Libre. Seul.
Et puis, Aix-en-Provence, un samedi, vlan ! Merde ! J'l'ai raté ! Maudit blues .. A croire qu'on "prend l'bonheur toujours en retard". Et alors, là, sur cette place, la Renault 12 TL blanche, la radio, c'est extra, tout m'est revenu dans la gueule. L'enfance. La solitude. Et tu vois, c'est marrant, j'suis pas de la vierge, j'suis du lion. Ascendant balance. "Qu'on soit de la balance ou du lion/On s'en balance, on est des lions" n'est-ce pas  ? ... Pourquoi j'te dis tout ça ? J'sais pas. Moi aussi, tu vois, j'ai vingt ans. Dans quelques jours.
Or donc Léo Ferré. 1969. Campus, émission mythique d'Europe n°1 (4 avril 1968/8 septembre 1972). Version psy. Avec, bien sûr, Michel Lancelot. C'est une rediffusion Europe 2. Et c'est reparti. Les nuages. La mer. Paris. Les filles. Et cette télé, cette putain, que tu dois éteindre, si tu veux être libre, si tu veux penser, tanguer, avec cette fille qu'a vraiment du chien "de la musique au bas des reins" ...
podcast
Léo Ferré (1916/1993), poète, est né le jour anniversaire d'un massacre (24 août) et mort le jour d'une fête nationale (14 juillet). Pas mal, non, pour un anartiste ?
NB : Pour ceusses qui s'intéressent à l'histoire de la radio, alors je vous invite, à découvrir ce site, où donc, quotidiennement, je chronique, un site nommé : Eldoradio. L'inscription est gratuite [Ici].
Le son, ci-joint, proposé n'est qu'un extrait. Il est beaucoup plus riche et dense sur le site-mère.


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