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Blocage

Par Arielle

 rap.jpgJe n’ose pas me montrer.

Je dois certainement cette force de sous estimation à ma grand-mère maternelle, Mameth, qui nous bourrait le mou de tabous et interdits en tous genres. Elle nous avait toujours mises en garde contre les plaisirs du sexe. Une jeune fille devait rester effacée, discrète et surtout ne pas se mettre en valeur, cela risquait de faire catin. Dès la puberté, elle me scrutait sous tous les angles. J’aimais bien me faire belle, porter mes mini jupes et me maquiller un peu. Toutes mes copines prenaient soin d’elles et je les admirais mais j’avais mon garde du corps ! « Enlève ce bleu de tes yeux et ne crêpe pas tes cheveux. Tu es trop jeune ! ». Mais je m'appelle Arielle et l'aventure me plait, et puis ce qui est interdit est toujours alléchant ! Alors, je persistais et m’achetais du maquillage en cachette. Véronique m’initiait à ne pas trop en mettre afin d’être encore plus jolie.

Avant de rentrer à la maison, j’effaçais tout mais l’œil critique percevait la moindre trace de fard aux joues et me faisait la morale. J’en arrivais à croire que mes amies étaient des aguicheuses et je culpabilisais. Déjà timide par nature, Mameth renforçait chez moi cette peur des autres.

C’était également la période où mes seins poussaient. A onze ans, je faisais déjà du 90B et ça, ce n’était pas de ma faute. Maman m’emmena dans une boutique spécialisée et m’acheta un soutien-gorge qu’elle avait du payer les yeux de la tête mais qui me seyait à merveille « Ainsi, tu seras bien maintenue, tu n’auras pas mal dans le dos et tu garderas une jolie poitrine toute ta vie ». J’étais exceptionnellement ravie de cette attention si délicate mais le major d’homme, en l’occurrence ma grand-mère, proféra des jurons et insultes à n’en plus finir « Je te conseille de cacher cette proéminence en rentrant tes épaules dans la rue, sinon tu vas avoir des ennuis avec les hommes ». Elle me faisait peur et je commençais à fuir la gente masculine. Lorsqu’un homme me regardait, je changeais systématiquement de trottoir, baissais les yeux de honte et accélérais le pas. Je rentrais à la maison terrorisée et malheureuse d’avoir un si beau gabarit. Je ne me déplaçais plus qu’à bicyclette, courbant le dos pour cacher ce cadeau de la nature et afficher mes jarrets. Quelques années plus tard, j’achetais des soutiens-gorge trop petits et qui m’écrasaient les seins afin de passer inaperçue, je m’habillais large pour que l’on ne voie pas mes formes. Je rasais les murs.

Ce n’est que lorsque j’ai allaité ma fille que j’ai enfin pu me libérer de ce fardeau psychologique.


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