Magazine Culture

L’oreille aux aguets : paralysie, risque et évaluation

Publié le 05 mai 2010 par Halleyjc

La chronique qui prend les mots à rebrousse-plume, animée par Jeanne Bordeau et Olivier Desarthe

L’oreille aux aguets : paralysie, risque et évaluation

crédit photo : benoutram

Voici passés au crible les mots « paralysie », « risque » et « évaluation » dans cette nouvelle petite conversation autour de la langue avec Jeanne Bordeau, de l’Institut de la qualité de l’expression et Olivier Desarthe, journaliste diplômé en didactique des langues. Preuve qu’il existe des expressions dont on use et parfois on abuse !

« L’évaluation des risques a entraîné la paralysie du trafic aérien. » Derrière cette phrase anodine se cachent trois tics de langage de notre époque, que Jeanne Bordeau et Olivier Desarthe décèlent pour nous dans cette nouvelle émission de « L’oreille aux aguets ».

Paralysie à l’aéroport


Pour évoquer la récente immobilisation des avions au sol par l’éruption d’un volcan islandais, un terme a en effet retenu les faveurs des journalistes : celui de paralysie, typique d’un vocabulaire journalistique qui puise volontiers dans l’univers de la santé pour décrire les crises et les tensions les plus diverses.

Et même si par ailleurs les vocables employés dans les colonnes des journaux ont été relativement neutres (« Arrêt », « Blocage »), il est symptomatique de voir que les questions climatiques nous font nous réfugier dans ce genre de métaphores ; le malaise n’en est en effet que mieux entretenu.

Les risques de ne pas en prendre


Une évolution langagière de notre époque a fait progressivement glisser le mot risque comme un synonyme d’« incertitude », alors que précisément le risque peut être analysé, soupesé, et pris en connaissance de cause. Pris en compte par la Charte de l’environnement, rentré dans la loi française par le biais du Principe de précaution, le risque est devenu notre mode de vie et l’utilisation de ce terme participe à exacerber l’irrationnel et les émotions ; on ne l’a que trop vu lors des récents débats sur les ondes, les OGM, le climat, etc.

De fait, nous vivons dans un état perpétuel de crise larvée, volons de risque en risque et l’acception méliorative de ce terme, c’est-à-dire l’audace de tenter, d’entreprendre, semble être passée à l’arrière-plan dans une société plus timorée.

Évaluer l’évaluation


Un autre mot un peu trop commode - et un peu trop utilisé - est le terme évaluation. Un terme issu du vocabulaire de l’économie, qui est devenu un monde commun dans lequel nous nous retrouvons tous en tant que travailleurs et producteurs ; il est d’ailleurs lié, par son étymologie, au mot « valeur ».

Évaluation est un terme bien pratique car on peut le comprendre comme on veut : l’évaluation fait appel à la subjectivité, elle est donc une appréciation imprécise par nature ; mais évaluer est aussi bien souvent synonyme d’expertiser, de mesurer, de chiffrer, dans un monde où tout est évalué - sauf les évaluations…

Si un mot tintinnabule, si vous voulez agrémenter cet échange qui prend l’époque à « rebrousse-plume », n’hésitez pas à nous joindre.


L’Institut de la qualité de l’expression : http://www.institut-expression.com/ ou sur son blog http://blog.institut- expression.com

Si vous le souhaitez, vous pouvez découvrir les tableaux de mots de Jeanne Bordeau le 9 juin à la Galerie des Saints-Pères (13 rue des Saints-Pères – 75006 Paris) à partir de 18h00. Il s’agit de tableaux sur cartons (collages, encre, papier sur carton) où se succèdent les mots de l’époque recueillis dans la presse. Une vente de bienfaisance de ces tableaux, au profit de l’Association pour la Recherche sur le Diabète, aura également lieu le même jour à partir de 20h00.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Halleyjc 1348 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte