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Max | Ajami

Publié le 06 mai 2010 par Aragon

Ajami.jpg"Ajami", film israélien de Scandar Copti et Yaron Shani. Encore un film fabuleux ! Un météore, un missile plutôt qui vient exploser sur l'écran blanc de mes nuits de plus en plus noires.

"Le Prophète" d'Audiard avait déjà atteint sa cible. Mon coeur avait été pulvérisé. C'est marrant car une critique du "Monde" (*) le met aussi en parallèle avec "Ajami" en disant qu'ils intègrent dans leurs gènes le contexte sociopolitique qui rend l'oeuvre exceptionnelle.

Dans ces deux toiles black is black, il n'y a plus d'espoir. Pas la peine de sortir nos mouchoirs, c'est le menuisier qu'il faut appeler d'urgence. Commander les cercueils. Un "max." Car la mort flotte dans l'air du film, autant, même pire que l'ancien fog le faisait sur Londres jusqu'il n'y a pas si longtemps. La mort, ainsi que le disait Eluard dans son poème à Nush "Notre vie", la mort :

" ... Mais la mort a rompu l'équilibre du temps

La mort qui vient la mort qui va la mort vécue

La mort visible boit et mange à mes dépens..."

Ajami est un quartier de Jaffa (Israël), pas la peine de faire dans le détail, de finasser, faut le dire tout cru depuis 1948 les différentes communautés se haïssent et se tuent. Le film c'est ça, ce n'est que ça. De la haine, de l'incompréhension, des murailles visibles et invisibles entre les hommes, de l'obscurantisme, des armes donc de la violence, donc de la mort généreusement saupoudrée. Deux heures de fureur, de larmes et de sang.

Ce qui fait toute la folie de ce film c'est qu'individuellement ces hommes et ces femmes sont magnifiques souvent, sont des hommes et des femmes, avec familles et bébés, normaux quoi ! Le problème c'est l'appartenance. Appartenance mortifère à un pays, une ethnie, une communauté, un clan, une ville, un quartier, une rue, une couleur de peau, une putain de religion. Celui d'en face n'étant bon qu'à être haï, insulté, racketté, battu, tué. Fermez le ban !

J'avais mis "mes Émil Cioran" dans l'Enfer de ma bibliothèque, car j'en avais plein les fesses de la négativité, du pessimisme désespérant, sans espoir de guérison. Et voilà qu'il suffit bien sûr d'ouvrir les yeux pour se rendre compte qu'il pue, qu'il sue, qu'il transpire, à travers tout : Livres, films, actualité, politique, économie, systèmes religieux et politiques. Il suffit d'ouvrir les yeux pour se rendre compte qu'à Belfast, malgré le cessez-le-feu, ils se haïssent plus que jamais, idem entre Inde et Pakistan, idem en Afrique, idem en Afrique du Sud et dans bien des pays du reste de l'Afrique, idem aux States où le KKK n'est pas mort, loin s'en faut, idem en Amérique latine, idem  etc. etc. etc. Et merde ! Cerise sur le gâteau, un système économique profondément pervers distille son poison, ses pestilences, ses miasmes et laisse sur le carreau des millions de sans-travail, de sans-logis, de sans-papiers, et remerde !

Ajami est un chef-d'oeuvre d'une ténèbre absolue. C'est un chef d'oeuvre car je le reçois comme des milliers de spectateurs, les yeux grands ouverts.

Je ne peux plus dire dans notre chienne d'époque actuelle : "Tant qu'il y a de la vie, il ya de l'espoir" mais je dis, je le gueule, et je mets au défi quiconque de m'en empêcher : "Tant que je garderais les yeux ouverts j'aurais de l'espoir"

(*) http://www.lemonde.fr/cinema/article/2010/04/06/ajami-un-film-noir-jaillit-du-coeur-d-israel_1329494_3476.html



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